Le cinéma français est, à partir de la fin des années 1950, celui de la réinvention. Une “nouvelle vague” déferle sur l’industrie et apporte avec elle des bouleversements techniques et de jeunes réalisateurs qui deviendront des incontournables du cinéma français. La Nouvelle Vague, ainsi nommée par François Giroud en 1957, est un courant artistique et cinématographique qui brise les normes, mais elle désigne aussi l’arrivée de jeunes cinéastes novateurs qui vont révolutionner les codes esthétiques et techniques de l’industrie. Ils ne sont, pour la plupart, pas issus d’une formation classique : comme Truffaut ou Godard par exemple, critiques pour les Cahiers du cinéma, et militent pour un cinéma “d’auteurs”.
Cette nouvelle génération tire son inspiration du cinéma d’Hitchcock, mais aussi de Cocteau ou Renoir. Elle entend se détacher de l’académisme français, de ses codes théâtraux trop rigides. Grâce au soutien d’André Malraux, élu Ministre des Affaires Culturelles, l’accès à la réalisation est plus aisé. Le parcours classique en école artistique ou cinématographique n’est plus un passage obligé, et chaque cinéaste a l’occasion de développer son propre esprit, son propre regard sur ses personnages et son scénario. Les budgets sont modestes mais les avancées techniques permettent d’enrichir les films : caméras plus légères et portables, pellicules sensibles à la lumière, tournages hors studios… La technologie de l’époque rencontre l’imagination de la nouvelle génération et permet de produire des films inédits. De jeunes acteurs inconnus (qui ne le resteront pas longtemps) comme Jeanne Moreau (La Baie des Anges de Démy en 1963) ou Jean-Paul Belmondo (Sois belle et tais-toi de Marc Allégret), et plus tard A bout de souffle de Godard) apparaissent sur les écrans, déclamant des scénarios parfois improvisés, pour un produit final aux allures de film presque amateur. C’est bien tout ce qui fait le charme et la renommée de la Nouvelle Vague, et ce qui fait qu’elle porte aussi bien son nom : un vent nouveau déferle sur le cinéma français et le sort de son carcan grâce à des regards neufs et une volonté de faire du réalisateur un auteur, et du film, un objet d’art.
La Nouvelle Vague est un mouvement fort, mais très éphémère : dès 1965, elle s’essoufle, passant d’un tsunami d’innovations à un clapotis de nouveautés dont le public s’est déjà lassé. Son influence est pourtant indéniable et s’étend au-delà des frontières françaises.
Le cinéma des années 1970 hérite donc de cette nouvelle génération, mais l’ancienne n’est pas en reste : Louis de Funès, qui s’est fait connaître dès les années 1950, signe ce qui sera pendant quarante ans le plus grand succès du cinéma français, La Grande Vadrouille, en 1966. Un “classique” bien différent des films d’auteurs développés dans la même décennie.
L’autre changement majeur, c’est l’arrivée du cinéma dans les foyers grâce à la télévision. L’industrie cinématographique doit s’adapter à des demandes nouvelles de la part de la population : les réalisateurs de la Nouvelle Vague se tournent eux-mêmes vers un certain conformisme et décident de présenter aux français leur propre vie ! Mai 68 a également laissé des traces, et le cinéma devient vecteur de l’actualité politique et du militantisme des réalisateurs : aux crises familiales intimes se superposent des enjeux sociaux comme le chômage ou la libération sexuelle, qui a lieu jusque dans les films.
Le cinéma français des années 1970 s’inscrit dans la continuité de la décennie précédente et prouve sa capacité d’adaptation à la demande du public. En cassant les codes, la Nouvelle Vague a permis à l’industrie cinématographique de se renouveler et de mettre sur le devant de la scène des réalisateurs et des acteurs qui faisaient figure d’inconnus ou de révolutionnaires, et qui font désormais partie des grands noms de leur milieu. D’Agnès Varda à Jean-Luc Godard, les films de cette époque sont désormais devenus “cultes”, et toute cette génération bénéficie d’un regain d’intérêt bien mérité.
Chloé Touchard
couverture : visuel OCS