Site icon Alma Mater

double casquette : Étudiant et peintre

Épisode numéro 1 : Walter Mamani, étudiant et peintre

En ce mois de novembre 2020, Alma Mater vous propose de suivre le parcours d’étudiants à double casquette. Leur quotidien hors du commun vous permettra de découvrir comment il est possible de concilier vie professionnelle et études, comment vivre de sa passion tout en suivant un cursus scolaire. Pour ouvrir cette mini série, c’est dans le 13e arrondissement de Paris que nous retrouvons aujourd’hui Walter Mamani, étudiant et peintre confirmé.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? 

Je m’appelle Walter, je suis étudiant en histoire de l’art à Paris 1 et parallèlement je suis peintre depuis six ans. Je suis venu du Pérou pour continuer mon parcours en art et surtout pour me professionnaliser.


Comment en êtes-vous arrivé à ce parcours  ? Pourquoi avoir choisi de mener de front ces deux vies ?

J’ai découvert un jour le dessin et j’ai tout de suite ressenti quelque chose et j’ai fini par me dire que je voulais l’exercer de façon autodidacte. 


Est-ce que votre entourage a joué un rôle dans cette décision ?

Oui et non. Ma famille et moi menions une vie simple au Pérou, j’étais destiné à l’architecture parce je voulais faire de la science et des arts. De plus, cela me permettait de gagner de l’argent, de mener une vie tranquille tout en exerçant une forme d’activité sociale dans un pays du tiers monde comme le Pérou, qui n’avait pas besoin de l’art mais de nouveaux logements. Mais ce n’était pas ce que je voulais faire : c’était seulement pour que mes amis et ma famille considèrent que j’ai fait les bons choix. Finalement j’ai fini par détester tout cela. J’ai donc décidé de postuler aux Beaux Arts de Lima où je ne faisais pas les tableaux que je fais aujourd’hui, c’est la vie que je menais qui m’a aidé à comprendre ce que je voulais faire.   

Comment organisez-vous votre temps ? 

Je ne sais si c’est parce que je suis latino-américain mais ici l’organisation me semble totalement différente. Quand je suis arrivé, la première chose que l’on m’a donnée, c’est un agenda. Au Pérou c’était mon père qui avait l’agenda, les étudiants n’en ont pas. Alors qu’ici on s’organise, on fait des rendez-vous, on utilise les réseaux sociaux. Les premières années j’ai commencé à m’habituer à cet agenda mais c’était compliqué car je me considère comme peintre et à l’intérieur de cette vie, je suis étudiant, je travaille et j’ai ma vie sociale. J’essaie de m’organiser comme je peux en saisissant toutes les opportunités possibles. 

Arrivez-vous à l’organiser de manière à ce qu’il soit possible pour vous, à la fois, d’étudier et d’exercer votre activité ?

C’est la peinture, mon but, qui m’aide à choisir les choses les plus importantes. J’ai besoin d’argent pour acheter le matériel, payer le loyer donc je laisse la peinture pendant un temps. C’est pour cela que j’utilise la technique de l’huile parce que cela permet à ma peinture de ne pas sécher rapidement. Je pensais que ce double statut me prendrait beaucoup de temps mais j’ai toujours été habitué à travailler sans relâche. 

Estimez-vous que cela vous rend un peu moins étudiant qu’un autre ?  

Je suis peintre et dans ma vie je suis étudiant. Je ne fais pas la différence mais j’essaie de ne pas avoir un statut privilégié. Ce n’est pas parce que je suis peintre que je dois avoir le privilège d’être en retard en cours, par exemple. Je préfère qu’on me traite comme une personne normale. 

Avez vous déjà été confronté au syndrome de la toile blanche ? Si oui, que doit-on faire dans ce cas là ? 

Je n’ai jamais eu ce soucis parce que je dessine tout le temps, je prends des photos, je regarde des films. Tout ce mélange me permet d’être toujours inspiré. Comme disait Picasso : « L’inspiration existe mais elle doit être trouvée en travaillant ». Il y a des jours où l’on est fatigué, des jours où l’on se pose des questions existentielles mais il faut considérer que l’art est ton travail, peu importe ta fatigue, tu dois persévérer. Par ailleurs, la peinture n’est pas quelque chose que l’on fait du matin jusqu’à l’après-midi, tu la fais tout le temps même si tu n’es pas devant ta toile. La peinture c’est 20% du travail, les 80 % restants, tu les passes à réfléchir. Parfois je regarde longuement un ami et il me dit : « pourquoi tu me fixes comme ça ? » et je lui réponds que je viens d’avoir une nouvelle idée et qu’il faut que je rentre chez moi pour la peindre. 

Combien d’exposition avez-vous réalisées ? Avez-vous déjà réalisé des   ventes ?

J’ai réalisé trois expositions de moi-même, mais j’ai participé à plusieurs expositions collectives, notamment au Pérou, aux États Unis, au Mexique, en France. Ma première exposition personnelle était à Clermont-Ferrand. Au Pérou c’était plus compliqué d’avoir un espace, il fallait avoir une certaine renommée pour cela. À Paris, j’ai été bien orienté pour trouver un espace, en particulier à La Sorbonne qui a différents emplacements liés à la culture. À la manière péruvienne, je suis allé directement dans tous les campus et c’est comme ça que j’ai pu réaliser mon exposition dans le campus de Malesherbes. C’était embarrassant pour moi car cela touchait à mon intimité, j’avais peur de briser la morale française, d’être controversé. J’ai vendu certains de mes tableaux, je ne les vends pas chères car pour moi il faut que cela reste accessible à tout le monde. 

Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaiterait suivre un cursus scolaire tout en exerçant professionnellement sa passion ? 

Le plus important, pour moi, c’est de faire ce que tu as envie de faire, on le sait mais parfois on se bloque, on est guidé par l’envie de vivre une vie normale, une vie adulte. Même si la peinture, la musique, l’écriture peuvent être considérées comme des loisirs, comme des divertissements, il ne faut pas s’arrêter à ça. Il ne faut pas se bloquer dans le passé, il faut aller de l’avant et vivre avec son époque. 

Propos recueillis par Camille Paturange et Clémence Verfaillie-Leroux

couverture : peinture de Walter Mamani

Quitter la version mobile