Solidays 2018 : entre divertissement et solidarité

« Bonjour, vous voudriez faire un don pour Solidarité Sida ? » Il y a fort à parier que les 210 000 visiteurs de la 20ème édition des Solidays, qui marque d’ailleurs le record de fréquentation du festival, n’auraient pas tous répondus positivement à un recruteur de donateurs croisé à la sortie du métro. Pourtant, depuis sa création, le festival a permis de réunir quelques 25 millions d’euros pour la lutte contre le sida. La solidarité change peu à peu de forme, s’écartant du modèle préétabli du donateur humaniste par essence.

Aider en dansant, c’est possible ?

Qui croirait que cet adolescent en frénésie devant le mur d’enceinte en proie aux vibrations des notes de David Guetta est en train de donner 50€ à la lutte contre le Sida ? C’est l’objectif des Solidays. Danser, qui plus est devant les artistes les plus en vogue du moment, pour apporter son aide à une cause. L’idée a tout pour plaire. Allier engagement et amusement. Un paradoxe à double tranchant. Les danseurs engagés sont-ils des hypocrites auxquels la cause importe peu, ou des humanistes qui font évoluer la notion d’engagement ? Combien sont-ils, parmi ces milliers de visiteurs, à avoir conscience du but de ce festival ? Si celui-ci n’avait pas de vocation humanitaire, auraient-ils plus hésités à prendre leur place ? Antoine de Caunes, président d’honneur de Solidarité Sida, lance en souriant pendant la conférence de clôture : « je tiens à préciser qu’on peut être bourré et solidaire à la fois ! ». Aux Solidays, le pari semble tenu pour le directeur fondateur de Solidarité Sida, Luc Barruet : « Les choses de dingue ne se passent pas sur scène aux Solidays, les belles rencontres sont avec les militants, les bénévoles … ». Peu importe, peut-être, que chacun ait conscience de son action : les Solidays apportent tout de même des millions d’euros à la lutte contre le Sida. Le directeur général termine la conférence par « Ici, on met en scène la solidarité. On le rend palpable. On vient jouer une pièce collective. ». Et le directeur sait comment s’assurer que chaque festivalier entende son discours. Par exemple en prenant la parole sur la scène principale, alors que la presque totalité des visiteurs attend impatiemment l’arrivée de David Guetta.

L’Assemblée Nationale met la main à la pâte

Une trentaine de députés ont été invités sur le festival cette année. Ils étaient de tous bords politiques. Quel est donc le but de leur venue aux Solidays ? Dorer leur image, et mettre en avant une Assemblée modernisée ? Premier constat relativement simple. Mais nous pouvons aussi y voir une prise de conscience des politiques quant à l’importance de ces nouvelles formes d’engagement. C’est en ce sens que les Solidays se distinguent des autres festivals : ici, on peut croiser des députés, ou encore Brigitte Macron, venue se promener dans le festival le jour d’ouverture. Pour Luc Barruet, il ne manque plus que la visite du président lui-même, qui serait un geste fort de reconnaissance envers les bénévoles et associations qui permettent au festival de se tenir et d’avoir du sens, alors que les visites au Bourget ou au salon de l’agriculture font partie des incontournables de l’agenda présidentiel. Regrettable qu’il n’en soit pas de même pour un événement qui rassemble des centaines de milliers de personnes pour lutter contre une épidémie répandue mondialement. Mais l’absence du président ne retire rien à l’impact du festival dans la lutte contre le sida.

La concurrence des autres festivals

Les Solidays pâtissent aujourd’hui de la concurrence des autres festivals, qui pousse à augmenter le salaire des artistes. Lors de leur création, les Solidays étaient l’unique festival francilien de cette ampleur. Aujourd’hui, les festivals foisonnent, et bien souvent, les programmations se ressemblent. Les tarifs à débourser pour dénicher un artiste augmentent donc. Mais les organisateurs sont formels : ils refusent de participer à cette surenchère, pour un festival dont le but premier est la valeur solidaire. Les artistes qui se produisent ainsi pendant le dernier week-end de juin à l’hippodrome de Longchamp ont accepté de baisser leur tarif pour la cause du festival. La distinction se fait également sur les recettes de l’événement. Aux Solidays, on ne garde pas les recettes pour faire mieux l’année suivante. L’intégralité des fonds est reversée à Solidarité Sida ; et chaque année, tout reprend à zéro. Difficile, dans ce contexte, de s’imposer face aux festivals à l’influence grandissante. Les Solidays devront donc savoir réinventer chaque année les recettes d’un engagement moderne pour s’imposer.

Margot BRUNET