Enseignant chercheur

Tristan Cazenave, membre du CNRS et professeur en informatique à l’université Paris-Dauphine, est spécialisé en intelligence artificielle pour les jeux et l’optimisation. Il est notamment réputé pour avoir travaillé sur le jeu du Go.

Pourquoi s’être tourné vers le domaine de l’intelligence artificielle ?

Depuis tout petit j’étais passionné par les jeux, et j’ai donc commencé à en programmer à l’adolescence pour mon plaisir. C’est vers 15-16 ans que j’ai programmé mes premiers jeux d’aventures dans lesquelles il fallait interagir avec l’ordinateur et donc créer une sorte d’IA qui permettait de répondre aux ordres et aux questions du joueur. Je me suis vite rendu compte qu’il existait aussi des jeux trop complexes pour être résolu par un programme, comme l’était le jeu de Go. C’est afin de résoudre ce genre de problèmes que je me suis donc intéressé à l’IA ; et comme j’aimais bien l’informatique et les jeux, j’ai décidé de faire de l’IA pour les jeux.

Pouvez-vous nous parler de votre livre : Intelligence artificielle, ou une approche ludique ?

C’est un livre qui répertorie différents algorithmes pour jouer à des jeux. Il est assez technique, car il contient beaucoup de programmation. Cela va des algorithmes classiques comme l’alpha bêta, utilisés traditionnellement pour des jeux comme les échecs et les dames, à des algorithmes plus récents. Il est donc destiné aux étudiants en informatique qui font de la programmation.

Pourquoi est-ce que tout le monde s’intéresse à l’intelligence artificielle de nos jours selon vous ?

C’est en partie dû à AlphaGo qui a montré qu’on pouvait créer une IA meilleure que l’intelligence humaine dans des domaines très complexes comme le jeu de Go. Et avec l’arrivée du big data, une énorme quantité de données est arrivée dans les entreprises et il a donc fallu trouver comment utiliser intelligemment ces données : l’IA était la meilleure solution.

Certains ne savent pas ce qu’est réellement l’intelligence artificielle, avez-vous une définition ?

On pense souvent que l’intelligence artificielle est une intelligence humaine sur un ordinateur. Alors que ce n’est pas du tout le cas : ce sont des algorithmes qui prennent des décisions sur des domaines complexes, et qui sont de différentes formes, plus ou moins adaptées aux problèmes sur lesquels on les applique.

Selon vous, quelles sont les différences entre l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle ?

C’est une question difficile… L’intelligence humaine est uniforme et générale, nous savons combiner de manière efficace de nombreux modules dans notre cerveau, ce qui nous permet de faire différentes tâches et de résoudre différents problèmes dans une journée. L’IA elle, est plutôt spécialisée. On sait faire un programme qui est très bon dans
un domaine, mais pas un qui soit bon dans tous et qui sache tout faire. Cependant, il existe une branche de l’IA dans les jeux qui s’appelle le « General game playing », où on essaie justement de faire des IA générales qui savent résoudre différents problèmes à la fois, mais cela ne permet pas de dépasser les compétences humaines dans tous les domaines.

Pourquoi vouloir faire s’affronter ces deux intelligences ?

On les fait par exemple s’affronter au jeu de Go, car c’est une bonne mesure de l’intelligence. Cela nous permet d’évaluer son niveau : on arrive à montrer que l’IA peut être meilleure que l’intelligence humaine dans certains domaines.

Êtes-vous plutôt optimiste ou craintif quant au futur de l’IA ?

Optimiste ! Après, c’est une technologie donc on peut toujours l’utiliser pour de bonnes comme pour de mauvaises choses.Cela dépendra donc de comment on l’exploite, et il faut justement veiller à cela.

Vous n’avez pas peur qu’un jour elle nous dépasse ?

Elle nous dépasse déjà, mais ce n’est pas un problème. Au contraire, cela nous permet de faire des choses qui nous dépassent ! L’IA soulève des fantasmes, car nous projetons ce que nous pensons être. On imagine qu’une IA peut réfléchir comme un humain alors qu’elle est très spécialisée sur certains problèmes, plutôt comme un outil. Cependant, nous pouvons essayer de fantasmer sur le fait que cet outil va ressembler de plus en plus à l’être humain et faire des choses comme nous. Mais penser qu’elle va nous dépasser et voir en cela une catastrophe, ce n’est pas envisageable dans l’état actuel des choses.

Propos recueillis par Miguel PINTO et Claire-Ange MARÉCHAL

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