Un voyage en Azeroth

Quand la Sociologie rencontre le jeu vidéo

Vous en avez assez de faire des études sociologiques en effectuant des sondages à chaque coin de rue ? Vous n’en pouvez plus d’étudier des tableaux de statistiques à rallonge ? Quoi de mieux qu’un jeu massivement multi-joueurs, où l’on pourfend des murlocs pour le petit déjeuner, pour étudier les comportements individuels ou en communauté, face au danger et à l’adversité ?

Sorti en 2004, le jeu vidéo World of Warcraft est un jeu de rôle massivement multi-joueurs, basé sur le monde Heroic-Fantasy de la série éponyme. Ainsi, vous rassemblez donc sur des serveurs dédiés, des centaines de joueurs pouvant arpenter les terres d’Azeroth ensemble. Le jeu étant mis à jour assez régulièrement, de nouveaux contenus apparaissent avec de nouvelles zones. Mais nouveau ne veut pas forcément dire meilleur, puisqu’en effet les bugs sont réguliers…

Nous sommes en 2005, à la sortie du raid de Zul’Gurub (une de ces extensions) et vous êtes un chasseur niveau 60. Votre fidèle loup, Alma, vous accompagne, et vous affrontez enfin le boss final de votre périple : Hakkar. Cet affreux monstre peut poser sur vous une maladie mortelle, la peste de sang corrompu, qui, si vous ne vous éloignez pas de vos alliés, les infecte à leur tour. À la fin du combat, lorsque vous quittez la zone, vous perdez la maladie.

Une fois de retour à la capitale, vous vous rendez compte bien trop tard que les développeurs ont oublié votre petit Alma, qui lui possède encore la maladie et qui a déjà infecté une dizaine de personnages sans le savoir. Ainsi, le sol des capitales se retrouve jonché de cadavres, les gens prennent la fuite vers les régions reculées d’Azeroth, et des schémas comportementaux face au danger se mettent en place : voici le sujet même d’étude de Nina Fefferman, épidémiologiste et docteur à l’université de Princeton.

Lors de l’étude des joueurs, elle a pu noter les différents types de réactions face à la maladie mortelle se propageant : panique, peur, tentative de soigner les autres joueurs (gratuitement ou contre de l’or), indifférence aux essais de quarantaine, ou encore volonté de propager la maladie. De plus, en fonction de votre niveau, vous aviez plus ou moins tendance à résister à la maladie, le jeu simulant même les parts de la population résistante. Fefferman a fini par conclure que cet évènement était extrêmement intéressant, dans le sens où il prouve que les comportements humains sont bien plus aléatoires et complexes que ceux modélisés mathématiquement, et que nous étions encore loin de comprendre avec exactitude les réactions humaines face à l’adversité.

Guillaume GIRIER

Illustration : Théophile GREZES

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