Sirène, réalisatrice, championne d’apnée et danseuse, nous avons rencontré Julie Gautier, plongeuse aux mille casquettes.
Vous plongez depuis presque toujours : c’est votre travail, vous y avez rencontré votre mari… Vous vivez presque dans la mer. Qu’est-ce que vous lui trouvez de particulier ?
C’est comme si on me demandait ce que je trouvais à la terre ! Je suis née dedans, ça fait partie de mon équilibre, je ne pourrais pas vivre sans la mer. C’est mon élément. C’est elle qui m’inspire et je pense que jamais je n’écrirai quelque chose sur la terre ; déjà parce qu’énormément de personnes très talentueuses le font déjà, et surtout parce que ma créativité appartient à l’eau.
Vous êtes danseuse, apnéiste, réalisatrice et mêlez dans vos courts-métrages le cinéma, la danse, la photo et l’apnée, comment s’est fait le lien entre toutes ces disciplines ?
Le lien s’est fait au fur et à mesure par des chemins de vie, des chemins de hasard. J’ai connu l’eau dès toute petite grâce à mon père, qui était pêcheur en apnée. L’eau m’a amenée à l’apnée, performance qui m’a amenée à rencontrer Guillaume [NDLR son époux Guillaume Néry, champion du monde d’apnée] qui m’a mis une caméra entre les mains. La danse s’est incluse à tout cela très naturellement. Ma mère était professeure de danse donc ça a toujours fait partie de ma vie et de mon environnement.
Dans l’eau vous vous dites «dans un état méditatif hors du temps » ou dans «un moment de calme absolu», alors pourquoi ajouter de la musique dans vos films ?
Calme et sérénité ne veulent pas dire silence ! Et c’est faux, il se passe beaucoup de choses sous l’eau. Vous mettez une image et trois musiques différentes et vous obtenez trois films différents. La musique c’est l’émotion. Et comme je fais des films sans paroles, c’est un petit peu le fil d’Ariane émotionnel. Il me permet d’ajouter de l’émotion sans avoir à ajouter de paroles. Je fais des films oniriques avec beaucoup de sentiments, la musique m’aide à les retranscrire de façon plus précise. L’important je pense, c’est qu’on ait quelque chose de précis à dire sur soi et la musique m’aide à écrire ces paroles du cœur.
Beaucoup de médias ont salué Ama, l’un de vos courts-métrages dans lequel vous dansez à dix mètres de profondeur. Pourquoi selon vous, qu’a-t-il de spécial ?
Ama est un film qui vient de très profond, du fond de mon âme et de mon cœur. Il a été fait avec énormément d’authenticité, d’amour et d’empathie. J’avais besoin de m’ancrer dans le sol, de reproduire de véritables mouvements dansés. L’eau permet également de surprendre, par des envolées majestueuses. L’idée c’était de montrer qu’il n’y a pas de pesanteur sans apesanteur, pas de légèreté sans poids, pas de ying sans yang. Je voulais mettre en opposition et en corrélation ces deux univers : le bien et le mal, les douleurs et les résurrections. Toutes ces alternances qui forment les histoires de vie. Ce film est fait en musique et en mouvements pour pouvoir raconter mon histoire tout en permettant aux gens d’y mettre la leur. J’ai été fascinée par toute cette émotion que le film a suscitée. Ça représente tellement pour moi. Je pense qu’il permet de partager ses émotions, de se livrer et de se reconnecter à des souvenirs ou à des douleurs un peu enfouis.
Poétique. Tout en légèreté. Gracieux. Les adjectifs ne manquent pas dans les critiques sur votre travail, mais quel adjectif définirait le mieux votre rapport personnel à l’océan ?
Authentique. C’est ma quête dans la vie, l’authenticité, et on ne peut pas tricher avec ou dans l’eau. C’est un miroir. C’est un élément dans lequel on se plonge littéralement. Malheureusement aujourd’hui on est complètement déconnecté de l’eau, de la même manière qu’on l’est avec la nature. Ce rapport essentiel et de simplicité à notre environnement, à la mer, nous l’avons complètement perdu. C’est ce que j’ai envie de recréer à travers mes films, que l’on redevienne ces animaux marins, tout simplement parce que l’eau c’est la vie et qu’on l’oublie souvent. On la regarde au fond des piscines, on l’utilise, mais on n’est plus en harmonie avec et ça me fait beaucoup de peine. Il faut se poser la question du retour à la simplicité, c’est essentiel : le retour à la simplicité, à la beauté et à la bienveillance.
Dans votre film Narcose ou encore dans le clip Runnin de Beyoncé et Naughty Boy que vous avez co-réalisé, on peut voir un homme, votre mari, courir au fond de l’eau. À votre avis entre l’Homme et la mer, qui finira par avoir le dessus ?
Personne j’espère ! Cela ne sert à rien de courir. Ce qui serait beau, ce serait de se retrouver et j’espère qu’on arrivera à vivre en harmonie. Et c’est très difficile de courir sous l’eau, croyez-moi !
Tous les films et les collaborations de Julie Gautier sont disponibles sur le site :
lesfilmsengloutis.com
Propos recueillis par Valentine L. Delétoille
Crédits images : Julie Gautier, Guillaume Néry