Journal des confinés d’Alma Mater – Semaine 1, du 16/03/20 au 22/03/20

En ces temps un peu particuliers, Alma Mater a décidé de créer un journal de confinement commun, qui laisse la possibilité aux membres de l’association de s’exprimer de façon totalement libre. En voici le résultat, une succession de témoignages à lire par petits et grands bouts, ou à redécouvrir quand l’orage sera passé !

Rayou

Jour 1 : Aujourd’hui, j’ai décidé de mettre de l’ordre dans ma bibliothèque, cela faisait un moment que je devais le faire mais je n’en ai jamais trouvé l’occasion. Autant dire que le confinement s’y prête à merveille ! J’ai l’âme d’un sentimental et du coup chaque objet que j’achète est associé à un souvenir particulier (oui, je sais ça fait très psychopathe), par exemple, le sweet jaune que j’aime bien porter c’est un cadeau de ma tante pour l’obtention de mon brevet en 2015. Je commence donc à ranger et là un tas de souvenirs me revient à l’esprit. « Noir comme la mer » d’Higgins Clark qui est le premier roman dont j’ai fait la critique pour Alma Mater ou encore « Stars Wars, la philo-contre attaque », un bouquin que m’a filé mon cousin l’année dernière lors des vacances de noël à la frontière suisse. Je suis nostalgique, d’un côté cette situation est très pesante mais de l’autre, sans ce confinement je n’aurais peut être pas rangé ma bibliothèque si rapidement et je ne me serais pas plongé de sitôt dans mes souvenirs d’antan. Bref, un début de journée placé sous le signe de l’émotion ! 

Jour 2 : Bon ben voilà, interdiction totale de sortir sauf pour les courses et le médecin ! J’ai peur pour mon frère car il est dans le domaine médical. C’est une situation nouvelle, j’essaie de me dire qu’au fond c’est un week end prolongé car la plupart du temps les week ends il m’arrive de ne pas sortir de la maison, parfois un p’tit ciné avec mon meilleur ami ou alors un tours aux Halles avec ma meilleure amie mais sans plus, j’essaie de me dire que ça passera, il faut garder espoir (ça fait très apocalyptique tout ça). Bref, ce matin j’ai rattrapé mon cours d’histoire du Livre et de l’Imprimerie, c’est un CM qui a lieu le mardi aprem, la prof a décidé de mettre ses cours sur Moodle. J’aime bien ce cours, je le trouve très intéressant ! Je pense que l’aprem je regarderai Charmed et ensuite je lirai encore un peu. 13h35, curieux, je jette un regard par la fenêtre, j’habite en face d’un square, c’est le néant. Aucun bruit, même pas le chant des oiseaux, il fait gris c’est vraiment flippant. La petite mémé qui avait pour habitude de nourrir les pigeons, gentiment assise sur son banc n’est plus là. Les petits enfants qui jouent au basket et à ‘attrape moi si tu peux’ non plus, c’est comme si la vie s’est mise sur pause. Déprimé par cette vue, je ferme les rideaux, puisque de toute manière il n’y a rien d’intéressant à voir. 

Jour 3 : Ah les joies de la grasse matinée ! Je me suis levé à 11h, cela fait un moment que je n’ai pas connu ça haha. Du coup aujourd’hui j’ai envie de cuisiner, je pense faire un tiramisu, vous savez la cuisine c’est relaxant, mélanger les ingrédients sentir les odeurs et le résultat final quel plaisir ! Bref j’aime cuisiner (et pâtissier). Sauf que problème j’ai besoin de mascarpone et de biscuits à la cuillère pour faire le tiramisu du coup les cocos je dois aller remplir mon attestation. Je pense y aller dans pas longtemps, sûrement au casino juste en face de chez moi sinon ça fera beaucoup de marche, d’un côté ça me fera du bien, cela fait 4 jours que je n’ai pas mis le pied dehors. Bon, il est 17h j’ai toujours rien foutu, mais quel flemmard. Enfin si, j’ai avancé un peu sur mon exposé en sémiotique et j’ai craqué du coup j’ai commandé un Tacos chez Uber Eats, bonjour les calories ! Je pense me reposer encore un peu avant de sortir faire des courses pis rentrer me doucher, ce soir mon frère est de garde, je suis seul à la maison ! La Panique à bord ! 

Jour 4 : Aujourd’hui j’ai passé la journée à travailler, en effet, malgré le confinement, les enseignants continuent d’envoyer les cours à distance haha et c’est d’autant plus dure de se concentrer à la maison. J’ai alors découvert la méthode « Pomodoro » (tomates en italien) très efficace ! On travaille pendant 25 min et ensuite on s’accorde 5mn de pause , c’est un pomodoro. Lorsqu’on en enchaine 4 on peut alors s’octroyer une pause plus longue 20/30mn et ainsi de suite. Le soir, j’ai décidé de reprendre la série « Scorpion » , une série sur les génies, c’est très intéressant ! Sinon j’ai toujours mal au dos en parallèle je suis donc allé prendre un bain bien chaud ! La chaleur fait du bien aux muscles. 

Jour 6 : Aujourd’hui je n’ai pas trop le moral. Je me pose pas mal de questions, la solitude commence à peser, au fond suis-je réellement heureux ? et puis c’est quoi être heureux ? Un sentiment qui se ressent dans la durée ? Pour moi il vient et il repart, la courbe est comme sinusoïdale. Trouverais-je enfin quelqu’un qui me correspond ? Je sais pas difficile de répondre. Bref je pense que lire les fantasmagories de Benjamin (une pensée philosophique assez pessimiste) n’était pas une si bonne que cela. Je vais jouer un peu à mario kart, wii mario kart, je suis toujours 1er à ce jeu et je choisis à chaque fois Yoshi ou Donkey Kong, des personnages incompris mais si attachants !  

Jour 7 : Voilà ! C’est dimanche. Quelle belle journée le dimanche ! Je n’ai absolument rien fait. Quel flemmard me diriez vous. Il est temps de faire un peu de sport, confiné à la maison. Quelques pompes ? J’ai essayé, comment dire ? Le résultat n’est très satisfaisant … Bon ce n’est pas grave le sport c’est large ! Le Yoga ? Bien. C’est quoi le début déjà ? La salutation au soleil ? Quelle ironie ! On le voit plus le soleil c’est la salutation au corona qu’il faudrait faire, histoire qu’il nous épargne. Bon j’ai compris le sport c’est pas demain la veille… Du coup il est 16h, je me dirige vers la cuisine et je me prépare un goûter de l’enfer : café au lait saupoudré de cacao (je vous vois me juger je n’écoute pas les rageux), accompagné de biscuits au chocolat (les BN la vie) ainsi qu’une tartine miam le régal ! Une fois le ventre plein (et les mains lavées) je décide de me plonger un peu dans mes lectures, c’est drôle chaque livre que je dois lire comporte un titre assez glauque : « Le Journal de ma disparition » « Les Disparus du Clair De Lune » « Cuisine Sanglante » et « Comptine mortelle » très réjouissant tout ça ! Que voulez-vous j’adore les thriller et je dévore encore et toujours les Agatha Christie ! 

Tétonnement

Jour 4 : 

09h41 : verre d’eau

11h06 : verre d’eau

12h27 : verre d’eau

12h29 : verre d’eau

14h40 : deux gorgées d’eau

18h32 : verre d’eau

21h44 : verre d’eau

23h59 : dodo

Adrien A.

Lundi (Segunda-feira) 16 Mars 2020, 

À Porto Alegre, Brésil.

Objet : confinement, jour 1. 

      

La vague épidémique qui déferle actuellement sur nos petites sociétés immergées ne semble pas engager un mouvement de reflux. Les grands pays et leurs dirigeants informent leurs citoyens, chacun à sa manière : certains sensibilisent au moyen d’annonces solennelles, d’autres prennent le contre-pied d’une pensée générale névrotique et, enfin, quelque-part dans ce monde, il en reste quelques-uns pour brandir le trident de la répression.

Le Brésil n’est pas, contrairement à la Chine ou l’Europe, dans une situation d’urgence. Le pays engage des procédures de prévention imitant ainsi ses homologues hominidés. A ce titre, certaines grandes universités comme la Universidade Federal do Rio Grande do Sul (UFRGS, prononcée [URGS] par les intimes) – basée à Porto Alegre – ferment leurs portes. Tout le campus est actuellement en veille et ce jusqu’au 5 Avril. Cependant, le futur réserve toujours à nos vies, si courtes soient-elles, une grande part d’incertitude : qui sait si nous pourrons réellement reprendre le chemin des études ? 

A ce titre, il convient de s’occuper : apprendre, lire, voir ses amis, chanter, regarder le ciel et observer le monde. 

—- Il est 10h08 quand je regarde par la fenêtre de ma chambre, située au 24° et dernier étage d’une tour surplombant le fleuve Guaiba. J’aperçois un épais tissu de brouillard lui-même protégé par une masse nuageuse dont l’étendue ne saurait nous être rendue intelligible. Alors je détourne mon regard et me replonge dans mes écrits. —-

Je prévoyais d’acheter du chimarão, une herbe locale, afin de me préparer une infusion – infusion dont je présenterai la recette d’ici peu, je l’espère – mais le temps ne me permet plus de sortir dans mon apparat traditionnel, tongs – short – t-shirt, alors je réfléchis à une autre activité et me baigne à nouveau dans mes écrits. 

Je me demande si les enseignants ont prévu de nous faire cours au travers de la plateforme interactive Moodle, mais j’ai cru comprendre que les professeurs de l’école d’Administration étaient des fervents défenseurs de leur droit au repos. A ce jour, leurs consignes n’ont pas encore atteint les fréquences audibles par l’équipement complexe que l’on appelle communément oreilles. L’initiative doit sans doute nous revenir : prendre son portable, ouvrir Whatsapp, chercher le ou la professeure en charge de sa matière et envoyer un message. Si vous êtes étonnés du traitement de ces affaires au travers de Whatsapp, je ne le suis pas : c’est chose commune au Brésil.

—- Simon, un ami allemand, aventurier du haut de ses 18 ans, est sur le point de nous quitter. Les chutes d’Iguazu sont sa prochaine destination. Bordé par trois pays, le Brésil, l’Argentine et le Paraguay, ce spectacle déjà millénaire n’a pas besoin de faire salle comble pour exister. Peut-être a-t-il une leçon à nous apprendre. Armée de sa tente anti-moustique et d’un GPS, Simon prévoit d’explorer un monde débordant de pièges et de dangers en tout genre, mais aussi de belles surprises, surprises que l’on ne peut découvrir qu’à condition de fouler le sol qui nous porte. Simon est convaincu qu’il peut venir à bout de ses chutes seul. Soit. En parallèle son regard se projette déjà un an dans le futur, période où il se voit traverser l’immense et imprévisible forêt amazonienne, berceau d’une vie foisonnante et colorée. Le défi est d’un autre niveau. 

