Le séga, mélange harmonieux

La musique est l’équivalent de la sauce mère de la gastronomie française, une béchamelle ou une sauce tomate qui prend de l’ampleur au fil des ingrédients ajoutés et des techniques utilisées. C’est dans la passion et la précision qu’y naît l’harmonie.

Comme la cuisine, la musique est un art malléable et personnel, qui trouve sa force dans le détail et qui ne résonne que dans un contexte particulier.

La complexité de la musique tient également dans la multiplicité de son usage : elle a par exemple joué un rôle prépondérant pendant les périodes de guerres, de répression et d’opposition. Dès la Renaissance, fifres et tambours ont été utilisés pour effrayer l’ennemi ou bien comme chefs d’orchestre du rythme du combat. On a pu identifier des partitions spécifiques qui correspondaient à des commandes précises comme : “charger, retraite, double cavalquet”, entre autres.


Au fil du temps et selon les circonstances, la musique a évolué pour devenir un instrument social. Par exemple, au XVIIIe siècle, le séga mauricien est d’abord apparu pour exprimer la souffrance dans un état esclavagiste. Ce mélange de chant et de danses rudimentaires était vu comme une sorte de revendication identitaire pendant la colonisation française (1715-1810) et était alors banni sur l’ensemble de l’île Maurice. Ces lois strictes se dissipèrent progressivement après la conquête de l’île par les Anglais. Cependant, tout attroupement pour cette revendication musicale restait supervisé par le pouvoir. Le rôle du séga évolua encore : l’augmentation de sa place et de son influence au niveau national se fit en phase avec l’émancipation vis-à-vis du pouvoir colonial.

Depuis 1968, Maurice est indépendante, et le séga symbolise aujourd’hui quelque chose de bien différent. La population mauricienne est un mélange de plusieurs communautés, notamment les indo-mauriciens, les sino-mauriciens, les ethnies africaines et les européens. Au fil du temps et de l’appropriation du séga par l’ensemble de la population, cette musique est devenue le symbole de l’harmonie et de la cohésion de ce pays et de sa diversité. Comme autant d’ingrédients qui ont su renforcer une fabrique sociale fragile, et donner du goût à la sauce mère. 

 

Ashwin SOOBHUG

illustrateur : Rolando CRUZ MARQUEZ

 

Sources :

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