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CRISPR Cas9, les ciseaux moléculaires révolutionnaires

Ajouter, retirer ou atténuer l’expression d’un gène est une opération aujourd’hui relativement accessible. Mais CRISPR Cas9 promet de faire mieux encore : modifier un gène directement dans l’organisme. Une innovation clé en génétique ; pourtant, beaucoup de spécialistes alertent les politiques et scientifiques quant aux dérives possibles.

L’ADN, c’est quoi ? 

L’ADN se compose de deux brins, l’un face à l’autre. Sur un brin, on a une suite de A,C,G et T. Il s’agit des séquences d’ADN, qui peuvent être de la forme ACCGTTTA ou TTCAGCAGT, tout dépend du gène . Sur le brin opposé, on a une séquence dite complémentaire : en face d’un A, un a un T et inversement ; en face d’un C, on a un G et inversement. Ainsi, si sur le brin 1, la séquence est ACAGTA, sur le 2 nous aurons TGTCAT. Ce sont ces séquences, bases de l’information génétique, que CRISPR Cas9 permet de modifier.

CRISPR Cas9, les ciseaux moléculaires

CRISPR Cas9, à l’origine présent chez les bactéries et autrement appelé « ciseaux moléculaires », se compose d’un brin d’ARN (une molécule proche de l’ADN, responsable de la production de protéines par l’organisme) associé à Cas9. Ce dernier est une enzyme capable de couper, remplacer, inactiver ou modifier les séquences de l’ADN de cellules, animales ou végétales. L’ARN, complémentaire à la séquence d’ADN que l’on souhaite modifier, va repérer cette séquence parmi les chromosomes. Cas9, lié à la séquence ciblée, va alors pouvoir exercer son rôle de « ciseaux ». Après la découpe, la séquence peut être soit définitivement supprimée soit remplacée par une autre. L’ADN est alors irréversiblement modifié. Lorsqu’Emmanuelle Charpentier, généticienne française, et Jennifer Doudna, généticienne américaine, publient en 2012 le résultat de leur collaboration à ce sujet, le succès est immédiat. Elles reçoivent de nombreux prix scientifiques internationaux. Et pour cause : cette technique est à la fois moins chère et plus rapide que toutes celles utilisées précédemment, et ouvre la voie à de grandes innovations.

Des applications inestimables … à surveiller

Certains voient en CRISPR Cas9 la possibilité de réanimer des espèces disparues, à l’instar du Mammouth. D’autres prônent avant tout un moyen rêvé de guérir de maladies génétiques lourdes, et jusque-là incurables. Pourtant, les « ciseaux moléculaires » sont à prendre avec des pincettes. En effet, modifier des cellules germinales, c’est-à-dire transmises à la descendance, signifie que l’on modifie de manière irréversible un gène. Cette modification se transmettra au fil des générations, alors même que l’on n’a aucune idée des potentiels effets secondaires indésirables de cette technique. De même l’outil CRISPR Cas9 pourrait permettre de manipuler des embryons humains de manière irréversible. Manipuler le génome est un des objectifs les plus ardus de la communauté scientifique ; mais il est aussi l’un des plus controversés. Car le génome humain est une machinerie qui s’est toujours suffit à elle-même, et dont on ne connait pas encore tous les mécanismes. Sa modification est ainsi autant un espoir qu’une arme potentielle si elle est utilisée à mauvais escient et sans régulation.

Margot BRUNET

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