Dans les Pensées de Joseph Roux, « le téméraire prévaut là et maintenant : le prudent à la longue et partout ». Sachant que mon ami ne disposera que d’une tente, d’un GPS et d’une hache de poche, j’imagine qu’il remplira son sac avec une bonne dose de prudence. 

Il est 10h46, le brouillard se dissipe et la pluie bat l’asphalte. 

Mardi (Terça-feira) 17 Mars 2020, 

À Porto Alegre, Brésil.

Objet : confinement, jour 2.

        Je n’ai jamais vécu dans une communauté aussi grande et riche de toute ma vie. Je vis avec deux jeunes hommes, un brésilien, Elia, et un argentin, Elian. Attention à ne pas les confondre. Le premier vient de l’État Fédéral de Pernambuco et le second d’une province répondant au doux nom de Entre Rios, adjacente à l’Uruguay. Adepte du trombone, Elian nous offre quotidiennement un air musical très relaxant. Il fait partie d’une composition instrumentale dans son pays, et cherche activement un enseignant à Porto Alegre. Quant à Elia, notre pernambucano national, il fait partie du groupe Amigos Brasileiros (Amis Brésiliens), groupe à l’origine d’une myriade d’activités permettant une intégration complète et en douceur des étudiants étrangers dans ce nouveau monde qu’est le Brésil. C’est notamment grâce à lui si j’ai pu trouver une chambre en seulement … 24 heures. Musique électronique, cuisine et politique occupent également une place importante dans son quotidien. 

Un beau jour, Elia nous a fait le plaisir de cuisiner deux beaux et généreux gâteaux, si beaux et si généreux que notre petite communauté d’humains long-sur-pattes s’est exponentiellement agrandie : des fourmis, par milliers, agglutinées en masse sur ces pauvres créatures à peine sorties du four, profitaient des saveurs sucrées des déjà condamnées pâtisseries. Ces petits animaux remarquables partagent notre quotidien et, pour éviter que nous ne soyons envahissant les uns pour les autres, des règles simples sont appliquées : ne rien laisser traîner de sucré nulle part dans l’appartement ! La leçon a été apprise, non sans peine. 

De part sa richesse, cette communauté ne saurait se limiter à trois humains et quelques milliers de fourmis. Des araignées, vives et habiles, grimpent jusqu’au 24° étage de notre immeuble – où seraient-elles portées par les oiseaux et le vent ? – dans l’espoir d’y trouver un foyer sain. Leurs grandes mandibules blanches contrastent avec leurs petits yeux tout noirs – pas si petits que ça quand on ramène leur taille à la taille de leur corps. En réalité, leurs yeux sont immenses ! Les petits recoins sombres des fenêtres sont des nids idéals pour ces coureuses à huit pattes. 

Bien que bien fournies, cette communauté ne saurait trouver son harmonie sans la présence d’un autre résident : le lagartixa-doméstica-tropical. Ce petit animal originaire d’Afrique s’apparente à un homme-araignée reptilien dont les petits doigts en ventouse lui permettent des prouesses physiques exceptionnelles et ce, même avec la tête à l’envers ! Il est commun de retrouver ce petit lézard dans les maisons. Si vous hébergez des araignées, blattes et autres scorpions, alors vous hébergez probablement un lagartixa ! 

D’autres insectes difficilement identifiables occupent également l’appartement. Leur démarche frénétique et circulaire a de quoi laisser leurs spectateurs pantois. 

L’automne s’installe petit à petit et les pluies abondantes du Rio Grande Do Sul ne tarderont plus à abreuver fleuves, forêts et rue bétonnées. Humidité et chaleur persistante profiteront grandement au développement de moustiques, vecteurs de la dengue. A ce titre, des campagnes de sensibilisation, notamment dans les lieux publics comme les supermarchés, sont en place afin de rappeler à la population les mesures à prendre face à la dengue. Et dire qu’elle vient se faire concurrencer sur son territoire par le coronavirus, c’est dingue ça ! 

Pour en revenir au COVID-19, ce virus est en réalité une nouvelle opportunité d’agrandir notre petite communauté. Face à l’isolement et à l’ennui, déjeuners et dîners entre amis emplissent nos petites vies d’une chaleur incomparable, balayant d’un même geste tracas et autres névroses quotidiennes. 

Rassasiés, enjoués et bien entourés. La beauté de la vie. 

Rencontrer, c’est découvrir.

                                                                                                                                                                  Partie 1 : Le gardien d’immeuble. 

                                                                                                                                                                    Il y a deux jours, je faisais la connaissance du gardien de mon immeuble, dont j’ai évidemment oublié le nom. Il faut dire que son accent me donne du fil à retordre. Le portugais n’est déjà pas la langue la plus simple à maîtriser alors si on empile les difficultés… Quoiqu’il en soit, au fil de notre discussion, j’ai appris que ce brave monsieur aux cheveux (nuage de pluie légère) avait été journaliste plus tôt dans sa vie. Chose curieuse, nous nous sommes davantage arrêtés sur la mort prématurée de sa tumultueuse carrière que sur ce qui en a fait l’éclat. Il s’avère que le maître des clés est bipolaire, et après avoir liquidité des montagnes d’argent qu’une vie entière de salaire minimum ne pourrait offrir, sa déchéance n’en fut que plus profonde quand l’alcool et la drogue croisèrent son chemin accidenté. Du reste, il est resté muet.

Mes photos lui ont plu ; une fois mon profil Instagram découvert, il s’est empressé d’aimer la quasi-totalité de mon passe-temps. Son ravissement a été tel qu’il m’a même proposé d’aller boire un café, un jour, quelque part. J’avoue ne pas prendre très au sérieux son invitation car, au Brésil, entre prévoir et réaliser une activité il y a un monde grand comme la forêt amazonienne et attendre la réponse de votre interlocuteur peut bien vous prendre autant de temps que la traversée du Rio Paraná.

Jeudi (Quinta-feira) 19 Mars 2020, 

À Porto Alegre, Brésil.

Objet : confinement, jour 4.

Evènement inattendu hier soir, inattendu pour qui ne s’en eut pas tenu informer. Vers 20h, des cris, et ce qui s’apparentait à des boîtes de conserve que l’on frappait sur le sol et les murs, se soulevèrent dans les airs. En premier lieu, je pensais qu’il s’agissait d’une foule en liesse célébrant une affiche classique du football de Porto Alegre, un match opposant le Grêmio FB Porto Alegrense au SC International, mais je me ravisai rapidement puisque la grande rencontre entre ces deux rivaux avait déjà eu lieu deux semaines plus tôt. Puis, la mélodie se fut omniprésente, mon voisin du dessous se joignit à la foule et commença à frapper un objet métallique avec force et vigueur. Une cacophonie s’installa. Intrigué, je me précipitai dans le salon pour en parler à Elia. Ce dernier travaillait et ne semblait pas le moins du monde dérangé par l’acte surréaliste se jouant sous mes yeux d’enfant ébahis.  « Eles estão batendo em panelas », (Il frappe des poêles) dit-il voyant mon air interrogateur. »Eles estão protestando » (Ils manifestent), reprit-il voyant que sa réponse n’était que partielle, « Mas porquê ? » (Mais pourquoi ?), l’interrogeai-je. « Olha cara, são protestos contra o Presidente Bolsonaro. Normalemente, vão ter outros a favor dele logo a seguir. Ouça bem que dos dois protestos tem o volume o mais elevado » (Écoute, ils manifestent contre le président Bolsonaro. Normalement, une contre-manifestation est prévue juste après. Ouvre bien tes oreilles et écoute laquelle des deux manifestations fait le plus de bruit). Stupéfait. Jamais de toute ma vie de citadin français je n’eus vu une telle démonstration politique. Les rues étaient désertes, mais les immeubles vibraient du mécontentement de la population, toute la ville résonnait d’un son de ferraille, de voix graves et aiguës exaspérées par le gouvernement en place. Une de nos voisines apparut à sa fenêtre, les poumons rempli d’un air chaud et rageur et lança, « Fora Bolsonaro ! Bolsonaro é criminoso ! Ilegal ! Fora ! ». Pendant vingt bonnes minutes, sa voix se mêla aux milliers d’autres voix voyageant dans l’air de la nuit. Moi qui étais justement en pleine dégustation d’une mangue gorgée d’une saveur si addictive, je ne pu me résoudre à la terminer tant cette mobilisation générale me captivait. Lancé par les cris de notre voisine, Elia alla sur Youtube et, d’un air satisfait, fit place à l’hymne national brésilien. Je m’interroge encore sur son intention : fit-il cela pour apporter son soutien ou plutôt pour marquer sa désapprobation à l’encontre de notre voisine protestataire ? Quoiqu’il en soit, il eut beau mettre le volume au maximum, cela ne suffit pas à couvrir la déferlante de voix perçant murs et fenêtres. 

De retour dans ma chambre, je m’installais à la fenêtre, et prêtais aux manifestants une oreille attentive. Dans la chambre voisine, Elian jouait du trombone, comme chaque soir, apportant une mélodie grave et chaleureuse à un monde qui n’en finit plus de souffrir. 

Trente bonnes minutes s’écoulèrent entre le début et la fin de la manifestation. Finalement, les pro-Bolsonaro ne surenchérirent pas. Quant à moi, me rappelant dans quel état j’avais laissé ma mangue et refusant de l’abandonner à mes nombreux colocataires – les fourmis – je retournai à ma dégustation et engloutis ce délice sucré jusqu’à la dernière fibre. 

Une idée fantastique. 

J’adore l’eau de coco. Quand sortie du réfrigérateur, sa fraîcheur et sa douceur font chavirer mes papilles de plaisir. Je n’en boirais pas jusqu’à immerger mes entrailles dans son sucre, ça non, mais je serais bien capable de garder égoïstement, rien que pour moi, cette précieuse perle des îles aux dimensions cosmologiques. Si la coco était le Soleil, je serais Mercure, orbitant au plus près de celle-ci dans l’espoir, un jour peut-être, de caresser sa chaleureuse carapace fibreuse et protectrice, jusqu’à m’en brûler la langue.  

C’est une noix de coco verte, donc encore jeune, qui probablement m’inspira la plus ingénieuse idée que je n’eus jamais eu. En revenant d’une visite du fleuve Guaiba, fleuve bordant la capitale du Rio Grande do Sul, Porto Alegre, je tombais sur une vendeuse de bébés noix de coco. La soif ne guida pas ma décision d’achat, la gourmandise se faisant plus pressante. Dix Reais, soit actuellement l’équivalent de moins de deux Euros, m’ont ouvert les portes d’un plaisir éphémère, mais intense. Je profitais de ce délice de la nature sans même prêter attention à mon environnement. Plongé dans cette solution dynamisante, je suivais instinctivement mes compagnons de voyage, ma démarche traçant les mêmes lignes et mêmes courbes que ces derniers. 

