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De l’élève à l’étudiant, du privé au public : l’université terrain d’intégration

Passer du lycée à l’université représente toute une étape, un monde nouveau, c’est comme entrer en sixième et découvrir le collège. Le choc total. Ne plus être un élève mais incarner la figure mythique de l’étudiant (avec ses avantages et ses inconvénients). Nous nous souvenons de ce personnage dans Un, Dos, Tres. Ça y est c’est toi Lola ou Pedro. On entend encore nos parents s’écrier : « Mais tu verras, l’université c’est la meilleure période de ta vie, tu te fais des amis en cinq minutes !! » Le grand saut pour tous ces élèves qui ont choisi la fac, mais ici, c’est l’atterrissage qui nous intéresse.

Privé ? Public ?

Nous l’avons remarqué, il existe une très nette différence entre l’enseignement privé et l’enseignement public. Les élèves dans le public ont une plus grande autonomie, ils survivent à l’université par cette force d’indépendance déjà très présente dans leur éducation scolaire, mais ils ont un manque de méthodologie. Il n’en est pas de même pour les élèves issus d’écoles privées. Des classes qui varient entre 10 et 30 élèves, avec un suivi très rigoureux des enseignants, une méthodologie très appuyée, mais un manque total d’autonomie. Une fois arrivés à la fac, il est facile de noter ces différences. Chaque enseignement a les avantages de ses inconvénients. Et assez rapidement il est possible de surpasser ces différences grâce à des outils mis en place comme le tutorat ou les ateliers d’expression française. Si c’est un monde nouveau pour l’élève que cet univers de la fac, c’est un véritable choc pour beaucoup d’anciens élèves du privé. En France, en 2012-2013, 16,9% des élèves se trouvaient en établissement privé (Éducation Nationale). Ce qui nous amène à 1,13 millions dans le secondaire seulement, soit un cinquième des élèves du secondaire en France.

Beaucoup de préjugés

Dans un monde où chacun a sa classe et où rien ne dépasse, l’on voudrait que les élèves issus de lycées privés, qui frôlent parfois les 13 000€ l’année, aillent en école de commerce ou en prépa. Les lycées privés scolarisent plus de 440 000 élèves en France (Éducation Nationale) nous retrouvons près de 120 000 étudiants en école de commerce à la même période. Plus de 520 communes en France n’ont pas d’écoles publiques, il ne s’y trouve que des établissements privés. Beaucoup de leurs élèves vont ensuite à l’université, et connaissent un temps d’adaptation plus long que les étudiants issus du public. La fac c’est surtout un choix aussi puisque nous comptons en France en 2012 1,46 millions d’universitaires (INSEE). Parmi les élèves du privé qui arrivent à la fac nous avons l’exemple de Richard : « Pour moi c’est une fierté. Je sortais de trois années d’enseignement privé sinon jusqu’en seconde j’étais dans le public. La Sorbonne ça a été ma libération. Contrairement au privé il y a une volonté d’écrémer, ta place est à jouer. Sinon c’était un soulagement de retrouver un enseignement public. Je connaissais les codes, je n’avais plus besoin de jouer un rôle. J’étais moi-même. Être de nouveau confronté à la réalité et à la mixité sociale c’était un bonheur et surtout j’étais heureux de ne plus être jugé. Venir du privé aujourd’hui c’est pointé du doigt dans les milieux populaires et ça je l’ai mal vécu, on me disait que ce que j’accomplissais était le fruit de l’argent de mes parents et non pas de mon travail. La fac c’est mon mérite et je prouve que j’y réussi seul. »

L’université après le privé, un défi social à relever

Que l’on sorte d’un Privé Hors contrat ou du Lycée Condorcet, nous notons des différences chez les élèves. Une fois arrivés à la fac, ce manque de parallélisme se fait ressentir lorsqu’il s’agit de socialiser. Il y a aussi un certain écart perceptible qui est pris lorsqu’un élève du privé dit d’où il vient, comme une sorte de lutte des classes prononcée à l’université. Ce ressenti est moins présent chez l’étudiant du privé puisqu’il est attendu de retrouver des étudiants du public à la faculté. L’on observe bien assez vite que ce nouveau monde est un terrain d’affrontement politique, un Game Of Thrones sur cinq ans en moyenne. Le passage de classes privilégiées avec un suivi personnel à l’anonymat est très difficile pour l’élève provenant du privé. En première année, en moyenne, 46% des élèves ne passent pas le cap de la deuxième année. Parmi eux, la moitié quittent la faculté. Chez les étudiants venant du privé, les arguments les plus récurrents est l’impossibilité à s’adapter autant au niveau scolaire qu’au niveau social. Passer de classes de 20 personnes à des amphithéâtres de 500 personnes est très dépaysant. Mais surtout, au niveau de l’intégration, il s’agit de passer d’un monde où presque tous ont un dénominateur social commun, à la réalité : la mixité. Certains ressentent une sélection sociale très forte, c’est le cas de Samira, ancienne étudiante en économie-gestion à la Sorbonne : « Il y avait beaucoup de groupes qui étaient déjà formés. C’était très difficile de s’intégrer. Moi qui ai passé toute ma scolarité dans le privé, j’avais déjà plus de mal à sociabiliser. Mais là c’était un nouveau monde total, j’avais la boule au ventre. Je me sentais seule, et donc j’ai décroché. Je n’avais pas d’ami, ça ne me motivait pas. Presque personne ne venait de mon lycée, quand je loupais un cours je n’avais personne à qui demander. Je suis d’un naturel timide donc ça n’aide pas. Il y avait une indifférence dans ma classe presque tous venait du même lycée et avait les mêmes codes qui me sont inconnus. »

Des vies parallèles

Toutes ces questions soulèvent le fait que l’université n’est pas vécue de la même manière par tous. Au point de vue scolaire, les ressortissants du public ont une plus grande facilité à s’intégrer et à trouver leur identité dans cet univers de la connaissance. Cette socialisation différentielle est retrouvée lors du passage (par exemple) de la Sorbonne de Clignancourt à la Sorbonne Mère. Beaucoup d’élèves se plaignent de l’aspect trop élitiste, à en croire trop « privé », des élèves qui viennent de tous horizons en 3ème année de licence. De l’autre côté, il est entendu que c’est un milieu étudiant trop politisé et trop communautaire. De tels ressentis appuient cette séparation qui nous suit dans le milieu du travail. Force est de constater qu’il existe un conflit social dans les études supérieures.

Fadhila CHIKH

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