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Journal des confinés d’Alma Mater – Semaine 2, du 23/03/20 au 29/03/20

En ces temps un peu particuliers, Alma Mater a décidé de créer un journal de confinement commun, qui laisse la possibilité aux membres de l’association de s’exprimer de façon totalement libre. En voici le résultat, une succession de témoignages à lire par petits et grands bouts, ou à redécouvrir quand l’orage sera passé !

Rayou

Jour 8 : Pas grand chose à dire aujourd’hui. J’ai passé ma journée à travailler principalement. Le sujet portait sur Marguerite de Navarre, il fallait comparer deux éditions différentes d’un de ses recueils de nouvelles l’Heptaméron. Intéressant ! 

Jour 9 : 24 Mars 2020. Vous savez où j’étais le 24 mars 2019 ? Dehors. Chose qui ne se fait plus en ce moment. Motivé, je décide de faire le grand ménage chez moi, j’ai lavé les vitres du salon et de ma chambre, j’ai fait un peu de balais, secoué les tapis, rangé la table, il me reste à faire le tri dans mes affaires, je suis quelqu’un de bordélique mais l’ordre ça fait du bien quand même ! Coté nourritures, le frigo commence à se vider petit à petit il va falloir aller faire les courses… J’ai peur un peu. Les caissiers, caissières et agents qui travaillent dans les markets, quel courage ! Je n’ai plus beaucoup d’oeufs c’est dommage pas de gateau ce soir ! Il fait très beau dehors, un ciel bleu clair 🙁 . J’ai reçu un mail de mon professeur d’improvisation théâtrale, ce dernier nous explique que malgré le confinement la pratique continue ! Il faut continuer à s’entraîner et à faire travailler son corps avec les différents exercices d’art dramatique qu’on effectue d’habitude. Bon ben alors c’est parti ! 

Jour 10 : Une semaine que je ne suis pas sorti (si vous avez suivi jusqu’ici vous devriez savoir que Mercredi dernier je suis sorti vers 20h acheter du mascarpone pour faire mon Tiramisu, qui d’ailleurs était délicieux. #RayouModeste). Je remplis l’attestation, elle est devenue encore plus complexe il faut désormais indiquer l’heure de sortie .. Aucune idée ! Si je mets 15h30 et que je sors à 15h27, je me fais contrôler à 15h28, vont ils me dire que je suis en avance ? Bref, je m’habille et je sors en direction du supermarché le plus proche quand d’un coup, je fais la rencontre de quelqu’un de merveilleux, Edouard le pigeon. Il est sympathique Edouard le pigeon, voilà que je me mets à parler aux animaux maintenant vu que voir ses amis devient risqué avec ce confinement, quoique les apéros en vidéo-conférence on connaît ! Faites pas les malins je sais, on le fait tous. 

Jour 11 : Belle journée le jeudi ! Après avoir travaillé un peu, je décide de reprendre le Juste Prix. Vous savez le jeu télévisé avec Vincent Lagaf’ . Tellement de souvenirs qui reviennent ! La télé française avant c’était bien meilleure .. toute l’émotion qui se dégage de l’émission, c’est incroyable ! Les cadeaux splendide, aujourd’hui beaucoup moins de jeux télévisés, c’est remplacé par des feuilletons c’est triste ! 

Jour 12 : Vendredi c’est soirée Koh Lanta ! Dommage aujourd’hui l’épisode est coupé en deux. J’ai fait des fajitas pour l’occasion, quatre au poulet et quatre à la viande hachée miam ! J’ai eu ma note de l’examen de Lundi, plutôt bonne, mes efforts sont récompensés :), j’ai également terminé un des romans de ma Pile à Lire je suis serein.

Jour 13 : Depuis quelque temps, je ne dors pas la nuit. Je ne sais pas quelle en est la raison. Je fais toujours ce meme cauchemars. Toujours cette même personne qui m’appelle, je suis dans de l’eau, dans un fleuve je crois, ou plutôt un lac, j’ai la capacité de respirer, bizarrement je ne m’étouffe pas. J’ai froid et peur pourtant, je m’approche de plus en plus en entendant la voix de cette personne. Qui est-ce ? Un homme ? Une femme ? difficile à dire. J’y suis presque, j’arrive enfin à apercevoir une silhouette, je cris des « Qui es tu ? » Rien. Je m’approche quand soudain, on change de paysage, et là c’est différent à chaque cauchemars, cette fois je me suis retrouvé au milieu du désert et deux secondes plus tard j’ai eu l’impression qu’un animal géant m’a écrasé. Etrange n’est-ce pas ?

 

Adrien A. 

L’intimité à la maison.