C’est en asséchant cette pauvre noix de coco que le génie de mon esprit se mit en ordre de bataille. La coco ne contient pas uniquement de l’eau, mais également une chair tendre et blanche comme la neige, dont l’effet en bouche vous procure une sensation de chaleur et de légèreté. Ma nouvelle quête fut donc lancée : ouvrir la noix de coco. Mission ô combien ardue sachant que je ne disposais d’aucun outil digne de l’ouvrir. Un couteau de boucher aurait pu faire l’affaire, mais mon statut d’étudiant ne me permit pas de faire remonter son achat dans le classement de mes priorités. Etrangement, ouvrir cette noix des sables y figurait au premier rang. Comment m’y prendre donc ? Précédemment attendri par ce cadeau providentiel, je mis mes sentiments de côté et, telle une brute sans vergogne, me résolus à gravement amocher cette beauté. Murs, trottoirs, angles de balcons, je me souvins soudainement des innombrables solutions que mon généreux environnement m’offrait. Malheureusement, ma quête fut contrariée par une myriade d’aléas faisant varier mon niveau de frustration. Le regard des autres ne fut pas un fardeau bien lourd à porter en cette seconde partie d’aventure puisque entouré de mes amis, je sentais leur protection sociale bienveillante ainsi qu’un amusement non dissimulé envers ma détermination ne pouvant que m’encourager à poursuivre le tracer de mon dessein. En revanche, le manque d’hygiène notable que la rue exposait à ma vue me découragea de laisser un contact physique s’installer entre ma délicate noix de coco et ce monde avide de tendresse à corrompre. Mais ma plus grande déception fut moi-même : incapable, par manque de force ou d’ingéniosité de faire céder cette goûteuse résistante, la lumière de l’espoir faiblit. 

Ma quête s’arrêta-t-elle à ce moment précis ? Déterminé ou borné, choisissez ce qu’il me scier, j’entrai dans une période réflexion aussi fertile que jadis le vénérable arbre ayant donné vie à Madame Coco. J’inventai toute sorte de jeux que les sociétés humaines et ma culture m’inspirèrent : le footcoco, le rugbycoco, le basketcoco. Également, souhaitant réaliser mon rêve fou de voyager au-delà de l’enceinte protectrice de notre ancestrale planète bleue, j’eus l’idée d’inventer la Cocofusée, transport révolutionnaire promis à un avenir radieux – à ce jour, je n’ai encore été contacté par aucun investisseur, cela ne saurait tarder. 

Lassé de faire voler et virevolter ma vertigineuse compagne, je décidai de l’arrimer solidement sous mes aisselles où la marée montante indiquait une journée chaude et humide. De retour dans mon antre, toujours situé au 24° étage d’une tour surplombant le reste de la ville, je m’enfermai dans ma chambre bien décidé à reprendre le cours de ma mission originelle. Point commun à tous les meubles de ma chambre : leur fragilité. Toutefois, j’aperçus le rebord tranchant et résistant du cadre de ma fenêtre. Je jouai le tout pour le tout. Je saisis avec hargne ma noix de coco, levai avec vigueur mes puissants bras de nageur dans les airs et abattis à plusieurs reprises sur ces lattes de bois massifs, ne sentant plus la force et l’énergie que je dégageais, une gâterie si chèrement acquise. Après nombre d’impacts violents, je regardai la face amochée de Madame Coco : blessée oui, battante également et se gardant bien de me montrer ses chairs succulentes. De fait, elle annonça ma défaite. Alors je m’assis et la posai sur mes cuisses découvertes et tremblotantes. Je ne pus dire ce que la tristesse traversant ce corps soudain fragile me signifia, signe d’une traumatisante brutalité ou d’un profond sentiment de perte ? 

Je sortis de la pièce et tombai sur Elia, mon colocataire brésilien. Pas un jour, pas une heure – pas une minute ? – ne passe sans qu’il ne porte son casque sur ses deux petites oreilles colorées par le Soleil. Il me demanda si le vacarme qu’il vint d’entendre sortit de ma chambre. Bien entendu, je n’eus aucun mal à reconnaître que j’eus effectivement entendu un tel raffut, mais me déclarais, par la même occasion, totalement étranger à cette sordide affaire. Les voisins du dessous peut-être ? 

De retour dans ma chambre, je jetais un regard à Miss Coco, encore sous l’émotion de notre aventure commune. Le jus de ses fibres coulait toujours le long de mon mur et, craignant une imminente invasion de mes nombreuses colocataires – les éternelles fourmis – je pris la sage décision de discrètement nettoyer la scène du crime. Une fois débarrasser de cet encombrant passif, je jetais un dernier regard à Miss Coco puis, sans davantage perdre de temps, pris mon sac à dos, descendis les vingt-quatre étage de mon immeuble, fis un geste d’au revoir au gardien puis repris la route en direction du supermarché. Je n’avais qu’une idée en tête, atteindre le rayon des fruits et légumes. 

Partie 2 : rencontre effeuillée 

Personne ne veut plus aller à la piscine, du moins pas tant que le perfide Coronavirus vagabondera dans nos majestueuses villes et nos chaleureuses campagnes. Ce virus que nous craignons tant, j’en ai discuté dans les vestiaires de la piscine, avec un inconnu, nu. Evidemment, une bouche d’aération en pleine imitation d’une tronçonneuse m’empêchait d’entendre correctement mon interlocuteur malgré ses efforts pour se faire comprendre. Je me suis alors engagé dans un jeu de va-et-vient, jeu dans lequel plus je me rapprochais et mieux mon oreille droite percevait les sons émis par ce nu orateur. L’effet de balancier provoqué par de tels mouvements m’a rappelé ma condition d’être humain aux parties molles. 

Pour en revenir au contenu de la discussion, nous nous demandions si les piscines du club allaient fermer. Ce dernier a annoncé sur Facebook qu’une telle mesure n’était pour le moment pas d’actualité – imaginez mon profond désarroi si je ne pouvais plus virevolter comme une loutre dans un rectangle de 50 mètres par 25 mètres rempli d’eau chlorée et d’autres substances non identifiées. Dans tous les cas, la majorité des adhérents du club ont fui son enceinte protectrice et avec eux tout risque de contamination. Je veux dire, presque tous ! 

Zoé

Jour 1 : Aujourd’hui j’ai découvert une nouvelle appli qui s’appelle Tandem. Elle permet à tout le monde de parler échanger communiquer et rigoler avec des gens du monde entier. On fait des rencontre surprenantes. Il faut faire attention au décalage horaire mais les gens sont adorable. Par ailleurs cette appli a aussi été créée dans le but d’améliorer une langue ou bien d’en apprendre une nouvelle avec des locaux. Échanger sur nos vies quotidienne que ce soit dans cette période de confinement ou bien en général est super sympa et enrichissant ! 

Epiméthée

Jour 2 : L’ennui me guette. Je suis partagé entre la paranoïa et le scepticisme. La solitude me convient seulement lorsqu’elle est choisie. Je suis retourné dans ma campagne, chez mes parents. Je constate un ramollissement général, certainement dû aux conditions actuelles de confinement. Il y a encore quelques jours de cela, j’étais le premier à dire : « Ne paniquez pas, la peur n’évite pas le danger ! Et puis, on ne va s’arrêter de vivre quand même… ». Je ne vous cacherai pas que mon discours a quelque peu changé. L’alignement des mesures françaises à celles prises dans le reste du monde est une bonne chose. Un peu plus de fermeté serait la bienvenue cependant. Tout ce que je souhaite, c’est de revoir mes amis le plus vite possible, car cette isolation forcée n’est pas une vie, c’est une survie. Eloge de la subsistance programmée.

Delph

Jour 2 : Premier jour de confinement obligatoire. Interdiction de sortir maintenant.

C’est vrai que ces derniers jours, l’idée de ne plus pouvoir sortir et rester avec mes deux frères et (surtout) mes parents ne m’ont pas ravie. Comme si l’air de la liberté qui planait sur nos petites vies était tout à coup emporté. Mais, c’est pour le bien de tous et de chacun. Pour qu’au le prochain « tchin » de champagne, quand on fêtera le retour à la liberté de se pavaner dans les parcs, on puisse dire santé et la célébrée comme il se doit. 

Le confinement a été annoncé hier à 20h pour aujourd’hui 12h. Sous l’interdiction de mon grand frère qui a peur que ce malin virus ne se glisse dans sa cage respiratoire, je suis sortie, je voulais profiter de mes dernières 16h de pseudo-liberté. Alors hier soir, je suis allée me balader en imaginant la vie de ceux qui éclairent les rues de leur fenêtre. Même à 22h dans la banlieue parisienne, un Carrefour continuait d’ouvrir ses portes en faisant rentrer les plus patients au compte-goutte. Celle que j’avais vu un peu plus tôt le matin, était toujours là à réguler l’entrée et la sortie. Merci madame, vous êtes de celle qui n’ont pas peur. 

Ce matin donc, à 11h50, heure à laquelle j’étais tenue de rentrer chez moi, je me suis rendue compte que j’avais oublié mon téléphone et mon chargeur chez mon copain. J’ai eu beau essayer de le rattraper en courant à travers ceux qui venaient d’aller chercher leur dizaine de baguettes, impossible, le vélo électrique est plus rapide que mes jambes. Qu’elle est nulle la technologie ! Mais d’un côté je lui cours derrière. 

Et, si à 11H50, on entendait les klaxons, les cris des enfants ou les cris des parents d’ailleurs, l’insouciance planait encore. A 12h05, plus rien, sauf peut-être le chant des oiseaux, qui venaient éveiller la quarantaine

Anonyme 

Faut que je trouve un chien à voler pour avoir une excuse pour me dégourdir les pattes sans stress. Le teckel de mes voisins fera t-il l’affaire ?

Gaggou

1er jour de confinement : Nous sommes le 16 mars 2020. Je pense que c’est psychologique mais c’est dans ce genre de moment où tu as des envies de sortir pour un rien alors qu’il y a 1 semaine, on était bien tranquille chez soi devant Netflix et on se disait :  » OH ! je sortirai demain ! « . Et bien nan ! LA tu es prêt à tout pour sortir !!! Aujourd’hui, j’ai accompagné ma maman pour un rendez-vous médical, j’ai rencontré son chirurgien, il est trop marrant, ma mère s’appelle Françoise et il l’appelle Framboise 😀 ! Au vue de la situation, je me contente de ce genre d’humour ! Pour le moment, j’avoue j’en rigole ! On profite de faire des choses qu’on a pas le temps de faire…. par exemple : TRAVAILLER ! Mais dans 3 jours, à mon avis mon bureau, je vais le balancer par la fenêtre 🙁 Le cimetière Père Lachaise est ouvert, est ce qu’aller s’enterrer est une bonne excuse pour sortir ? 😉 La suite, au prochain épisode ! 

2e jour de confinement : Nous sommes le 17 mars 2020. Suite au discours d’Emmanuel Macron, nous devons à présent signer une autorisation de déplacement dérogatoire pour pouvoir sortir. Vous savez quoi j’ai peur de sortir maintenant, c’est vraiment très étrange cette sensation, notamment en France. Je me rends compte qu’on a beaucoup de chances de vivre dans un pays comme la France, un pays où on est libre de se déplacer comme on le désire ! Etant donné que je n’ai pas d’imprimante, j’ai écrit ma petite attestation avec ma mimine et je suis sortie aller courir, parce que j’avais vraiment besoin de me dépenser. Aujourd’hui, ca va mieux moralement, il faut pas se subir, faut prendre ça comme si la vie nous défier ! Et puis chez soi, on redécouvre des choses, par exemple l’aspirateur, j’avais complètement oublié qu’il existait, il est bien utile ce petit 😉   

3e jour de confinement : Nous sommes le 18 mars 2020. J’ai survécu à deux jours, yes ! Ce matin, je me suis mis un peu au travail tout de même et j’ai commencé à faire mon devoir maison de physique quantique. Bon…. j’ai vite abandonné :/ Logiquement, j’ai plus entrainement de foot jusqu’à nouvel ordre… NONNNNN !!! On a un groupe Whatsapp et mon coach nous a défié au confinement challenge !! Je ne sais pas si vous savez ce que c’est !? Tout simplement, on doit faire le plus de jongles avec un paquet de PQ, comme le ballon c’est compliqué à la maison ! Du coup on doit envoyer une vidéo et je me suis exercée ce matin, j’ai réussi à en faire 4 ! 😀 Je perd pas espoir ! Vraiment, ça va être le sport quotidien de nombreuses personnes, c’est hyper crevant !!!! Cet après-midi, je me rends compte qu’il reste une seule bouteille de lait et comme j’avais envie de sortir, je prend la décision d’aller au supermarché ! Franprix, Carrefour, Super U et même Monoprix, j’ai pas trouvé 1 BOUTEILLE DE LAIT !!? Je fais un appel au secours : « S’il vous plait, je voudrais du lait ! Je vous en prie ! ».  

4e jour de confinement : Nous sommes le 19 mars 2020. Réveil très matinal pour terminer de travailler mon TD de physique quantique de lundi. Le prof nous envoie ses commentaires des exercices en audio et c’est plutôt pratique j’avoue. En cours, il parle très vite et c’est quasi-impossible de suivre et de comprendre à la fois…. mais là le temps est bien présent pour faire pause et se poser sur les questions qu’on ne comprend pas. Petite frayeur ce matin, car j’ai reçu CE mail que personne ne veut recevoir en temps de confinement, au sujet de mon devoir maison de lundi 23 d’électromagnétisme. Le responsable de l’UE a eu la folle idée (d’ailleurs je ne sais pas comment il l’a eu. :(, mais je peux le comprendre la situation est assez originale et on doit s’adapter comme on peux ! ). L’heure est à la rédaction de mon article pour Alma Mater, et depuis CE jour, je suis épris de mon bureau,  et j’en ai eu RAS LE BOL ! Alors, j’ai pris cette décision qui remettra tout en question et m’a permis de « voir » la lumière de l’inspiration…. j’ai changé de pièce, je me suis assise dans le canapé de mon salon et j’ai écris, écris, écris… et encore écris !! J’ai appris une chose aujourd’hui : le changement peut parfois faire du bien ;)On y est ! C’est l’heure de ma petite promenade physique du soir, je suis sur le chemin du retour, la mélodie des mes chansons préférées raisonne dans mes oreilles. Soudain, j’entends des applaudissements, de plus en plus forts, retentissant de plus belle dans les rues au alentour, je lève la tête, des gens aux fenêtres des immeubles, investigateurs de cette harmonie, l’incompréhension est totale…. De retour chez moi, ma mère m’explique que tous les jours à 20h, nous applaudirons à la fenêtre le personnel soignant, qui lutte contre cette guerre sanitaire, enlisant notre pays depuis bientôt plusieurs semaines. Je m’en veux maintenant de ne pas avoir applaudi, alors je profite de ce journal pour remercier sincèrement et souhaiter bon courage à tout le corps médical, se battant tous les jours pour sauver des vies et surtout pour endiguer ce dangereux virus !   

5e jour de confinement : Nous sommes le 20 mars 2020.  Ma soirée révision s’est terminée un peu tard hier… alors ce matin, le réveil n’est pas facile ! Rendez-vous téléphonique avec une de mes camarades pour préparer notre projet d’événementiel de médiation scientifique : SciencesEnJeux ! Ce projet me tient énormément à coeur, c’est l’apogée de 2 ans en licence de médiation scientifique et je m’inquiète beaucoup sur son avenir. Nous devons inviter à la rentrée des vacances d’avril des lycéens pour les faire participer à notre événement pour « principalement » les rendre amoureux de la science… Je suis d’accord avec vous, c’est un peu exagéré mais il faut être honnête ! Moi je veux qu’ils rentrent avec des étoiles pleins les yeux 😉 Mais avec tout « ce » chaos, je n’ose pas me l’avouer mais je sais que cette événement n’aura jamais lieu….mais au fond de moi, j’y crois encore ! Je sais ce que vous vous dites en lisant ces lignes : « Elle rêve, elle se voile totalement la face ! ». Ecoutez, moi je décide d’être optimiste et de croire que tout va bientôt se terminer et qu’un jour peut-être on pourra en rigoler au lieu d’en pleurer ! C’est peut-être la bonne nouvelle de la semaine, mais ma mère qui s’était cassée la cheville en tombant il y a de là déjà 1 mois, peut maintenant marcher sans sa botte de marche ! Alors sachez que j’avais un rêve et je l’ai enfin réalisé aujourd’hui : j’ai essayé sa botte et j’ai marché avec 😀 C’est hyper lourd, on a l’impression d’avoir un poids de 10 kilos accroché à la jambe, qui empêche les moindre mouvements : l’instant humour de la journée, voire même de la semaine 🙁  De plus en plus de moments de peur, d’inquiétude et d’angoisse prennent sa place. Mon père a découvert Whatsapp aujourd’hui, même mieux l’appel vidéo ! Sur ce sujet, mes parents respectent parfaitement les clichés. Il est dans le sud de la France, dans le Var précisément et il a fait un test pour m’appeler aujourd’hui, il était encore dehors ! Un asthmatique dehors dans la rue ! Vous y croyez vous ?? En ce moment, c’est comme les femmes en pleine nuit…. c’est beaucoup plus facile à agresser ! Qui dit vendredi soir, dit soirée entre amis, sauf que là il y a pas d’amis mais il y a quand même soirée 😉 

6e jour de confinement : Nous sommes le 21 mars 2020. Il y a une semaine,  j’ai joué un five en intérieur (foot à 5) avec plusieurs coéquipieres du foot. Pour cause, jeudi dernier la Fédération Française de Football avait suspendu tous les championnats et entrainements, et pour remplacer notre match, nous avions décidé de nous retrouver pour jouer malgré tout. Je n’aurais pensé que ça allait être ma dernière sortie avant très longtemps….. Je repense souvent à ce que j’aurais fait si nous n’étions pas en confinement; et en parlant de ça aujourd’hui, j’aurais eu un match très important à jouer pour mon équipe aujourd’hui, un match qu’on aurait gagné, ou en tous les cas qu’on devrait largement gagné ! Mais aujourd’hui, il y a plus urgent, un match beaucoup plus intense et décisif qu’on doit remporter.  L’adversaire ? Le coronavirus ! On va le gagner ? Bien sur qu’on va le gagner et sans prolongation et sans faute en plus ! On mettra le temps qu’il faudra, mais la victoire sera pour nous ! Droit de sortie oblige : pendant une petite demie-heure, je ne me suis jamais fait autant abordé qu’en une année…. Moi qui pensais bêtement que le coronavirus pouvait empêcher les mecs d’aborder les filles dans la rue (je suis assez naïve quand même :/) et bien je remarque que rien ne peut les arrêter ! J’ai l’impression que c’est même pire qu’avant la pandémie, ils doivent être en manque à mon avis, ou être prêt à sauter sur tout ce qui bouge, en même temps je peux les comprendre la solitude ça rendrait n’importe qui censé d’esprit fou 🙁 Une voiture de police est placée, j’ai eu peur, j’ai ressenti une telle angoisse… moi qui aime tellement sortir et qui a tout le temps la bougeotte, de l’extérieur lorsqu’on s’observe et qu’on analyse ce qu’on éprouve, parfois on se surprend et même pire on ne se reconnaît plus à l’intérieur de soi. C’est exactement cette sensation qui retient mes larmes à l’heure où je vous écris, je n’ai plus l’impression d’être moi même et mes décisions et mes actes ne m’appartiennent même plus, je me sens enfermée, cloisonnée, bridée. Demain va être un autre jour, cela fera 1 semaine que notre nation vit cette situation si exceptionnelle et je peux vous confier que je me rend bien compte que ça va être plus dur que je ne le pensais, j’ai pris ce confinement comme un jeu, des vacances en avance mais je me suis trompée, ce n’est rien de tout ça ! C’est tout simplement……un cauchemar. 

7e jour de confinement : Nous sommes le 22 mars 2020. Après une bonne nuit de sommeil, et du repos, je vous rassure je vais mieux ! Mes idées noires ont totalement disparues de mon esprit. Vous inquiétez pas , ce sont surement les matrices de Pauli qui m’ont un petit peu montées à la tête (les physiciens savent de quoi je parle :D). Petit discord ce matin avec un ami de la fac, nous avons travaillé ensemble, j’ai conscience que c’est ma première interaction sociale depuis dimanche dernier, je peux vous dire quelque chose : « Ca fait du bien, mais un bien, vous ne pouvez pas imaginer à quel point ! ». Malgré tout, on oublie pas le reste et on continue de bosser à Alma Mater 😉 Aujourd’hui, j’ai publié le journal papier du numéro dernier sur le web ! Ce soir, c’est petite séance de cardio et d’abdos après le repas 😉 Bah quoi ?? Faut rester en forme, c’est important ! Mon sol n’est pas confortable du tout….  Je ne suis pas sortie aujourd’hui ! C’est assez étrange d’écrire ça, en tous cas de petits doigts, ça l’est. Vous savez, je ne suis pas très… comment on dit déjà ? « Casanière ! » Oui voilà, c’est ça !! Mais j’essaye de faire des efforts comme je peux. Vous allez dire que j’abuse mais je suis sortie deux heures hier…. je sais ce que vous vous dites : « Que si tout le monde fait ça, on est encore là dans 6 mois…. bla-bla-bla ». Alors dans 6 mois ? Je préfère vous assurer qu’on sera plus là. 

Mais Garance, qu’est ce que tu racontes, tu déprimes totalement !! (Désolé, c’est mon cerveau, il a voulu s’immiscer dans la conversation, alors que je lui rien demandé….) Enfin, moi j’aurais plutôt dit que je deviens folle…. À vous de voir ! 

