Les ondes gravitationnelles : une bénédiction pour les astronomes en quête d’exoplanètes ?

[Image mise en avant] Représentation artistique d’ondes gravitationnelles émises par un système binaire de type naine blanche compacte accompagnée d’une planète de masse Jovienne. © Simonluca Definis

Théorisées en 1916 par l’illustre Einstein, puis mesurées pour la première fois en 2015 par les interféromètres LIGO et VIRGO, les ondes gravitationnelles ont ces cinq dernières années fait couler beaucoup d’encre. Toutefois, au-delà des nombreuses détections comptabilisées jusqu’à aujourd’hui, quel apport concret peuvent-elles engendrer dans la recherche astronomique ?

 

Détecter des exoplanètes circumbinaires avec LISA

À l’occasion de la préparation du programme spatial LISA par l’ESA (European Space Agency), une étude prévisionnelle est parue le 8 juillet 2019 dans la revue de référence mondiale Nature Astronomy. Cette dernière expose les résultats révolutionnaires qui pourront être obtenus sur les exoplanètes une fois effectuée la mise en service de cette mission. En effet, les co-auteurs Camilla Danielski et Nicola Tamanini ont révélé une nouvelle méthode de détection qui exploite le plein potentiel de LISA. L’objectif à terme étant d’appréhender la véritable population planétaire dans les galaxies.

Nous proposons une technique qui permettra de détecter des exoplanètes massives en utilisant l’astronomie d’ondes gravitationnelles”, ont introduit les deux astrophysiciens. Grâce aux satellites LISA Pathfinder, il sera donc possible de caractériser de nouvelles exoplanètes circumbinaires (i.e. des planètes appartenant à un système double d’étoiles, abrégé CBP) orbitant autour de naines blanches binaires (i.e. restes compacts d’étoiles type solaire qui se sont débarrassées de leur couche extérieure, abrégé DWD) partout dans notre Galaxie, ainsi que dans les nuages de Magellan. “De plus, contrairement aux procédés de détection habituellement employés, l’efficacité de notre méthode ne dépend pas de l’activité stellaire et dans des conditions très favorables, elle facilite même l’identification de planètes possédant des masses inférieures à cinquante?masses terrestres”.

Les planètes traquées seront prioritairement des géantes car elles trahiront plus facilement leur présence : le signal d’ondes gravitationnelles émis par le DWD est d’autant plus perturbé que la planète est dense.  De plus, l’idée des chercheurs semble raisonnable lorsqu’on sait que près de la moitié des étoiles s’établissent dans une configuration double – le compagnon d’une naine blanche est souvent une étoile de faible masse. Pour le moment, aucune planète n’a été découverte aux alentours des DWD, bien que théoriquement démontrée et indépendamment de la compacité du binaire.

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Schéma montrant la géométrie du système à trois corps. Les étoiles binaires et la planète orbitent chacune autour d’un centre de masse (CoM). Crédit : Tamanini & Danielski. 

    Parmi les interrogations posées par la recherche des CBP, les scientifiques espèrent obtenir des pistes sur les conditions favorables au maintien d’une planète (i.e. non éjectée) au sein d’un système binaire. D’autre part, ils désirent établir les contraintes définissant la perte de masse des binaires et les conséquences immédiates sur le comportement dynamique du système. Enfin, l’hypothèse selon laquelle une seconde génération de planètes serait créée au cours de la phase de l’enveloppe commune du binaire pourra être tranchée à l’issue de la mission spatiale.

 

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Graphique montrant la région de l’espace où LISA aura la possibilité de détecter des CBP, selon le protocole de détection par ondes gravitationnelles. En fonction du rapport signal sur bruit (SNR) et de la fréquence du DWD (en mHz), LISA sera capable de découvrir des exoplanètes en dessous d’une masse de Jupiter, sur un périmètre entre 0.01 à 3 unités astronomiques. Crédit : Tamanini & Danielski.

 

Les ondes gravitationnelles, ces ondes qui déforment l’espace et le temps 

Gauche : Simulation numérique de la coalescence de deux trous noirs. A droite : Propagation d’une onde gravitationnelle dans l’espace, jusqu’à atteindre la Terre. Crédit : Max Planck Institute for Gravitational Physics/Albert Einstein Institute.