Quoi de plus important aujourd’hui que d’entretenir quelques secrets, un côté sombre inatteignable par une lumière désormais trop oppressante ?  En somme, un petit pré d’eau où la partie immergée de l’iceberg refait surface pour jouir, en toute sérénité, de l’air frais de la vie. Pour mes colocataires, Elias et Elian, ce paradis perdu tant rêvé ne se trouve pas dans le cabinet de toilette. Guidé par un mouvement de masse vers cette pièce marginale, combien de fois ai-je surpris, bien malgré moi, la partie inférieure de mes compagnons de chambre déculottée ? Après avoir posé le pied dans cet univers singulier, combien de fois ai-je assisté à ce surprenant spectacle athlétique où les puissants muscles de l’anatomie humaine travaillent de concert avec la chaise percée afin de chasser cet objet, autrefois tant convoité pour ses qualités nutritives et gustatives, devenu trop encombrant ? Après avoir refermé la porte, d’un air gêné, combien de fois mon regard, du fait d’un instinct social gravé dans le marbre de mon esprit, s’est-il détourné vers un coin de l’appartement qu’aucunement je ne risquais d’importuner ? Suffisamment je peux vous l’assurer, car la répétition de cette expérience m’a permis d’assimiler mouvements exotiques et techniques ingénieuses de contrôle de la matière noire. J’aimerais toutefois attirer votre attention sur un point précis, une idée simple à la portée de tous, même d’un esprit mal éveillé comme le mien : pourquoi mes colocataires ne ferment-ils jamais la porte des toilettes quand leur corps les immobilisé sur le trône de la libération ? Les moyens techniques ne manquent pourtant pas. Les toilettes disposent d’une porte aux dimensions, disons classiques, elle-même équipée d’une serrure dont la fente est comblée par une clé, objet potentiellement imaginaire car je semble être le seul à m’être rendu compte de son existence et de son efficacité. Il suffirait de transférer une petite quantité d’énergie de son corps vers la clé pour enclencher un mécanisme ingénieux et salvateur. Une porte verrouillée et une porte ouverte sont deux chemins différents vers deux mondes diamétralement opposés : l’un vous offre confort, bien-être et massage de vos entrailles quand l’autre vous promet une traversée des mines crispée et maladroite. 

Pour mes deux compères, ne pas verrouiller la porte est la garantie d’une intervention rapide des secours, c’est-à-dire l’un de nous trois, en cas d’accident dans l’isoloir. Pourtant, je sais de source sûre, mes yeux, qu’ils ferment la porte des toilettes dans les lieux publics, mais aussi à l’extérieur chez des amis et probablement dans des endroits sombres et lugubres échappant à ma connaissance ! Une autre question me vient alors : serait-ce un complot destiné à souiller la pureté de deux globes oculaires dont l’acuité visuelle caresse la perfection ? Ont-ils pour dessein de définitivement endommager mon nerf optique me privant ainsi de toute information visuelle indispensable à la bonne conduite d’une vie frénétique et sans repos ? Des mesures doivent-être prises.

Deux informations cruciales doivent vous être transmises avant de poursuivre notre chemin. Premièrement, la plupart du temps, je verrouille la porte des toilettes quand je les utilise. C’est une technique assimilée depuis un âge si reculé que son souvenir s’en est déjà allé. Deuxièmement, sur la porte des toilettes de notre appartement est cloué une feuille de papier A4 au message explicite « Keep this door closed, thank you ! ». Par conséquent, il est bien difficile de faire la différence entre deux états que cette porte peut adopter, fermée ou verrouillée. Comme vous le savez, je surprends souvent mes colocataires dans le feu de l’action, mais étrangement, quand vient mon tour d’occuper cette chapelle marécageuse, mes compagnons de vie ne se bousculent pas pour y aller prier. Seraient-ils dotés d’un sixième sens leur indiquant l’occupation des toilettes par un corps étranger ? Le fracas du contenu de mes longs intestins contre la cuvette serait-il une indication suffisamment audible du labeur herculéen auquel je me livre régulièrement ? Serions-nous au bord d’un fossé culturel si profond que la seule solution viable serait un traitement différencié de nos pratiques respectives ? Des mesures ont-été prises. Désormais, la feuille A4 crucifiée sur la porte grisâtre du Sanctuaire orne un nouveau message « Please, knock before coming in ! ». Nouvelle technique à apprendre.

Partie 3 : Le vieux professeur. 

                                                                                                                                                             Hier après-midi, après être revenu d’un supermarché traversant une intense phase de pillage, je faisais la connaissance d’un vieux monsieur. Ce vieux monsieur est né au Brésil et a passé vingt ans de sa vie en France. Une fois encore, malgré son français sans défaut, j’ai eu du mal à le comprendre. Son grand âge n’aidant pas, les mots sortaient de sa bouche tel un pantin désarticulé et trébuchant. Sans réellement savoir pourquoi, sa langue maternelle, le portugais, prit le pas sur toute autre forme de discours. Catastrophe. Forcé par les évènements et me sentant rusé, je pris le parti d’explorer un nouveau canal de communication et me suis référé aux expressions faciales de ce professeur émérite. Malheureusement, hormis les mouvements d’yeux aléatoires de cet ancêtre balbutiant, son visage aux traits tirés et à l’apparence squelettique ne laissait plus transparaître la moindre émotion. C’est au moment où il m’a tendu un courrier provenant de la banque Itau que la lumière sur son objectif du jour s’est faite. Changeant de domiciliation bancaire, il devait envoyer un nouveau relevé d’identité bancaire à sa banque. Il m’a demandé mon nom et a tenté de l’écrire sur l’enveloppe déchirée de son courrier, non sans peine et tremblements, chose que, finalement, je j’ai réalisé pour lui. Et dans un mouvement soudain, il a abandonné le petit hall de l’immeuble où nous étions tous rassemblés, sans se retourner, sans un geste d’adieux comme si nous ne nous étions jamais rencontrés. 

Rencontrer c’est découvrir.

Partie 4 : Jefferson. 

 

Jefferson est comme la plupart d’entre nous, banal. Si vous le croisiez dans la rue, avec ses grandes vitres correctrices sur le nez et sa bedaine arrivée à maturité, vous ne vous arrêteriez probablement pas pour lui demander votre chemin, ni même lui adresseriez-vous un sourire spontané, ou de simple courtoisie, à son visage joufflu qu’années et nourritures en tout genre ont contribué à façonner. Jefferson continuerait son chemin, et vous le vôtre. 

Hier soir, Jefferson et moi-même arrivâmes à la même destination, un container. Un container peu commun où l’on ne trouve ni marchandises destinées à l’export, ni drogues, ni substances exotiques, mais bel et bien des humains. Entassées les unes sur les autres, les chambres de mes hôtes fusionnèrent pour donner vie à un assemblage de tôle et de faux parquet, matériau restituant une chaleur étouffante quand viennent les ardentes chaleurs du Sud brésilien. Pas étonnant que les cubes des étages supérieurs disposent d’une climatisation, de machines à vous transformer un climat. 

A l’extrémité Est de ce long couloir se trouve une cuisine. Lieu conviviale et gorgé d’un fumet virevoltant aux heures de pointe. Elle contraste avec ce couloir lugubre, mainte fois éprouvé par les amateurs d’épouvante au moment où les lumières, une à une, fuient devant cette ombre rampante, maîtresse des lieux sans-vie. C’est donc dans ce petit refuge lumineux qu’eut lieu ma rencontre avec notre imposant Jefferson. Jefferson est brésilien et le premier contact fut frustrant. Entendre les notes et mélodies sortant de sa bouche ne me fit ressentir rien d’autre qu’un dépaysement forcé, forcé par des oreilles incapables de lire une partition qu’elles s’entrainèrent pourtant à jouer à de nombreuses reprises. Mais ma détermination resta intacte et, sur les coups de 21h43, l’énergie du matin me revint et canalisa mes efforts sur le discours de ce qui s’avérait être notre cuisinier. Fait-tout et marmites profitaient des prouesses ardentes d’une gazinière dont la retraite fut repoussée à un âge inconnu et, en leur sein, riz, haricots noirs et poulet se laissaient porter par un bouillon d’huile, d’huile et d’huile. Un bon feijão com arroz e frango, recette simple à première vue, mais nécessitant une patience extrême puisque le bûcher fut allumé à une heure où les enfants tiennent encore sur leurs pieds, aux alentours de 20h30. De temps à autre, Jefferson plongeait sa louche dans une flaque noircie par les haricots, donnant de ce fait vie à un courant artificiel.

La conversation s’installa et lia les paroles des uns et des autres, les surprises et rires de chacun, l’appétit grandissant de toutes ces petites mains. A mon arrivée, je me greffais à une troupe de cinq comédiens hauts en couleur rapidement réduite à quatre protagonistes puisque chacun finit par retourner à ses occupations. Carolyne se replongea dans les Praticas da Kabbalah, et un autre, un jeune brésilien aux yeux orangés comme l’ambre et à la main gauche armée d’un bol débordant de pop-corn, retourna dans son antre pour, après tant de temps sans son opium, planter sans regard dans un torrent de pixels rouges et noirs. Miriam, Manuel, moi et enfin Jefferson nous nous retrouvâmes autour d’une table minimaliste juste assez large pour nous accueillir, nous et notre appétit. 

Jefferson est du genre bavard, il exposa une partie de sa vie, nous abreuvant de détails, sans même l’intervention d’un insolite et insomniaque Benoit Blanc. A seize ans, il rencontra une jeune et jolie femme de deux ans son aînée devenant, à peine deux ans plus tard, la porteuse de sa première fille. Son nom m’échappe, mais pas son âge ! A vingt-six ans, elle vit à São Paulo avec un officier de la police fédérale brésilienne. Jefferson n’avait alors que dix-huit ans. Par manque d’immaturité son premier réflexe fut la fuite, mais pour des raisons encore réduites au silence, il prit ses responsabilités. Autour d’une table occupée par coudes, mains et bières, à quarante-quatre ans, Jefferson nous annonça fièrement qu’il eut atteint, avec force et conviction, et sans la citer avec l’aide de son épouse, le bout d’un chemin jonché de tornades, cyclones et typhons d’émotions. Il eut une seconde fille. Elle a vingt-trois ans et vit à Curitiba. Jefferson et son épouse abandonnèrent leur cap commun pour suivre chacun leur propre route. C’est sans grande émotion qu’il aborda cette dernière tranche de vie, elle dans un nouveau foyer, lui dans son container. Elle est mariée à un haut fonctionnaire de la police militaire. Jefferson est agent de sécurité pour une société privée. 

22h30 passés. Dans mon petit cerveau, neurones et autres connections synaptiques s’actionnèrent à la vue de cette heure fatidique : le repas finissait tout juste de cuire. En premier lieu, je déclinais l’invitation à déguster pareille merveille car deux heures plus tôt je finissais ce qui, normalement, devait être mon seul et unique dîner, non pas par convention, mais parce que mes limites physiques me conseillèrent de laisser réduire tranquillement, dans mon estomac, un repas si gloutonnement dévoré. Partant de ces considérations, je cédai à la tentation et dégustais, avec un plaisir palpable, feijão, arroz e frango. Et devant pareille situation je le confesse, je me resservis, deux fois. 

C’est devant cette profusion de glucides et de sel que Jefferson révéla ses projets. Il y a tout juste deux semaines, Cascata, une jeune et élancée dominicaine à la peau d’ébène prit ses quartiers dans la chambre 16 de notre rectangle couleur jade blanc. Comme à la vue d’une étoile filante, l’effet fut immédiat. Notre agent de sécurité tomba sous le charme de Cascata et entreprit de la séduire à son tour. Mais les débuts furent rudes et semés d’embûches car notre polyglotte aux courbes gracieuses ne se laisse pas séduire sans effort. Après d’innombrables esquives et d’agiles contournements, laissant Jefferson innover de nouvelles approches de séduction, Cascata accepta de dîner avec lui. Pendant que je plongeais mes doigts gras dans la boîte de bolinho chuva, encore et encore, Jefferson, accompagné de sa bière blonde refroidie au congélateur, cultivait les premières fibres d’un repas aux enjeux déjà stratosphériques. Mais à minuit passé, notre robuste Dom João n’avança dans son plan pas plus loin que le faux parquet de sa chambre, singularité géographique où la climatisation transforma l’automne brésilien en début de printemps français. 

Faits les aurevoirs, Jefferson referma sa porte ondulée derrière lui et, après quelques va-et-vient pour boire son aide à la digestion, s’immobilisa bientôt dans un silence parfois percé par les rires espiègles et complices de trois jeunes adultes repus.

 

Porto Alegre, Brésil, 25 Mars. 

1,4 millions d’habitants, ça ne disparaît pas comme ça ! Et pourtant, en quelques jours à peine, Porto Alegre est passée d’une capitale dynamique à un dédale à ciel ouvert que nul aventurier ne souhaite explorer. Les rares explosions de vie dans les lieux publics se produisent aux heures de pointe, comme souvent, période durant laquelle chacun s’empresse de se ravitailler en pattes, lait et œufs, produits exceptionnellement rationnés.

L’avenue Senador Filho Salgado est probablement un des nœuds de communication et d’échange de la ville où bus, marchands de fruits, vendeurs à la sauvette et autres petits commerces de bouche se croisent et se mélange dans un ballet qui n’en finit plus de vous faire tourner la tête. Mais aujourd’hui, elle est vide. Quelques navettes circulent et déposent à des arrêts désertés les rares personnes qui ici doivent encore se déplacer pour travailler. Les rues qui la traversent sont tout aussi vides, la Rua Doutor Flores, José Inacio, Marechal Floriano Peixoto, même l’avenue Borges de Medeiros, un point de vue historique de la ville, voit sa raison d’être remise en question. 

Les églises font encore sonner leurs cloches, comme pour faire surgir le miracle divin d’une future guérison. Mais qui peut vraiment leur faire confiance alors même que ces sanctuaires miséricordieux gardent leurs portes closes.  

La Praca Quinze de Novembro et le Mercado Publico, deux anciennes fourmilières grouillantes n’ont conservé du passage de leurs visiteurs qu’une épaisse poussière, de temps à autres soulevée par une brise aventureuse.

Les Praças da Alfândega et Brigadeiro Sampaio accueillaient familles et promeneurs; aujourd’hui elles accueillent les permanents de cette ville abandonnée, sans-abris et marginaux en ont fait un leur nouveau foyer. 

Puis vient la Orla, le lieu de rassemblement privilégié des Porto Alegrenses. Le Gasômetro est toujours là, il siège au côté de son musée éponyme et impose sa droite stature à une assemblée peu attentive. En ce dimanche ensoleillé d’automne, les berges accueillantes de la Orla n’ont personne à accueillir, le Soleil ne recouvre plus les peaux de sa peinture d’ambre, la douce brise marine n’a plus personne à rafraîchir.

La police, quelques téméraires et les fidèles au poste, les sans-abris, insufflent encore un peu de vie à cette berge aux eaux mornes. Une vie bien rare qui n’a pas toujours été le monopole de nos confrères bipèdes; quelques oiseaux semblent profiter de cette situation pour le moins inédite. Ce qui ressemble à des poules d’eau masquées de blanc et de rouge se promènent sur une pelouse rase et dépourvue de nourriture. Je me demande : peuvent-elles se souvenir d’un jour où cette terre, riche et fertile, accueillait si peu d’humains ? Les eaux polluées de la rivière Guaiba porteront-elles à nouveau nos jet ski sauvages, ou redeviendront-elles le terrain de jeu exclusif des Garças-Brancas et autres Maguaris ?

Laissant ces considérations pour une vie où je ferai moi-même moins de ravages, je me dirige vers une passerelle métallique plantée dans l’eau, probablement destinée à toute personne ne disposant pas d’une acuité visuelle suffisante pour apprécier, depuis la terre ferme, les étincelles de lumière reflétées par le fleuve. Arracher deux mètres supplémentaires à cette étendue d’eau est probablement ce que l’on appelle le progrès. S’y trouve une jeune promeneuse. Son mini-short laisse ses longues jambes hâlées respirer les rayonnements du Soleil. Un homme se poste à environ trois mètres d’elle, distance bien courte étant donnée l’immense surface désormais disponible pour chaque promeneur. Je suis dubitatif. Elle repart. Il la regarde s’éloigner, sans bouger. Mon regard se porte à nouveau sur le fleuve. 

Et mon chemin croise celui du vent, celui qui agite les arbres, celui qui comprime les eaux. Il va, il vient, se lève puis retombe, tournoie et brise ma démarche rectiligne. Alors je m’arrête et patiente. 

Notes : vous êtes voulez découvrir quelques oiseaux de Porto Alegre ? Allez faire un tour sur le groupe facebook : Aves de Porto Alegre. 

Porto Alegre, Brésil, 26 Mars.

Quelle sensation étrange. De mon vivant, jamais je n’avais vécu un événement d’une telle envergure. Certes, le monde ne L’a pas attendu pour traverser plusieurs évènements marquants : la Bulle Internet, la crise des Subprimes, les nouveaux types de conflits – je pense notamment au terrorisme – les guerres qui n’en finissent plus, la vague technologique et avec elle ses promesses d’un nouveau monde, les mouvements migratoires, les revendications sociales et politiques de plus en plus pressantes, le changement climatique et tout ce qui plus ancien et que mon ignorance me cache encore… Mais Ça, ça vous vide des villes entières de leur substance. Ça, ça vous affole les médias et leur tirelire du monde entier, ça terrorise petits et grands, ça paralyse des pays. Rues désertes, commerces fermées, peur ambiante, transports coupés, et c’est sans compter sur les conséquences sociales, politiques et économiques encore en gestation…

Ça vous fait fuir vos amis. Depuis plusieurs jours maintenant, les liens que nous avons tissés se détendent, s’effilent, se déchirent et s’envolent avec les derniers avions. A peine trouvés, les nouveaux repères se dérobent sous nos pieds, la lumière vacillante du phare n’indique leur direction qu’à une poignée de naufragés à la dérive. Les autres ont regagné chaloupes et autres embarcations de fortune. Les larmes aux yeux, un pincement au cœur, ils et elles partent. 

Malgré tous les mails envoyés par les universités brésilienne et française, malgré les recommandations des autorités publiques de la France, malgré un doute rampant, je reste. Inconscient, stupide, fainéant, puérile, quels qualificatifs pour définir mon comportement ? Elian, mon coloc argentin, reste également. Il est coincé dans notre petit foyer car son pays a fermé ses lignes imaginaires jusqu’au 31 Mars. A-t-il confiance dans l’avenir ? 

Tout recommencer est possible, patience, détermination et chance seront d’une aide capitale.

Porto Alegre, Brésil, 27 Mars.

Petite précision, je vais vous raconter huit rêves de ma nuit du 27/03 au 28/03. Pour éviter toute indigestion je publierai les quatre premiers rêves le 27/03 (ou le lendemain matin si c’est pas possible) et le reste le 28/03 (ou le lendemain si c’est pas possible).

Histoire d’une vie rêvée, partie 1.

                                                                                                                                                    Aujourd’hui je ne parlerai pas de ma journée, je ne parlerai pas du Soleil qui se lève et qui fait que le jour est jour; à la place je vous conterai mes nuits, je vous conterai ce qu’il se passe quand je suis endormi.

                                                                                                                                                            Rêve 1,

Connaissez-vous Hearthstone Battlegrounds ? C’est un auto-chess où huit joueurs se rencontrent dans une arène et font battre le fer jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un. Le jeu se décompose en deux phases. La première, les joueurs doivent dépenser des pièces d’or pour recruter et améliorer leur escouade; ils peuvent également utiliser leur argent pour améliorer le niveau du bestiaire – appelé la Taverne – et de fait accéder à des mercenaires plus puissants. La seconde phase a lieu sur le champ de bataille. Tour à tour les créatures attaquent et s’entretuent. Les joueurs aux créatures les plus fortes, aux synergies les plus puissantes et aux positionnements les plus rusés remportent souvent leur combat. Une part d’aléatoire est présente dans ce jeu et rien n’est définitivement acquis. 

Voilà pour les présentations. En ce qui me concerne, je rêvai qu’un streamer connu du milieu, TheFishou, constituait son armée. J’observais avec attention sa stratégie derrière mon écran. Il choisit des créatures que je n’avais auparavant jamais vu dans le jeu : mammouths, éléphants géants et autres dinosaures d’un âge révolus peuplaient son armée. Et venu le combat, je me suis téléporté sur le champ de bataille et étais aux premières loges d’un massacre annoncé. Aucun joueur ne lui faisait face, au lieu de cela, je me trouvais, avec d’autres personnes que je n’avais jamais vu, sur une place publique où des commerçants vendaient des fruits exotiques. Quand les créatures, d’une taille à en faire pâlir le Burj Kalifa, déchaînèrent tour à tour leur force colossale sur notre fébrile assemblée, aucun miracle n’était plus envisageable. Les mammouths se soulevèrent et retombèrent avec fracas, provocant un terrible séisme ; les dinosaures sont sortis de leur sommeil et commencèrent à dévorer mes semblables en fuite. Seuls quelques canapés géants dissimulaient de rares survivants que la mort cherchait encore à cueillir. Dans une marmite de lave, l’un d’entre nous se noya, sa tête, adoptant toutes les couleurs du spectre lumineux, se mit à voler comme un ballon de baudruche que l’on aurait mal ficelé. 

Je ne comprenais pas ce qu’il se tramait sous mes yeux ébahis. Les canapés me firent penser à mon chez moi, en France, et la place publique était un mélange de ce que je vivais au Brésil et de mon imaginaire sur les souks d’Afrique du Nord. Puis, plus rien.

Rêve 2, 

Avec des amis, nous étions regroupés sur une petite place faite de blocs de pierre. Excentré, un arbre nous dominait de sa structure tentaculaire. Il veillait sur la place et nous faisait profiter de son ombre. Je ne me souviens pas avoir ressenti une quelconque variation de température entre l’ombre de ses feuilles et la partie ensoleillée de la place. 

Puis nous sommes allés à la bibliothèque universitaire. Pour entrer, nous devions montrer pattes blanches à un agent de sécurité qui serait jugé peu banal dans notre réalité;  à coup sûr il aurait été présenté dans tous les bêtisiers de fin d’année. Jair Bolsonaro – oui le président brésilien – se dressait devant moi et me demandait un nombre absurde d’informations pour simplement accéder à une bibliothèque universitaire – mon inconscient a dû conserver un fort souvenir de mon expérience bureaucratique au Brésil. Soit, en fouillant dans un livre que je ne su identifier, je trouvai un code qui sembla satisfaire ce sphinx au nez toujours pendant. 

Une fois dans la bibliothèque je retrouvais mes amis, dont Matthéo que j’eus rencontré en troisième année de licence à Paris. Je me dirigeai vers ma place. Puis plus rien.

Rêve 3, 

J’étais à la piscine avec Alice, une fille de mon université contrainte de quitter le Brésil du fait de l’épidémie de coronavirus. D’une certaine façon, je ne m’attendais pas à une réouverture si rapide de ma pataugeoire favorite. J’enfilai mon maillot de bain et croisais des enfants se rendant aux bassins. Une fois au bord de l’eau, horreur, jamais je n’eus vu une telle nuée d’enfants dans l’eau. Impossible de nager ! Puis des adultes de tous les âges se mêlèrent à ses bambins énergiques. Une femme accrocha mon regard. Magnifique, son maillot noir une pièce soulignait des courbes sculpturales. Mes yeux couraient sur son dos droit et athlétique. Les jambes trempant dans l’eau et le visage de profile, je ne pus l’identifier. 

Et soudain, je me retrouvai dans un autre bassin, sous l’eau cette, me voyant nager de l’extérieur. Quel recul j’eus sur cette nage imparfaite et peu profilée ! J’eus même la chance de profiter d’un ralenti décomposant mes mouvements de bras. Mieux encore, deux versions de moi nageant le crawl m’apparurent : dans la première, je nageais nu, mais mon pénis avait disparu, caché entre mes jambes peut-être ? Dans la seconde, je portais la totale : maillot, bonnet, lunette. 

Puis j’apparu dans une petite ligne d’eau, elle-même située dans une petite pièce dont les murs étaient couverts de mosaïque et donnant sur un autre bassin dont je ne pus identifier les dimensions. Un jeune enfant, visiblement trisomique, nageait, non sans peine. Une jeune fille à la poitrine à peine naissante et au visage lisse d’une enfant nageait également. Elle me jeta un regard indifférent. Je me demandais comment j’allais me débrouiller pour que mes exercices ne soient pas une gêne pour ces jeunes novices. Puis, plus rien. 

Rêve 4, 

Avec mon père, nous allâmes visiter une sorte de mélange entre un zoo, un hangar et une forêt primaire. Dans cette pièce exiguë où nous nous trouvions, étaient entreposées je ne sais combien d’araignées. Même en les éclairant de ma lampe de poche, il était ardu de distinguer leur forme et leur espèce. L’épaisse couverture de végétaux et de grillage ne laissait de la place qu’à l’interprétation. Je me rappelle toutefois ces crocs rouges vermeilles qui, je l’avoue, ne me donnèrent pas envie de m’approcher davantage. 

Passées les araignées, et disparu mon père, je vis des lionnes. L’une d’elle me regardait. Puis, plus rien. 

Histoire d’une vie rêvée, partie 2

Rêve 5, 

J’ai enfourché un vélo et me suis baladé sous la pluie. Puis, plus rien. 

Rêve 6,

Assis à ce qui me semblait être la terrasse d’un café parisien, je ne pus pourtant trouver mes repères car tout le monde autour de moi parlait portugais. A cela s’ajouta le fait que j’étais littéralement assis au milieu d’une foule d’inconnus. Quatre femmes se faisaient prendre en photo devant nous, mais je ne pourrai dire qui de nos fervents consommateurs tenait la caméra. Je ne sais ni commun, ni pourquoi mais je me retrouvai avec un portable entre les mains et dirigeais son objectif vers les silhouettes féminine. Une en particulier occupait l’écran de mon téléphone : une jeune femme blonde aux yeux bleus, plus grande que ses acolytes, aux bonnes joues bien nourries et portant une robe noire près du corps. J’avais l’impression d’être un voyeur au milieu d’une bande d’amie, mais ces jeunes créatures ne semblaient même pas me remarquer. Il faut dire qu’il y avait du monde autour de moi. Soudain, une personne me parla en portugais, mais je ne saurais dire qui. Dans la foulée, j’entendis une langue familière : du français ! Et ils se découvrirent un à un; toute une troupe de français. Étaient-ils présents dès le début de la scène où apparurent-ils sans que je m’en rende compte. Nous échangeâmes quelques mots. Puis, plus rien.

Rêve 7, 

Je me tenais debout à côté de mon vélo. J’étais dans une petite allée qui me rappelèrent certains chemins de la Seine-et-Marne. Mon objectif était d’atteindre la Marne, sans doute me croyais-je dans ma ville, en France. En descendant le chemin, je tombai sur une grille fermée. Zut, je ne peux pas passer. Et imaginez bien que je n’allais pas faire demi-tour car je n’avais aucune idée d’où je venais ! Je n’étais pas seul à vouloir passer de l’autre côté, d’autres personnes se trouvaient devant moi, près de la grille, mais je ne saurais les identifier. Soudain, à ma grande surprise, Bruno Salomone arriva, échangea quelques mots avec les personnes devant moi puis ouvra la porte. Content, je repris la route et, comme par magie, me retrouvai assis autour d’une table drapée de blanc et prête à accueillir un repas. Il me semble que nous étions cinq ou six à cette table. Je ne savais pas qui étaient ces personnes. De plus, je ne mangeais pas – je n’ai aucun souvenir d’avoir été servi. Visiblement, ces personnes étaient au milieu d’une conversion et je n’ai que le souvenir des moqueries que subissait une femme aux cheveux blond-vénitiens se tenant à ma droite – je ne me souviens même pas de leur voix. Apparemment, à un juger par ses amis – j’imagine qu’ils étaient tous amis – elle mangeait trop. C’est vrai que son assiette accueillait bien plus de nourriture que le reste de la tablée, nourriture qui dans mon esprit ne ressemblait qu’à une grosse purée verte. Sans odeur, sans visuel distinct je ne reconnu pas ce qu’elle mangeait. Puis, plus rien. 