Les Haricots Verts

Jour 2 : mardi 17 mars 2020

L’annonce officielle a eu lieu hier soir : mardi, à partir de 12h, aucune sortie jugée non nécessaire ne sera autorisée. Durant son discours, le président Emmanuel Macron n’a pas une fois utilisé le mot « confinement », il a répété au moins une centaine fois « nous sommes en guerre, en guerre sanitaire » et s’est même amusé à nous donner des conseils de vie. Quoi de mieux que de se retrouver entre proches ? A lire un bouquin ou à se pâmer derrière les vitres de sa chambre pour essayer de baigner dans quelques rayons de soleil ? Utopie quand tu nous tiens… 

A l’annonce de la fermeture des Universités, jeudi soir, j’étais à la bibliothèque. Vers 20h15, les gens à l’extérieur ont crié et la nouvelle s’est répandue en moins de temps qu’il n’en faut pour la comprendre. J’ai aussitôt appelé ma mère, désespérée : comment ça ? Fermée ? L’université ? Et les partiels ? Et mon semestre ? les cours ? Le conservatoire aussi va fermer ! Plus de danse ? Comment ça ? Je vais tout perdre ! Je vais devenir folle ! Ma mère, dans toute sa bonté et son affection, m’a laissé vider mon sac sans mot dire. C’est quand j’ai repris mon souffle qu’elle m’a jeté au visage le seau d’eau le plus glacé que j’aie pu recevoir ces derniers temps : Pendant que tu te plains, des gens meurs. 

Plus qu’un frisson, c’est un séisme qui a parcouru mon échine. Je me suis excusée, elle m’a dit qu’on se retrouvait ce soir, et en rentrant chez moi, mon cœur s’est emballé. Voir tous ces gens entassés dans le métro m’a presque donné la nausée, me dire que toutes ces personnes âgées étaient si proches d’une maladie fatale pour eux, m’a terrifiée.  Pire encore : me dire que j’étais peut-être porteuse saine. 

Aujourd’hui, donc, j’ai eu le temps de relativiser. Mais contrairement à ce que l’on pensait tous, ce ne sont pas de longues vacances qui m’attendent : les enseignants profitent de l’absence de cours pour nous envahir complètement. Mon portable vibre sans cesse : « mail n°246 », « Dm à rendre pour le… », « visioconférence lancée », « Td à préparer »… J’ai été fascinée de constater à quel point l’université était retombée sur ses pieds, et à quel point elle a resserré la laisse. Nous voilà pris au piège, obligés de conserver le rythme de travail, et de redoubler d’efforts car j’ignore quelle mouche les a piqués, mais jamais en un amphi de deux heures nous n’avons fait un chapitre entier de physique relativiste. Eh bien voilà que notre enseignant pense que c’est faisable car nous sommes désormais chez nous… Si seulement ! Nous ne sommes pas des surhommes, voyons.  Mais je pense que c’est leur façon à eux de maintenir la pression, et on ne peut pas leur en vouloir. Après tout, peut-être que la fin justifie les moyens… 

La faim en tout cas, c’est certain : je n’ai jamais vu autant de monde se ruer aux supermarchés ! Les queues sont interminables, les gens sont tous espacés d’un mètre au moins, souvent le visage couvert, les mains gantées. Dans la rue, j’ai assisté à un accident de voiture. J’ai aussitôt appelé les pompiers, certes, mais j’ai été horrifiée de voir les personnes faisant la queue ne pas lever le petit doigt pour ne pas perdre leur place. Les pompiers ont réagi très vite eux, en moins de dix minutes, ils étaient là, et j’ai pu m’en aller avec toutes les autres personnes qui s’étaient amassées sur la route pour faire barrage de leur corps et tenter de maintenir la circulation en protégeant le blessé. 

Donc pour le moment, je ne sens pas encore la solitude ni la claustrophobie, probablement parce que l’on est cinq chez moi et parce que je maintiens le contact avec mes amis. A voir dans les prochains jours…

Jour 3 : Mardi 18 mars

Il fait si beau ! Et j’ai tant de choses à faire ! Pas moyen de s’ennuyer une seule seconde. Notre TD de physique relativiste a eu lieu sous forme de forum, et c’était un réel échec : les questions posées étaient aussi incompréhensibles que les réponses de l’enseignant, qui s’acharnent en vain à « maintenir un ordre » dans les questions posées et qui répondait uniquement à celles qui l’arrangeait.

Sur le temps du midi, j’ai fini de regarder Giselle, le ballet diffusé gratuitement sur le site de l’Opéra de Paris (une bénédiction, cet Opéra de Paris), et j’ai tant aimé que j’ai vibré sur les dernières notes de musique. L’image des Willis était si bien traitée, si envoûtantes et sans menaçantes à la fois, ces danseuses fantômes ont été celles qui m’ont le plus marquées sur les 1h45 de ballet. Je me suis aussi amusée à étudier la technique des danseurs, ce qui a été très satisfaisant : quel bien fou de voir qu’eux aussi, ils ont quelques ratés parfois ! C’était le ballet monté par Jean Coralli et Jules Perrot, avec Dorothée Gilbert (Giselle) et Mathieu Ganio (Albrecht), tous deux danseurs étoiles. 

Puis nous avons retrouvé Clémence pour notre TD de magnétostatique, durant lequel on a bien rigolé en raison des drôles de bruits qu’il y avait chez elle (ses voisins apparemment), et nous avons tous été stupéfaits par sa maîtrise quasiment parfaite de BigBlueButton, allant jusqu’à tracer de magnifiques schémas en visioconférence à la « souris de laptop » comme elle l’a dit quand je lui ai demandé. 

Quand j’ai chaussé mes baskets pour aller courir, j’ai été stupéfaite de voir la quantité de monde dans les rues : les voisins se retrouvaient dans leurs jardins, quelques joggeurs traçaient leurs routes dans les ruelles vides de voitures mais grouillante de monde, les supermarchés n’étaient plus du tout envahis, et quelques groupes d’amis se retrouvaient au pied des cités pour profiter du soleil de sortie et tuer l’ennui. Avaient-ils tous imprimé leurs dérogations ? Je ne le saurais jamais, mais cela m’étonnerait étant donné l’absence totale de policiers. Les gens qui se croisaient dans la rue parlaient voir, comme si ce calme soudain était devenu insupportable. Certains se tenaient à leur fenêtre, étouffants dans leurs petits HLM, d’autres mettaient la musique si fort qu’on l’entendait même la fenêtre fermée ! En ces temps de pandémie et de confinement, le monde change et les gens changent. Déjà, il a été montré que le taux de pollution a clairement diminué au-dessus de l’Italie et de la Chine, ce qui est incroyable : en tuant des hommes, la planète de se soigner. Peut-être que cela tirera quelques sonnettes dans l’esprit des plus consommateurs. Je sens déjà que de gros débats vont avoir lieu à la fin de tout cela : la preuve de l’action de l’homme dans la hausse de la pollution est maintenant indéniable, et seuls les plus aveugles pourraient le nier.

Une fois rentrée, j’ai écouté le podcast fait sur Laurence Louppe pour le gai savoir, en m’étirant, grande chercheuse en danse contemporaine qui a su en cerner sa « poétique » et ses aspirations, en décortiquant le travail de Rudolf Laban. J’en ai beaucoup appris, notamment sur la place de la danse contemporaine en France : il n’existe pas de culture contemporaine, nous l’avons empruntée aux allemands, et c’est pour cela que de grands noms de la danse sont avant tout Allemands (Mary Wigman, Rudolf Laban, Pina Bausch dite Pina), puis est devenue Américaine après le règne des Nazis (Trisha Brown, Martha Graham, Merce Cunningham, Isadora Duncan…). Elle a magnifiquement bien parlé de la notion de poids et de kinésphère, montrant que la danse était le seul art vivant faisant entrer ces deux notions comme étant des objets à part entière. Elle a parlé de temps et d’espace. Elle a parlé d’écriture chorégraphique et d’évolution. C’était une grande et belle femme.

Pour continuer dans ma lancée de culture chorégraphique, j’ai regardé le documentaire sur le mouvement #Metoo en danse, et c’est terrible de dire que je n’ai pas du tout été surprise : dans un milieu où la hiérarchie est le summum, où les grands chorégraphes se permettent tout ce qu’ils veulent avec les petites danseuses, il faut être idiot pour ne pas penser à toutes les dérives sexuelles qui peuvent avoir lieu dans les coulisses des théâtres ou dans les salles de répétitions. Alors que l’offre est clairement inférieure à la demande, une danseuse ouvrant sa bouche se verra aussitôt expulsée au profit d’une dizaine d’autres plus dociles qui patientent sur liste d’attente. Tout ceci amplifié par la notion de corps comme objet de travail : jamais de ma vie, en cours, je ne me suis plainte qu’un homme pose ses mains sur moi pour effectuer un porté par exemple, et ceci est absolument normal étant donné que le corps est l’élément principal du travail du danseur, mais c’est de cette ambiguïté de découlent toutes les crasses et toutes les justifications de certains.

J’ai aussi remarqué que j’ai repris le contact avec beaucoup de monde en cette période de confinement. Enfin… les gens ont repris contact avec moi : je reçois des dizaines de messages par jours, et tous qui aboutissent à de vraies discussions, et non des « salusava » qui se prennent des murs au troisième envoi. C’est fou ! Au final, je suis heureuse de connaître une expérience telle que celle-là dans ma vie, (pas parce que des gens meurs !!) car elle permet réellement de faire le point sur beaucoup de choses et d’en découvrir tellement, moi qui n’ai pas l’habitude de respirer cinq minutes en temps normal !

Jour 6 : Dimanche 22 mars

De façon étonnante, je trouve que le temps passe assez vite. Cela va bientôt faire une semaine que nous sommes confinés, et pourtant avec le beau temps qu’il fait et la chance que j’ai d’avoir un jardin, je ne me sens pas oppressée. Je m’estime extrêmement chanceuse d’avoir ce coin de vie au pied de chez moi, alors je m’interdis de me plaindre, consciente des situations difficiles que mes amis subissent enfermés dans leurs 12m², ou alors à cinq dans un petit appartement, les uns sur les autres à manquer d’espace vital… Donc oui, j’ai beaucoup de chance, d’avoir ce petit coin de verdure. 

 Durant le confinement, les réseaux sociaux et les plateformes d’échanges sont submergés. De discord à skype en passant par whatsapp, d’instagram à snap en passant par twitter, les notifications pleuvent dans tous les sens, et cela me prend extrêmement la tête, alors j’ai pris la décision de retirer toutes les notifications de mon téléphone, et de l’éloigner autant que possible de moi dans les heures que je consacre à mon travail pour les cours : déjà qu’il est compliqué de se concentrer chez soi, en dehors de la bibliothèque, alors se concentrer avec un portable qui vibre en permanence est peine perdue. 

J’ai passé la plupart de mes soirées en facecall, avec la plupart de mes amis, et à ma grande surprise, nous avions beaucoup à dire ! Moi qui craignais que l’absence d’activités quotidienne noie la discussion, il s’est avéré que tout ce temps passé enfermés a ouvert l’esprit de chacun et nous a permis de nous interroger sur ce type de futurs proches qui nous attend, assez digne d’un scénario de roman dystopique. Là où certains imaginaient la fin du monde, d’autres ne voyaient qu’une maladie bénigne qui ne touchaient que les plus à risques d’entre nous. Où je me situe, moi ? C’est une grande interrogation, car je n’aime pas pronostiquer sur l’avenir. Cela m’inquiète, certes, mais nul ne pourra dire où nous serons demain, ni ce qui nous attend : entre crise économique, sociale et sanitaire, le futur ne s’annonce clairement pas rose, et notre génération n’a encore jamais connu ce genre d’effondrement subit.

