Les dés ne sont pas jetés

Connaissez vous le grand-père des jeux de rôle ? Le même concept qui a inspiré « World of Warcraft », « The Elder Scroll » ou encore la série « Stranger Things » ? Il s’agit bien sûr de la légendaire franchise « Dungeons and Dragons » (D&D) créée par Gary Gygax et Dave Arneson en 1974. Ce jeu se résume en deux mots-clés : imagination et travail d’équipe. Les joueurs d’un groupe incarnent des personnages du médiéval-fantastique et évoluent dans un univers imaginaire où le but est de coopérer pour vaincre des monstres, résoudre des mystères et amasser des richesses. Tout cela avec du papier, des crayons, quelques dés et beaucoup d’imagination.

Mais ce succès mondial est bien plus qu’un divertissement. Aux États-Unis, c’est aussi une thérapie pour « explorer les donjons mentaux et vaincre des dragons psychologiques ». Cette métaphore fut utilisée par le psychologue Wayne Blackmon qui publia une étude en 1994 montrant comment D&D avait été utilisé pour traiter un jeune homme suicidaire et schizophrène, sur lequel les autres traitements avaient échoués. À travers le jeu de rôle, le patient avait pu « exprimer ses angoisses et ses émotions dans un environnement sûr et structuré ».

Mais les enfants ne sont pas les seuls à combattre leurs démons. En prison, surtout aux États-Unis, de nombreux détenus jouent à D&D dans de ternes réfectoires pendant leur temps libre. Mais alors que certains centres pénitenciers encouragent ces initiatives pour aider à la resocialisation, d’autre l’interdisent pour des raisons idéologiques : éviter que des détenus se dérobent leur punition en s’évadant dans leur retraite fantastique. En 2017, dans une prison à haute sécurité dans le Colorado, des journalistes du « Waypoint » (média américain) sont allés interviewer un de ces groupes. Ils ont remarqué que ces détenus, malgré les actes illégaux et immoraux commis dans la vie réelle, tendent souvent à incarner des personnages plutôt bons, respectueux des lois et même prêts à se sacrifier pendant les séances de D&D.

Après tout, au fond de soi, chacun doit sans doute se considérer comme quelqu’un de bon et le jeu de rôle peut être un moyen de l’exprimer.

Qu’il s’agisse d’enfants délicats ou d’adultes sur le chemin de la rédemption, un moyen de devenir une meilleure personne consiste peut-être à incarner, via le jeu, un personnage que l’on n’est pas encore tout à fait soi-même.

Alexandre FOLLIOT

Illustration : Anne-Marie FOLLIOT

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *