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Jean Paul GAULTIER, une révérence électrique :


Jean Paul Gaultier a annoncé il y a quelques semaines son départ du calendrier de la Haute Couture, seuls moments de l’année où la Maison JPG présentait ses collections. Le styliste, qui a commencé dans les années 70, a créé l’un des événements les plus attendus de cette semaine de la Couture Printemps/Été. Sa collection finale concentre à elle seule les codes, les fantaisies, les excentricités, le savoir-faire mais surtout la joie que Jean Paul Gaultier s’est toujours affairé à transmettre au travers de son travail. 

Il grandit en banlieue parisienne, se prétend souvent malade pour sécher les cours et surtout pour que sa grand-mère infirmière s’occupe de lui. Il a donc du temps pour rêver et se créer ce monde de tulles infinis, de paillettes éclatantes, de crinolines ahurissantes et de mélanges du genre. Tout ce qui l’entoure l’inspire, son ours Nana a très vite deux cônes dorés épinglés sur la poitrine et ses yeux brillent sur la Ducretet Thompson en noir et blanc de sa grand-mère lorsque les spectacles du Lido sont diffusés. C’est en voyant Micheline Presle dans le film “Falbalas” de Jacques Becker sorti en 1945 qu’il se prend de passion pour les costumes et pour le vêtement. Le jour de sa majorité, le téléphone familial sonne, Pierre Cardin, déjà un nom puissant dans le milieu, veut le jeune Jean Paul Gaultier comme assistant. Pierre Cardin ayant vu ses croquis l’engage sur le champ en tant qu’assistant. Fort de plusieurs années aux côtés de Cardin il organise son premier défilé sous son nom en 1976.

Le succès arrive rapidement, Jean Paul Gaultier est comme une comète créative qui passe et éclabousse de son génie toute l’industrie. Dans les années 80, prenant le contrepied des autres Grands Noms de la Couture par ses présentations spectaculaires, non seulement provocateur, drôle et décalé Jean Paul Gaultier fait preuve à chaque fois d’un savoir-faire technique précis. Il s’inscrit alors dans la lignée des jeunes créateurs contemporains comme Claude Montana ou Thierry Mugler. 

Le succès arrive à ce moment-là, il lance sa ligne de Prêt à Porter masculin et introduit la marinière dans son premier défilé homme. Celle-ci deviendra le symbole de la Maison, il renverse la traditionnelle iconographie du marin viril et courageux en lui mettant une jupe deux années plus tard. La jupe pour homme fait une impression forte dans le milieu et c’est précisément cela qu’il veut : des réactions.

Dans les années 90, un puissant groupe japonais accepte de devenir un soutien financier et la Maison lance sa première ligne de parfum qui devient un succès mondial. Madonna fait appel au styliste pour ses costumes de scène au même moment et le body aux seins coniques porté par la chanteuse reste un moment de mode flamboyant à l’image de la Maison. Parallèlement “La Maladie” (Le sida) emporte le compagnon de Jean-Paul et co-fondateur de la Maison, Francis Menuge. Néanmoins, aucun voile noir n’est posé sur les collections, la même intensité, la même folie, la même joie et la même fougue demeurent et chaque collection porte un message fort. 

Le défilé des “Hommes-Objets” en est un exemple retentissant : un tantinet provoc’ mais surtout plein d’humour et d’idées, le défilé se veut féministe et présente un homme qui assume son côté féminin et surtout son côté “objet”. Un pied de nez au machisme présent dans le monde du travail à cette époque et qui aujourd’hui trouve une résonance de plus en plus importante. 

Jean Paul Gaultier s’est fait un devoir de casser tous les codes quels qu’ils soient. Stylistiques ; sa première silhouette est un perfecto punk avec le camboui renversé dessus encore frais et les marques d’usures apparentes, accordé avec un tutu de danseuse classique et des Doc Martens imposantes. Mais surtout les codes sociétaux ; il bouscule la culture gay, fait défiler des hommes habillés en femmes, met sur le podium toutes les allures et toutes les morphologies. Le casting sauvage est un élément indissociable de son histoire, des punks crasseux, des africaines aux démarches de déesses grecques, des visages durs mais attendrissants et des regards doux mais pleins d’assurance. Les annonces paraissant dans le journal sont claires “Recherche physiques atypiques. Gueules cassées ne pas s’abstenir ”. Ainsi tout le monde ou presque foule le podium de la rue Saint-Martin, Beth Dito, Nabilla, Conchita Wurst. Le créateur célèbre la différence et fait de cette fête l’hymne de sa Maison. 

Le dernier défilé au Théâtre du Châtelet synthétise cinquante ans de carrière, il s’ouvre sur un cercueil porté par des hommes bien bâtis habillés en guerrier perse de l’Antiquité, soudain ils entament une chorégraphie plutôt joyeuse, le cercueil toujours sur leurs épaules. La musique détonne, c’est “Back to Black” d’Amy Winehouse interprété par Boy George, une autre femme à barbe que Jean Paul affectionne. Comme la métaphore de l’enterrement d’une certaine idée de la mode, mais nous sommes chez Gaultier alors c’est forcément une fête et les larmes coulent, non pas de deuil mais de joie ! 

Le communiqué de presse est clair “Une nouvelle idée de fabrication du vêtement” et une phrase qui résonne comme un credo “un beau vêtement est un vêtement vivant”. Cette collection entièrement faite de matériaux déjà utilisés annonce un nouveau moyen de penser la production du vêtement : l’upcycling. 

Jean Paul Gaultier s’est constamment positionné là où personne ne l’attendait jusqu’à faire son propre spectacle. Celui que la mode a toujours considéré comme son “enfant terrible” même après 50 ans de carrière, porte un regard optimiste et joyeux sur le monde qui l’entoure. Ses créations ont porté au-delà de la visée commerciale un impact politique et ont certainement aidé à faire évoluer les mentalités. Il a politisé son travail à sa manière et son image c’est à dire avec joie, faste et toujours beaucoup de rires et de paillettes. 

Galaad MONTOSSE 

 

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