Le sujet de la solidarité, en revanche, je pourrai en parler des heures. Moi qui ai toujours cru que, face à un ennemi commun, face à ce terrible COVID-19, les êtres humains s’entraideraient et se serreraient les coudes… Quelle ne fut pas déception en voyant tant d’agressivité et d’égoïsme ! En voyant tous ces petits gars au pied des cités qui continuent de dealer, tous ces parents qui continuent de dévaliser les étalages et de se battre dans la queue des supermarchés, ou pire encore : tous ces marchés encore ouvert où la foule est dense ! Tout aussi terrible : voir mes propres amis ne pas prendre du tout ce confinement au sérieux et continuer à se déplacer sous prétexte d’aller faire les courses, alors qu’ils souhaitent juste profiter du beau temps, et se retrouvent au pieds des bâtiments en groupes… Cela me révolte. Qu’y a-t-il de compliqué dans la phrase « restez chez vous » ? N’est-elle pas assez explicite ? Voir plus de 4000 morts en Italie ne glace-t-il pas assez le sang ? Où les gens ne comprennent pas le sens de ce chiffre ?

Cela est fort possible, car à force de chiffrer, il peut arriver de perdre la valeur et l’importance de ce que cela signifie. Comment faire comprendre que nous ne sommes pas des statistiques ? Ou alors comment faire comprendre que les statistiques sont des hommes et des femmes ? Des parents et des grands- parents ? Parfois même des enfants ? Que derrière chaque décès, c’est une famille entière et des amis qui sont en deuil, parce que certains ont été trop égoïste pour accepter de rester bien sagement chez eux ? Je ne sais pas. Je n’ai pas la réponse, et cela me serre le cœur. 

Et si certains ne sont pas assez généreux pour aider les autres sans rien attendre en retour, eh bien aidez-les en espérant avoir quelque chose en échange, mais au moins aidez-les bon sang ! 

Après cet élan assez incontrôlé, je reprends mon calme et vous apporte tout le soutient que je peux vous apporter, de derrière mon écran, dans toute mon empathie et peut-être dans toute ma sensibilité. Je vous invite à lire, mais pas à lire des romans déprimants de futurs dystopiques, plutôt des choses légères, qui vous permettront de vous évader. Ou alors écrivez. Couchez sur le papier vos émotions que vous n’arrivez pas à exprimer, qui vous rongent peut-être de l’intérieur. L’écriture est une purge, elle fait vibrer. Je n’avais pas écrit depuis longtemps, les maths et la physique ne se prêtant guère peu à la rédaction, et j’apprécie le confinement pour la justification qu’il donne à mon écriture. 

Quand je regarde par la fenêtre, c’est le même paysage que je vois chaque jour. 

Quand je regarde mon ordinateur ce sont les mêmes sites internet que je consulte chaque jour.

Quand j’ouvre mon frigo ce sont les mêmes aliments que je vois chaque jour.

Et pourtant…

Chaque redécouverte est une découverte. Je constate, à l’extérieur, les changements dans les nuances de lumière, chaque arbre qui oscille différemment, chaque oiseau qui se pose sur une branche et qui chante à tue-tête à qui voudra bien l’écouter. Les sites internet s’actualisent, mon ordinateur est une source infinie d’occupation, comme le sont mes feutres et mes pinceaux, qui s’agitent sur différentes matières, allant de la simple écriture d’équations gribouillées sur du brouillon, à la peinture complexe sur toile, en passant par le posca sur tote bag. Et je n’ai même pas encore succombé à Netflix ! Parmi tout cela, je n’ai pas regardé plus de deux épisodes de F.R.I.E.N.D.S, et encore c’était plus pour me changer les idées des cours que parce que je n’avais rien à faire…

La créativité est un gouffre lumineux sans fond. Plongez-y, ça libère, promis !

Caillou

2e jour en ce qui me concerne de confinement. Oui j’ai fauté le soir du 16 mars pour rejoindre mes amis et profiter d’eux jusqu’aux derniers instants. À vrai dire il n’y avait aucun confinement de programmé à ce moment là. Quel sens civique… J’apprends à vivre lentement afin de faire passer le temps plus rapidement. La psychose gagne parfois certains membres de ma famille. Chez moi nous sommes 7. Imaginez un peu 7 estomacs qui, affolés de manquer de nourriture dans les prochains jours, mangent encore plus pour expier leur stress. Comique. Il est encore compliqué de réaliser la vie que nous allons mener durant ces prochaines semaines. Cette nouvelle vie inspirée de fictions dystopiques que l’on aime tant regarder ou lire ne me fait tout de suite beaucoup moins plaisir. Par ailleurs il me semble que tout ce que je peux lire ou regarder et qui ne soient pas en rapport avec la situation actuelle trouvent néanmoins son lien avec. Comment se déroulera l’après « guerre » si j’ose dire ? Allons nous tous être pris de folie nerveuse ? Nos muscles auront ils pour la plupart disparus ? Arriverons nous à nous réacclimater à notre vie tranquille et libre que nous avons dû abandonner momentanément ? La réponse est oui et rien ne nous fera plus plaisir que de la retrouver. Après tout qu’est ce que 40 jours dans une vie entière où l’on se plaint constamment d’en faire trop.

Jour 6 :

Nous sommes dimanche mais n’est ce pas dimanche depuis bientôt une semaine ? Je commence à m’habituer doucement à ce nouveau rythme de vie bien différent du mien. La vie est présente autour de moi et je commence à percevoir quelques automatismes chez mes voisins. Certains vont chercher le pain, d’autres s’attellent dans leur jardin en s’occupant de leur végétation ou en repeignant leur grillage qui n’en a d’ailleurs pas besoin. Tout ceci semble leur accorder un grand réconfort. Un événement m’a fait sourire tout à l’heure. Je roulais à vélo dans les rues qui environnent la mienne lorsque je croisais une jeune femme qui s’avançait vers moi. J’eu d’abord peur qu’on dénonce mon activité jugée presque illégale en ces temps ci. En s’approchant de moi je remarquais qu’elle était en tenue de sport complète, cycliste et chaussures de courses, mais dans ses bras se tenait un petit emballage où semblait se trouver une pâtisserie. Elle s’était alors habillée comme si elle allait pratiquer une quelconque activité sportive mais était en réalité elle était partie chercher de quoi s’apporter du réconfort, un réconfort qui ne serait d’ailleurs pas jugé d’indispensable par les autorités. Je l’imaginais alors commencer à trottiner tout en balançant son baluchon si par malheur elle croisait le regard d’une voisine qu’on suspecterait de collaboratrice en temps de guerre ou pire d’un policier venu la verbaliser. Les jours se ressemblent tous et la panique commence à gagner certains de mes proches. Ne paniquons pas, respirons et profitons de ce calme qui bientôt disparaîtra. 

Juliette L.

Jour 2 : Cela fait deux jours que suis établie à Fontainebleau, chez mes parents. Souffrante depuis quelques jours de symptômes grippaux style fièvre, écrabouillée de fatigue à force d’éternuer, j’ai rejoins ma résidence originelle. Pas question de me rendre à l’hosto pour un dépistage, pas la force de chopper une maladie nocosomiale. De toute façon je sens que mon corps est engagé dans la voie de la rémission. Dans les médias, menace d’un confinement imminent pour « lutter » contre le coronavirus. Ma mère, sous le joug d’une peur inconsciente concernant en partie ma défiance envers le domicile familial, diffuse avec une intensité inouïe, un climat annihilant pour mon psychisme. Dans un souffle, mon coeur suggère à ma raison que l’urgence est davantage d’ordre psychologique que d’ordre sanitaire. Chose perçue chose faîte : je remplis mon baluchon à roulettes, quitte le foyer dans une ambiance glaciale, et me voilà prête pour l’exode urbaine. Je regagne sans encombre, ma petite cellule Parisienne dans laquelle j’évolue en temps de paix. Je m’allonge sur ma couche et plonge, sans effort de concentration, dans un état soulagement, puis d’apaisement doublé d’un sentiment de gratitude intense. Le soir je rejoins ma soeur jumelle, qui elle aussi a obtempéré à la même nécessité d’exil, pour écouter le discours de Macaron. Acequiparait, confinement dès demain. Très bonne nouvelle, après la relaxation de la consommation, au tour des flux humains de tendre vers l’infinitésimal.

Jour 3 : Réveil, douloureux à cause de la convalescence. D’ailleurs, si quelqu’un me lit, je ne suis pas irresponsable à ce point. J’éternue dans mon coude, reste à moins d’un mètre. A oui je suis quand même allée rendre visite à mes grands parents lorsque j’étais à Fontainebleau parce que je les aime énormément et que la peur attire le danger, or ils n’avaient pas peur, je n’avais pas peur. Rassurez-vous je me suis gardée de les embrasser. Je regrette d’avoir culpabilisé après les avoir vu, puisque aujourd’hui ils vont parfaitement bien et triment à leur rythme, confinés dans leur potager des délices. Pour cette journée, au programme : pas de Netflix et Chill. Je commence à me connaître : au bout de trois épisodes de toutes les séries récentes à succès que j’ai tentées, arrive précocement, un sentiment d’ennui et d’insatisfaction, voir de colère. A force d’assister à la répétition  de mêmes codes mis en place pour fidéliser les consommateurs. Ce cadre rassurant puisque vu et revu est répandu au détriment de la « vision esthétique », c’est à dire faire jaillir à l’écran, avec les instruments du cinéma, des tableaux qui fascinent et marquent notre être par delà le langage. En soit les nouvelles séries, souvent très intelligemment construites, appuient l’hégémonie de l’immanence au détriment de la transcendance (cc Baudrillard). 

Jour 4 : Joie! La nature reprend ses droits : des roucoulements de tourterelles me ramènent de l’au delà (sommeil). Ah non j’avais oublié : « c’est la guerre!!! ». En principe je n’entends jamais d’oiseaux depuis ma niche perchée au 7ème étage. Je glande un peu au lit avant de mettre au boulot. Je réponds à des messages d’insultes suite à la publication d’une annonce d’aide aux devoirs à domicile. Désormais la doxa « restez chez vous, protéger les autres » a matrixé les esprits qui s’emploient allègrement à faire surgir toute leur méchanceté sous couvert d’amour du prochain par conséquent totalement dévoyé. Ces personnes me reprochent mon irresponsabilité. Alors je me pose la question, mais qu’est ce que la responsabilité. Je crois qu’elle s’acquiert en se posant par les questions suivantes : qui suis-je, que sais-je, qu’est ce que j’aime authentiquement, pourquoi suis-je là, pourquoi cette épreuve, pourquoi, qu’est ce que cette finalité dit de moi dans le monde et quelles en sont les causes etc.. Infailliblement, ces réflexions rendent compte que la perte de sa responsabilité, en tant que sujet unique, se fait dès l’école, puis la presse prend le relais en entretenant l’amnésie. Les responsables sont les Hommes qui ont gardé leur caractère de sujet, en d’autre terme ce qui les rends si singulier, authentique. Laissez sa subjectivité se résorber à force de objectification constante, cela revient à perdre ses ailes. Pour s’assurer que toute la population obéit au doigts et à l’oeil, une seule carte pour prévaloir, la crise sanitaire. Chacun tient tellement à sa vie et celle de ceux qui la remplisse. Évidemment je tiens à la vie ainsi qu’à celle de ceux que j’aime. Toutefois, lorsque vous croyez que l’esprit est éternel, et que notre réalité phénoménale n’est qu’une minuscule portion « de ce qui est là », inexorablement, vous acceptez la mort. 