L’allégorie courante faite par la vulgarisation scientifique de l’espace-temps est une grande toile tendue, sur laquelle reposent des balles. Chaque boule va induire localement une déformation du tissu, à cause de sa masse. Cette représentation permet d’illustrer “par les mains” la notion de distorsion gravitationnelle imposée par tout objet (astre, particule ou matière) pourvu d’une masse. Ainsi, lorsqu’un corps suit un mouvement accéléré, il produit des oscillations dans la courbure de l’espace-temps. Celles-ci sont en particulier appelées ondes gravitationnelles quand elles sont engendrées à la coalescence de deux corps extrêmement compacts (tels que des trous noirs, étoiles à neutrons, naines blanches…), tournant jusqu’alors l’un autour de l’autre. Ces oscillations se propagent à la vitesse de la lumière et transportent une certaine énergie, à la fois support et vestige d’informations inestimables sur l’évènement cataclysmique qui s’est produit. À noter que lorsqu’une planète est en orbite autour d’un tel système binaire, le profil d’onde mesuré sera différent – a contrario, le profil restera inchangé s’il ne possède pas de planètes.

 

LISA Pathfinder, le premier observatoire spatial d’ondes gravitationnelles  

Selon l’ESA, le lancement du Laser Interferometer Space Antenna (LISA) est prévu pour 2034. Le projet consiste à disposer en orbite de la Terre trois satellites, agencés en triangle équilatéral d’environ un million de kilomètres de côté – à titre de comparaison, les “bras en L” de LIGO et VIRGO font respectivement 4 km et 3 km. Chaque sonde aura une rotation autour du Soleil similaire à la Terre. Mesurer des ondes gravitationnelles dans l’espace constitue un immense avantage pour les chercheurs. En effet, ils pourront de ce fait s’affranchir des bruits parasites provoqués par l’activité terrestre et humaine (notamment les ondes sismiques) qui perturbe l’acquisition des données du dispositif au sol.

 

Gauche : Description de l’orbite des satellites LISA autour du Soleil. Crédit : Dr. Karsten Danzmann. Droite : Photographie avant de faire endurer au modèle LISA Pathfinder des tests magnétiques et thermiques dans une chambre simulant les conditions dans l’espace, au IABG en Allemagne. Crédit : ESA/Astrium/IABG.

 

2019 : Une année qui met à l’honneur les exoplanètes  

Le prix Nobel de physique 2019 a récompensé Michel Mayor et Didier Queloz pour la découverte de la première exoplanète en 1995, détectée autour d’une étoile de type solaire. Aujourd’hui, on en dénombre plus de 4.000 orbitant autour d’une large variété d’étoiles (c.f. article “L’incantation de l’eau, le mal dont souffre les exoplanètes”). Les deux astrophysiciens italiens en ont profité pour faire également un état des lieux de ce pan de recherche : “Au cours des deux dernières décennies, la recherche de planètes extrasolaires a été témoin d’un développement exceptionnellement rapide, révélant un incroyable florilège de divers compagnons planétaires. Ces découvertes ont permis de changer le statut que nous donnions à notre système solaire dans la galaxie, et nous ont amené à approfondir notre compréhension de la population planétaire. Par exemple, nous avons remarqué que les Jupiters chaudes sont rares, que les super-Terres sont au contraire omniprésentes et qu’il y a un écart dans la distribution en rayon des petites planètes. Néanmoins, notre savoir est restreint au voisinage solaire, car les techniques de détection les plus fructueuses (comme celles des vitesses radiales et des transits) peuvent seulement nous faire observer des étoiles brillantes proches de nous. Certes, les micro-lentilles gravitationnelles (ndlr : autre méthode de détection) peuvent sonder plus loin, vers le bulbe galactique. Malheureusement, cette méthode ne fournit pas suffisamment de cibles pour élaborer des statistiques robustes d’une population planétaire au bulbe”. En outre, l’imagerie directe est bornée par la résolution angulaire de l’instrument auquel elle est liée et l’astrométrie est sévèrement modérée par le temps de pause des relevés. Par conséquent, déterminer si ce que nous connaissons est le résultat d’un biais de sélection, ou non, est très important et la question ne trouvera pas de réponse avec les seules techniques d’analyses maîtrisées actuellement.

 

Margaux Abello (@MargauxAbello) et Gustave Morel

Pour en savoir plus : 

Accès à la publication “The gravitational-wave detection of exoplanets orbiting white dwarf binaries using LISA” en lecture libre :

Corpus d’articles écrits par la presse scientifique au sujet de la publication :

La proposition de la mission LISA soumise telle quelle à l’ESA lors de l’appel à projet :

Vidéos montrant l’émission d’ondes gravitationnelles lors de la fusion d’un binaire :

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