Rêve 8, 

J’étais à un anniversaire. Qui fêtait une année de plus ? Aucune idée. Je me souviens d’une triple surprise qui se décomposait en trois évènements, mais je ne serai capable de n’en citer que deux. Le premier nous a emmené à un concert. Nous étions devant un orchestre de rock – je me souviens surtout des guitares. La musique était bien présente ça oui, mais à en juger par le faible volume sonore je pense que personne ne jouait réellement. Mon avis ? C’était du playback. Au moment où cette joyeuse bande jouait leur air style, sous mes yeux et sur le petit chemin de bois séparant la scène du lieu où je me tenais, une femme, à genou, demanda quelqu’un en mariage. Qui ? Aucune idée. Puis, j’aperçus dans la plus haute tribune de la scène Rany – oui Rany du pôle vidéo – qui faisait semblant de jouer une longue guitare électrique noire à laquelle aucun câble n’était raccrocher. Notre guitar hero faisait du air guitar. 

Soudain je découvris le décor derrière moi et je pense, à ce moment-là, que nous avions changé de lieu. Je dis « nous » car assis sur un tabouret au bar se trouvait un jeune homme qui regardait dans la direction opposée du bar.  Je le voyais de profile et me tenais debout, sans plus de précision. Léa apparut – oui Léa du pôle vidéo – et je ne me souviens d’aucune interaction avec elle, je sais juste qu’elle était présente. D’un coup je me retrouvai assis en tailleur sur le sol. Nous discutions – avec qui ? Aucune idée –  et, sentant l’ennui me chatouiller, je me levais puis déclarais « je vais me dégourdir les jambes ». Puis, plus rien. 

Colibri

 

Lundi 23 mars : Journée de PLS totale, les visios avec les profs sont de très mauvaise qualité mais au moins ils jouent le jeux ! 

Mardi 24 mars : J’ai fini Élite et gossip girl 

Mercredi 25 mars : En plus du yoga quotidien j’ai commencé à faire de l’exercice. Sachant que le confinement risque de durer plus longtemps que prévue autant mettre ce temps à contribution. De nombreux influencer multiplient les lives matinal afin de nous montrer leurs routines sportives. C’est une bonne occasion de s’informer sur des exercices facile à reproduire chez soi. 

Jeudi 26 mars : Mon copain me manque de plus en plus. Son odeur, ses conseils, son sourire et sa voix qui me fait chavirer me manque. Les infos sont de plus en plus anxiogènes, le nombre de décès ne cesse d’augmenter. Dans ce climat, c’est très difficile de ne pas penser à toutes ces victimes innocentes, toutes les personnes isolées, toutes les femmes confinées avec leurs compagnons violents.

Vendredi 26 mars : crises d’anxiété 

 

Gaggou

 

8e jour de confinement : Nous sommes le 23 mars 2020. Restez chez vous, c’est un slogan que bon nombre d’entre nous affirment mais il y a les paroles et… les actes ! Malgré le confinement, la vie continue et mon UE d’Electromagnétisme et Optique me l’a bien fait comprendre. 8h30, l’examen était en ligne ! Première fois de ma vie et j’espère la dernière, d’avoir un contrôle de 24H… Que dis-je ? 26H ! Excusez-moi mais ça change tout. Moi qui en faisais une obsession, et bien je ne suis pas du genre à me vanter, mais il était hyper simple !! Mais tu avais le cours Garance avec toi, c’est logique ! Ce n’est pas une raison, et puis il fallait réfléchir aussi quand même ! C’est la première fois que je suis allée faire les courses depuis le confinement 😉 Comment j’ai fait ? Je ne sais pas justement, je crois que je suis tombée très bas, parce que même moi, et c’est moi, je n’ai pas faim ! Finalement, mes problèmes, on s’en fiche un peu ! Je vous raconte mes courses : T’arrives et si t’as pas de chance, tu attends dehors. (moi évidemment je n’avais pas de chances…) et après le vigile te fait rentrer 5 par 5, et là tu rentres, tu scrutes tes moindres faits et gestes, tu réfléchis si tu prends l’objet ou pas, tu te demandes pendant 10 minutes si il est contaminé, et puis tu repenses à ce que t’as dit ta mère : « Le virus, il reste 12 heures sur les produits ! » :/ Là c’est panique à bord, tu deviens clairement parano ! Tu fais attention où tu vas, tu ne t’approches pas trop des gens, tu te mets des coups de stress toute seule… alors que c’est juste aller faire les courses, mais en vrai c’est un peu comme le Cluedo, tu te méfies de tout le monde et même …. de toi ! 🙁

9e jour de confinement : Nous sommes le 24 mars 2020. Aujourd’hui, on est mardi, et dans mon quotidien, qui dit mardi, dit journée de cours de physique : amphis,TD et j’en passe ! Mais à la maison, après une semaine de ….. bah de rien ! La licence de physique a décidé de mettre des cours en visioconférence, si on peut appeler ça comme ça, avec un logiciel qu’on nomme « zoom » je crois 🙂 C’est assez étrange, le cours est à 10h30, tu te lèves tranquille à 10h29 et tu es en cours ! Génial, nan ? A part ça, je vous avoue que ma journée n’était pas si palpitante que ça… je m’en excuse auprès de vous ! Demain, ce sera plus excitant, je vous l’assure 😀

13 jour de confinement : Nous sommes le 28 mars 2020, c’est le jour de ma fête d’anniversaire ! Fatiguée de travailler tous les jours, il faut prendre une journée de pause dans la semaine, et c’est ce jour pour moi ! Je préfère vous dire tout de suite, je n’ai pas rien fait, j’ai fait des choses utiles, par exemple commencer à faire mes lettres de motivation pour les masters de l’année prochaine. Avec la situation, je ne sais pas comment vont se passer les candidatures et surtout quand ? Il y a des masters qui font des entretiens et des concours et si les examens de fin d’année sont décalés, qu’est ce qu’ili va se passer ? 