Jour 5 : Un bruit peu familier me tire de la torpeur grasse et matinale. J’ouvre la fenêtre et constate que mon voisin mexicain trans s’est découvert une passion pour l’affûtage de couteaux. En fin de journée, une vague de froid vint recouvrir la ville de Paris.

Jour 6 : Dans un email, un ami m’écrit : « attention lorsque tu sors courir, la situation est tragique ». Ce qui est tragique est l’acquiescement du plus grand nombre, dont l’intelligentsia Française (c’est inexorable), de mesures qui sont celles d’un pays du tiers-monde. Pourquoi la Chine et la Corée ont mieux endiguer le virus que l’Italie et bientôt la France ? Les malicieux politiciens ont cru que détourner les fonds pour les hôpitaux and co passerait crème.. jusqu’à ce qu’un virus ne déboule.. résultat, la France, ce pays si développé, ne peut pas faire comme ces pays asiat « émergents » (c’est ce qu’on apprend à l’école), en testant systématiquement, surtout les jeunes, en ne confinant que les malades et en les guérissant avec le médoc antipaludéen quasi gratuit… Si j’étais soignante je préférerais que le petit Taméo se garde d’applaudir mes confrères et moi même à 20h depuis son balcon, il risquerait de se casser le poignet.

J’ai beau être optimiste, les Hommes sont loin de parvenir à l’état de de grâce comme dans les dernière minutes de Melancholia. En l’occurrence, l’ère est plutôt au papier toilette fièrement entreposé à l’entrée des magasins, comme un Bouddha gardien du temple. Les gens en sont encore au stade de la jouissance lorsqu’ils firent leur stock de produits non-périssables pour entamer cette troisième guerre mondiale. Désormais ils n’attendent que les ordres de confinement sanitaire ( avec, rationnement comme à la guerre ! ). Si les ordres n’arrivent pas, ils sont paniqués. 

D’ailleurs je risque ultimement de me faire radiée de la famille pour n’avoir pas accompli mon devoir de fille parfaite, ou objectifiée, qui aurait dû rester auprès de maman. Tiens, en parlant de la guerre, voilà le vieil esprit de France collabo qui rapplique : dénonciations depuis les balcons lorsque mes pauses ensoleillées dans la rue se font anormalement longues…

Je ne sais plus tellement quoi penser des bons citoyens sans malice qui se trimballent avec leur nid à microbe sur le nez, s’écartant les uns des autres, pour ne pas attraper LA maladie, cette petite molécule d’ARN qui est convertie en ADN une fois dans la cellule hôte, grâce à l’enzyme reverse transcriptase (qu’il suffirait de dégommer spécifiquement). Aussi le virus viendrait d’une chauve souris qui l’aurait refilé à un pangolin : voilà comment Dieu punit quand on fait n’importe quoi avec son bestiaire, hein. Par Dieu, comprendre ADN ; car ADN= ADONAÏ. Ce ne sera pas le cache-nez ,ni le double vitrage, ni même les pshitt-pshitt ou les distances de sécurité qui arrêteront AD(o)N(aï).

Colibri

Jour 5 : Nous sommes le vendredi 20 mars. Après avoir consacré ces dernières à des tâches ménagères, je me suis mis à la pratique du yoga avec mon frère. Je veux recommande vivement cette pratique qui permet d’éviter les disputes par exemple.Mais bon , mon copain ainsi que que la présence physique de mes amis commence à me manquer. Je me rends également de plus en plus compte de la gravité de l’épidémie. C’est réellement triste ce qui est en train de se passer , j’ai une pensée particulière pour les personnes âgées et les sans abris qui sont en temps normal très isolés. Nous vivons quelques choses d’historique

Jour 6 : Samedi 21 mars. J’ai eu une grosse fièvre dans la nuit au point que je pensais être porteur du covid-19. Bonne nouvelle je ne suis pas porteur ! 

Thomas H.

Jour 1 : Alors que mon état de santé commence à s’améliorer voilà que la France entière est confinée. Au moins, je m’y étais préparée durant les semaines précédentes. Je suis décidément maudit, interdit de revoir la lumière du jour ! 

Jour 5 : Première semaine de « cours » terminée. Aura-t-elle été productive ? Très peu. L’ambiance était plus prompte à l’angoisse à la vue des statistiques liées au virus, et à la préparation de gâteaux pour s’en consoler. En parlant de gâteau, j’espère que celui de demain sera bon ! Vingt et un ans, un vingt et un mars, ça n’arrive qu’une fois dans une vie d’avoir l’âge de son jour de naissance. Sans aucun doute, ce sera un anniversaire bien singulier… 

Popeye 

Je me suis tout d’abord demandé si c’était une blague lorsque j’avais reçu un message de Lise : il était clair « ouai bichette, les facs sont fermées maintenant, vive le confinement ! ». Il faut dire que les temps avaient été durs : j’avais enchainé deux semaines consécutives d’embrouilles en tout genre- ce genre d’embrouilles qui ne touche que les étudiants, si vous vous reconnaissez un grand soutien au passage ! – mais surtout quand on est un peu à côté de la plaque comme moi. Si le stress et la fatigue n’avaient pas encore eu raison de moi, on peut dire que le karma s’était clairement acharné : entre les examens qui avaient plus sur ma personne toute entière, j’avais eu le droit dans la même semaine à un enchaînement de perte de pass Navigo le lundi-qui coûte une blinde- puis d’insulte gratuite dans la rue le mardi ; le mercredi pour ne rien changer, me précipitant à l’extérieur de chez moi pour ne pas être en retard à mon exposé sur « le rapport texte au XVIIème siècle image blablabla », à l’instar de mes matins sans cafés, j’avais malencontreusement claqué la porte de mon 20m2, les clés étant restées derrières et  je m’entendais jurer, grommelant au plus profond de moi-même, à 7h20 du matin, un encourageant et subtil « mais quel conne.. ! » avant de dévaler les escaliers et de manquer de me ramasser sur le pavé de la cour d’en bas. Le jeudi avait été un jour sans, avec les grèves étudiantes pour lutter contre la loi de privatisation des facs, et j’étais donc restée dans un début de confinement- terme dont je ne mesurai pas encore véritablement le sens ni l’importance qu’il allait prendre – à étudier jusqu’à des heures indécentes ma liste de DST qui s’enchaînaient depuis des semaines – ah le fatum de l’étudiant ! Et ce jusqu’au vendredi, samedi, dimanche, où j’enchainais les heures et les heures d’étude, enfermée dans un studio de 20 m2 avec, Coline, une amie venue passer son audition de danse parce que « est- ce que tu peux m’héberger le temps du Week- end comme ça je paye pas l’hôtel et on passe du temps ensemble » ; et qui n’avait pas compris que lorsque j’avais acquiescé par message d’un « oui mais », ce « mais » incluait que je puisse travailler sans entendre en boucle le même disque de « j’ai raté mon audition ! non…mais enfin, je crois que je l’ai vraiment raté.. ! mais, ça m’énerve je l’aurai pas, je suis sûre, je l’aurai pas. Nan, qu’est-ce que tu en penses … ? » d’une nana en robe de K-pop vert excentrique, allongée sur mon canapé, jambes en l’air et tête en bas, tout en mettant de la musique alors que je tentais une étude littéraire du Terrier de Kafka. J’avais si peu récupéré de ce week-end-là, qu’entre le stress des examens, les révisions, et mes plombs ayant sauté – à vrai dire ma plaque-cuisine m’avait lâché- je cru qu’ayant un jour mon père au téléphone, c’est moi qui allais finir par débrancher. 

A ce moment-là, on parlait encore très peu du mal qui touchait 2020, le coronavirus : on parlait d’une épidémie qui était partie de la Chine -une histoire culinaire de pangolin mangé qui avait mal tournée semblait-il – d’une quarantaine aux mesures drastiques qui n’avait pas empêché à ce Petit Corona’ d’aller visiter les pays avoisinant comme l’Italie ou l’Espagne. Inutile de vous dire qu’avec déjà le Karma bien négatif que j’avais, le destin m’avait promis l’annulation, sous forme douteuse, de mon road-trip espagnol, que ma meilleure amie et moi prévoyons depuis septembre dernier. Ces derniers temps, j’avais déjà dû subir son caractère anxieux quant au voyage, tentant de la rassurer comme je pouvais. Alors quand ce jeudi soir-là, je reçu le message de la fermeture des facultés, mon premier réflexe – n’ayant pas de télé – fut bizarrement d’appeler ma mère et de me connecter au replay du Journal de France TV : « fermeture des lieux publics, cafés, facultés, écoles pendant quinze jours…confinement, restez chez vous ».  C’était tellement hors norme, hors temps, que la nouvelle ne passait plus dans mon cerveau.

Moi numéro 1 : « Attend, attend, attend ah ah ah, j’ai compris, c’est encore un prank du destin, c’est ça ! » 

Moi numéro 2 : « Ah nan, j’crois pas nan, regarde, ils ont tous l’air sérieux, je crois qu’on va y avoir droit aussi … »

Moi numéro 3 : « Mais non, c’est fou j’te savais fataliste mais pas à ce point. ! j’chuis sûre, si ça se trouve, c’est ENCORE une fake-new ! Tu ne vois pas que c’est des obsédés de la psychose, regarde Trump, lui il… »

Moi numéro 2 : « NAN mais tu ne comprends pas ! Ce n’est pas Trump là, c’est le CORONAVIRUS ! On va tous mourir, regarde le nombre de mort… y’a pas de vaccins. ! »

Moi numéro 3 : « Bon, c’est vrai que Dieu, mdr là il part carrément en roue libre, déjà vu notre semaine, ça pète carrément les couilles là. Bon allez Saint Pierre, on te rappelle à la maison, ne déconne pas, reprend les clés du paradis des mains de Jésus m-d-rr !