 

Léa-ricots verts

 

Jour 13 : Samedi 28 mars

Une semaine que je n’ai rien écrit, et c’est bien normal si vous voulez mon avis : gérer le tsunami de devoirs maison à rendre, et gérer mon binge-watching d’une série qui me laisse très mitigée. Disons qu’elle soulève des phénomènes sociétaux extrêmement intéressants, mais qu’elle est pleine d’incohérences en particulier sur la caractérisation des personnages. Je n’ai pourtant pas pu m’empêcher de la regarder en 3 soirs, étant donné que l’intrigue est… Intrigante.

Enfin nous voici au 15e jour officiel de confinement, en réalité un peu plus moi qui ne suis pas sortie depuis 16 jours étant donné que je m’étais déjà décidée à me confiner depuis le dimanche 14 mars avant l’annonce officielle car j’avais peur d’être porteuse du virus étant donné que je commençais à tousser de façon un peu inquiétante. Les symptômes se sont calmés au bout de deux jours, fort heureusement. Donc voilà, moi qui ne tenais pas en place, qui devais sortir à chaque fois au milieu du cours pour me dégourdir les pattes, qui ne rentrais jamais chez elle avant 23 heures car trop de choses à faire, qui en étais toujours partie avant 8 heures… se retrouve enfermée, et contre toute attente, le vis bien. Ainsi, j’ai réussi à rendre tous mes DMs en temps et en heure, à rattraper mon retard sur les cours avec grandes difficultés de concentration dans un environnement qui n’est pas du tout approprié au travail, à continuer à pratiquer mes barres au sol et à composer quelques vidéos pour le conservatoire de danse sur le thème du confinement (espace restreint). Mardi, j’ai été courir, et j’ai eu le courage de me rendre au supermarché ! Contre tout attente, il était vide de monde et débordant de nourriture ! Il semblerait que la France se soit un peu calmée après avoir fait ses provisions et avoir compris qu’il n’y avait pas de pénurie. Il est aussi possible que j’aie eu une chance incroyable d’être tombée sur une heure creuse, donc je m’éviterai toute conclusion hâtive. Sur le trajet, je n’ai pas croisé l’ombre d’un policier…

Durant la semaine, j’ai eu l’occasion de faire des skype et des conversations discord avec plusieurs de mes amis, ce qui m’a fait réaliser à quel point ils me manquaient, et j’ai trouvé cela fou que nous gardions le contact aussi bien : s’envoyer des memes à longueur de journée sur nos groupes, se poser des questions aléatoires, parler de tout et de rien, se filer des coups de pouce sur les cours…
J’habite au fond d’une impasse où tout le monde se connaît, où toutes les générations se côtoient, de bébés à arrière grands parents, et je n’ai réalisé qu’hier à quel point c’était fabuleux. En rentrant de la boulangerie, j’ai donc croisé cinq de mes voisins, successivement, qui se sont fait une joie de me faire la discussion (à un mètre cinquante de distance, bien évidemment, certains même restant derrière le portail de leurs jardins). Les discussions furent fructueuses et intéressantes, je devais répéter plusieurs fois « il faut que j’y aille » pour qu’on accepte de me laisser vraiment partir, car je suppose que les gens ont besoin d’échanger en ces temps difficiles de solitude et d’enfermement. Ils avaient beaucoup à raconter, et étaient réellement intéressés par ce que je disais, contrairement aux rapides échanges passés où nous ne prenions que de brèves nouvelles lorsque nous nous croisions. Beaucoup de mes voisins se sont donc lancés dans des travaux manuels, certains repeignent leurs portails, leurs volets, les murs. D’autres promènent leur chien dans l’impasse, vont prendre le café chez la voisine, restent perchés à leurs fenêtres pour profiter des rayons du soleil. La jeunesse étudie à distance, les adultes télétravaillent, les plus âgés cherchent des occupations tels que le jardinage. Dans un si petit entourage, c’est fou de remarquer les différences de perceptions sur ce qu’il se passe. L’un de mes voisins, cinquantenaire, « emmerde le coronavirus » quand un autre « s’inquiète pour ses enfants », ou qu’un autre trouve absurde la distanciation, à qui j’ai dû expliquer avec des arguments scientifiques pourquoi au contraire il s’agissait de la meilleure barrière : se recevoir un postillon coronavirusier n’est pas la chose la plus safe et la plus agréable du monde…

Moi qui avais prévu une sortie d’une dizaine de minutes, je suis donc rentrée quarante-cinq minutes plus tard, après avoir parlé de mes études, m’être prise une remarque amusante sur le fait que ces quatre baguettes me feraient grossir, avoir donné des conseils, avoir pris des nouvelles des gens et avoir donné mon snap à mon petit voisin de quinze ans qui ne comprend pas qu’à presque vingt ans, on n’envoie plus de snaps vides juste pour faire des flammes.

Chez moi, quand je suis arrivée, ça sentait bon la soupe à l’oignon que ma mère préparait avec amour, et je suis partie rejoindre des presque inconnus sur Discord pour faire un point sur le Dm d’électromagnétisme. Un ami avait créé un serveur destiné à l’entraide, où je ne connaissais que lui et une amie que j’ai moi-même invitée. J’ai donc pu rencontrer quatre voix liées à des personnalités attachantes, et il s’est avéré que j’en connaissais un d’eux de loin, et qu’il me connaissait aussi, ce qui était assez amusant car nous nous en sommes rendus compte après près de trois heures de discussion. La conversation s’est terminée autour de minuit, et nous avions glissé assez loin du DM… Ce qui était très amusant, car je n’ai pas l’habitude de rencontrer du monde de la sorte. C’est génial, l’adaptation ! Continuer à rencontrer des gens en étant confinés… On trouve toujours de nouveaux moyens, c’est fou.

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