Moi numéro 2 : « Putain !!! mais sois poli toi…! Roh et merde, j’ai dit le mot qu’il fallait pas dire. ! »

Moi numéro 1 : « bon euh les gars, calmez-vous. Vous êtes flippant là… La grippe elle fait plus de mort dans le monde chaque année et on n’en parle pas. Ils doivent dramatiser. »

Moi numéro 2 : « Mais vous arrêtez, vous déconnez grave ! Ça se trouve on va être enfermé, on pourra plus sortir, ça sera l’apocalypse ! »

Moi numéro 1 : « bon, bah euh moi, je sais plus, y’a trop de trucs d’un coup, on verra bien hein. »

C’est ça le problème d’avoir un esprit en arborescence permanente : on pense trop et on se perd. Le lendemain, les professeurs annonçaient en assemblée l’inédite fermeture des facultés, et pourtant, je n’y croyais toujours pas, malgré les mesures de sécurité prises. D’ailleurs, personne ne savait rien, on avait tous été pris bizarrement de cours alors que l’épidémie avançait depuis quelque mois. Comme si on avait pensé avoir un totem d’immunité, on se serait cru dans Koh- Lanta ou encore une mauvaise fiction d’un film d’auteur. Pour les examens, ils se feraient surement à distance – la douce chanson de « l’in-cer-tiiii-tuuuuuu-deuuuuh ! » sur un air à la Claude François tournait en boucle dans ma tête- mais rien n’était sur : personne ne savait. Pour cette année, tout paraissait compromis, entre un premier semestre perdu dans les grèves syndicales et le Corona’ qui débarquait chez nous.

Je pris donc la décision – comme la plupart des gens qui le purent- de rentrer chez mes parents qui habitaient en banlieue. Bon, pour bien terminer la semaine en beauté, j’avais ENCORE perdu mon Navigo que j’avais dû ENCORE refaire – Dieu préservant mes nerfs- et c’est plutôt avec l’esprit vide, que je débarquais chez moi, vidant voracement mon frigo devant un épisode de X-File, et m’écoulait d’épuisement nerveux dans mon lit pour ne plus me réveiller que le lendemain à 14h.

Je gardais en tête l’idée que je n’étais pas en « week-end » mais c’est pour vous dire à quel point je n’avais vraiment pas compris la situation : je passais donc un samedi en flânant, le samedi soir banal avec des amis proches, ne rentrant pas trop tard car les responsabilités du travail nous rattrapent toujours le lendemain matin. On prévoit de se voir, dans la semaine, après les examens et la nouvelle passée.

Mais le lendemain, les choses se corsèrent. On s’était mis devant le poste de télévision, en famille, comme on le fait peu, on commençait à peine à manger. L’aparté présidentielle tombât nette : nous étions en « guerre » sanitaires et la propagation dépendait de la responsabilité de tous. En fait, je me demandais si le siècle dans lequel nous vivions n’avait pas été touché plutôt par une autre maladie, celle de la bêtise. L’économie et la santé avaient les mains liées ensembles, elles devaient donc continuer d’avancer malgré les mesures annoncées. Le dimanche matin, on avait été voté avec une amie, pour nous, la question d’une continuité d’une vie politique mais surtout démocratique ne se posait même pas, tant que nous étions responsables et prudentes, en respectant les règles d’hygiènes et de sécurité. Mais la France est un pays bien particulier et ce, avec ses nombreuses contradictions : malgré les interdictions ou « conseils » à ne pas sortir, les gens se massaient autour du Canal- St Martin, en bord de mer et en terrasses. La météo jouait des tours de passe-passe avec grand soleil et hausse de températures de saison. Une belle masse d’hypocrites inconscients. La question politique plus que démocratique s’était posé, une partie de l’opinion publique voulait une annulation du second tour -ce qui fut fait dans la semaine avec l’accord du gouvernement et des spécialistes en médecines de divers horizons- et certains remettaient en question la validité du premier tour, dans une optique que « les français ne sont plus en démocratie, c’est un tour de force de l’état ». On ne va pas se mentir, mon avis politique importe peu ici, cependant les premiers à ne pas être allés votés pour condition sanitaire sont les mêmes qui se pavanent au dehors, agglutinés les uns aux autres, et quoi qu’il en fût advenu des conditions des élections, je trouvais pour ma part assez malhonnête ce genre de réflexion. Les gens étaient complètement déconnectés, trop habitués à la liberté que procure la France dès la naissance. Nous sommes un peu de révolutionnaire mais pas barbare, pourtant dès l’annonce, le peuple à tendu à montrer le contraire.

Dès le lundi matin, très tôt et ce à l’ouverture des magasins, les gens se sont littéralement rués en masse dans les hypermarchés du coin, se collant bien les uns les autres dans un périmètre de proximité sans pareil. Crise sociale. Stocker, stoker, il faut Stoker. Crise économique. Retirer, l’argent, retirer aux distributeurs en de longues files d’attentes.  C’est fou comme malgré la logique des consignes de préventions, les réflexes primaires resurgissent, plus émotionnels que jamais, contradictoire à la sécurité.

Je crois que c’est à ce moment là que j’ai vu que, le PQ- produit de première nécessité- avait gagné en cote de popularité sur Instagram, alors que j’alternais avec mon devoir de littérature sur Bartbely le scribe de Melville qui me rappelait étrangement la fin du sentiment d’humanité dans la Société – coïncidence qui me prit de court et me fit rire sarcastiquement. Le Français, fier, ne voulait être « infantilisé » et pourtant, dès la sortie de ses habitudes, il perdait instamment de sa crédibilité d’adulte responsable.

Ainsi, on avait vu les gens se préparer de manière totalement drastique à la situation, criant au scandale de l’absence de masque et de gel hydroalcoolique, dont l’acheminement était en cours – ma mère en bonne douanière qui se respecte m’expliquant qu’ils devaient être testé au normes de sécurité, sinon ils ne seraient efficaces de toutes façons- et faisaient rentrer les gens en une transe, presque dans la folie, hurlant, volant les commerces et continuant encore et toujours de transgresser les recommandations de l’état. Être responsable de soi pour les autres. Certains l’avaient compris, restant en ce début de confinement chez eux ; mais pour d’autres, on se ruait sur les derniers trains, les derniers avions – dont les hangars fermèrent peu après- en pensant qu’ils pourraient réchapper au confinement et « retrouver contaminer leur famille » toujours dans ce paradoxe des mesures de santé. Les Français se prenaient des vacances, du moins, ils s’y croyaient pour certains. Mais ce n’était pas le cas. Ce ne fut que le début de la quarantaine. Tout le monde restait alors chez soi, comme le dite défi. On applaudissait ce pauvre et vaillant personnel médical qui se battait chaque jour, épuisé mais certains continuaient de sortir.

En ce début de quarantaine, j’alternais entre les mails des profs et les DST qui tombait mais aussi, une flemme grandissante : bien que je ne me savais pas en vacances, j’avoue avoir fait l’impasse sur certains cours afin de « ralentir » mon rythme de travail ; ainsi je passais cette première – et longue, très longue par la suite je réalisais le samedi d’après- semaine  mot pour mot en pyjama, ne mettant pas un seul pied dehors ; étant une personne extrêmement sociable, je me persuadais avec l’esprit combatif que cette quarantaine ne serait que de l’eau et un moyen de profiter de faire ce que je n’avais pas eu l’occasion de faire : de cette façon, je trainais beaucoup sur Instagram. Si bien que moi aussi, par faiblesse, je craquais en m’entrainant dans une vague de défi Instagram qu’aux grands dames je ne faisais jamais, du genre « lâche un cœur et jmettrais la plus belle photo de toi kikou lol » ou encore « si je te cite, poste une photo de toi #gênante ». Un algorithme de populace dans mon cas tout aussi désespéré de voir passer le temps et en quête d’un peu d’attention. J’avais tant sombré dans cette activité lucrative, si bien que ma story- qui d’habitude en comporte peu- étaient saturés de photos d’amis en tous genres, que j’avais pris soin de joindre de commentaires mielleux. En fait, la quarantaine commençait à marquer ses premiers signes de folies, à savoir un dédoublement de la personnalité ; non seulement, je ne me reconnaissais pas dans mes actions, je reparlais à des gens que je n’avais pas revu depuis bien longtemps, mais ce manque de tact social nous ramollissait tous le cerveau et le cœur. On devenait niait. Je continuais de partager ma musique comme je le faisais habituellement ou mes post féministes ou humoristiques, mais Instagram avait pris une toute autre tournure, assez étrange à vrai dire. L’impression que le réseau social était une mer qui grossissait, le nombre d’internautes se connectant, parlant, dans un besoin immédiat de sociabilisation. J’en profitait pour regarder la diffusion en direct de concert de chanteurs- dont Charlie Puth pour qui j’avais un petit Crush musical fort sympathique- comme quoi la quarantaine avait aussi ses avantages.

D’ailleurs, des phénomènes étranges s’étaient produit. Une ribambelle de concubins, troubadours en quête d’un peu de passion – non, en fait la quarantaine créait un phénomène que je qualifierai grossièrement de « faim » ou appétit sexuel chez certains d’entre eux comme le montrait le chiffre croissant d’achat de sex-toys en cette période- et qui espéraient, je cite « pécho salement » après la Libération – avaient tenté de venir me compter fleurette (ce qui eu pour effet chez moi de rigoler un peu devant cette croissance d’hormones qui se déferlaient par le biais de mon téléphone) mais également eu pour effet néfaste ( ou bien prolifique) de me rappeler mon ex, ce qu’on sait, il faut fuir à tout prix afin d’éviter les problèmes réels et les nœuds au cerveau. Malgré cela, je lisais beaucoup et je créai un nombre de groupe Messenger inconsidérables, afin d’appeler mes amis – et auxquels je m’amusais pour tuer le temps à trouver des petits surnoms ou des titres percutant- allant du groupe « La Quarantaines Vibe : votre apéro en vidéo » au surnom de « Roco-le-Charot » pour mes potes – comprenne qui pourra -tandis que moi-même commençait à m’ancrer dans une frustration quelque peu inconsciente.

Mais je commençais déjà à trouver le temps long. Ne pas mettre le pied dehors, même pour aller cherche une baguette de pain, faisait croître une forme de tension inconnue en moi, et je me demandais bientôt si à l’instar des vidéos humours de Bastiste_Brtn j’allais finir moi aussi par me taper la tête contre un mur, parce qu’au fond, sans me l’avouer, je vivais mal ma quarantaine ? J’avais déjà un peu perdu la notion du temps – en une semaine- et je sentais que mes émotions étaient assez instables malgré ma grande maîtrise. Je n’avais pas pris en compte- et ce avec du recul- que j’étais en plein territoire enfermé avec l’ennemi – ma dites mère, au caractère instable et explosif par sa volonté de contrôle absolu sur tout ce qui l’entoure- moi ne supportant pas qu’on traîne constamment derrière mon dos, à commenter tous mes faits et gestes, par soucis d’indépendance : j’allais donc devoir envisager une collaboration et ce, sur le long terme. Pour l’instant, tout se déroulait dans le plus grand des calmes, mais jusqu’à quand cela allait -il durer ?

Moi numéro 1 : « on est samedi, samedi. Il reste une semaine. Pff allez, 7 jours, ce n’est rien… ! »

Moi numéro 3 : « Ah bah ça, il parait que ça pas être deux semaines mais 45 jours »

Moi numéro 1 : « Roh, ta gueule hein ! ».

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