Le CINéMA Classique Français : Critiques de FILMS OCS

BELLE DE JOUR, LUIS BUÑUEL (1967)

“Ce que j’ai tenté avec Belle de Jour, c’est de montrer le divorce terrible entre le cœur et la chair, entre un vrai, immense et tendre amour et l’exigence implacable des sens” : c’est ainsi que Joseph Kessel décrit son roman lors de sa publication en 1928, et c’est cette même impression qui ressort du film de Luis Buñuel quarante ans plus tard. Les sens sont au coeur du film, bien plus que les paroles, dans une atmosphère surréaliste et ambigüe qui interroge le spectateur. 

Catherine Deneuve y signe un de ses rôles emblématiques en incarnant Séverine Serizy, jeune bourgeoise mariée à un chirurgien, lui campé par Jean Sorel. Si l’amour est là, les désirs de Séverine reste inassouvis, et c’est ainsi qu’elle s’engage secrètement dans une maison de passe luxueuse, dirigée par Madame Anaïs. Le film mêle scènes érotiques, dont certaines ont dû être coupées au montage pour ne pas provoquer de censure, et rêveries masochistes de la jeune femme, sur fond de drame entre ses clients et son mari. 

Le film est très représentatif de l’esthétique de Buñuel : les gros plans sur les mains, les pieds, les jeux de regards sont en eux-mêmes un dialogue entre les personnages. Les scènes de rêves révélant les fantasmes sadomasochistes contrastent, dans leur intensité, avec les scènes conjugales, qui se déroulent dans des décors blanc, symbole de la pureté supposée du couple. La symbolique est littéralement portée par Catherine Deneuve elle-même : dans une collaboration inédite, tous ses costumes sont signés Yves Saint-Laurent. “C’est joli ça, mais faut mettre une robe qui s’enlève en deux temps, trois mouvements !” s’exclame une collègue de Séverine lors de son arrivée dans la maison : la robe noire à col et revers de Saint-Laurent remplit parfaitement ce rôle et signe le contraste entre l’élégance bourgeoise et la pureté de Séverine, et la réalité de sa nouvelle occupation, pour laquelle elle doit littéralement se mettre à nue. L’imagination de Saint-Laurent participe à l’ambivalence du film, et surtout du personnage. 

Catherine Deneuve dans Belle de Jour Pinterest

C’est bien le contraste qui est au coeur du film, tant dans l’esthétique (jeux de couleur, frontières floues entre le réel et le rêve) que dans l’intrigue. Le film est un succès à sa sortie malgré la censure effectuée en amont, notamment par le Festival de Cannes, et déchaîne autant les passions du public que celles des critiques culturels. 

Un demi-siècle plus tard, Belle de Jour n’a rien perdu de sa dimension cultissime et constitue un film phare du réalisateur et de la Nouvelle Vague dont il fait partie. Un classique à découvrir le 8 Novembre sur OCS, pour admirer le jeu de Catherine Deneuve et Jean Sorel, ou (re)découvrir l’univers de Luis Buñuel.

Chloé Touchard

couverture :

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Le salaire de la peur

Il est l’un des seuls films à avoir remporté la Palme d’Or et l’Ours d’Or la même année. En 1953, le grand réalisateur Henri-Georges Clouzot adapte Le salaire de la peur, roman de Georges Arnaud, sur grand écran. Un film qui lie suspense, destins dramatiques et enjeux financiers.

Clouzot situe l’action dans un petit village d’Amérique centrale, où l’on suit Mario, jeune français en exil. Son quotidien est avant tout rythmé par la faim, le manque d’argent et de travail, qui le touchent comme de nombreux autres européens venus se réfugier à Las Piedras. Lorsqu’un incendie se déclenche dans un puits de pétrole à des centaines de kilomètres du village, le patron de la société responsable décide d’y envoyer deux camions chargés de nitroglycérine, dont l’explosion soufflera et éteindra le feu : à la clé se trouve un chèque de 2000 dollars par personne, qui représente une fortune pour ces hommes sans avenir. Volontaires, Mario et son ami Jo, accompagnés de Luigi et Bimba, sont recrutés pour conduire ces camions. La cargaison peut s’avérer très dangereuse et le chemin est semé d’embûches.

Après une longue mise en contexte, les camions partent enfin en direction du puits de pétrole incendié. C’est alors que se dévoile la virtuosité de Clouzot : en maître du suspense, il crée une ambiance angoissante et prépare le spectateur au pire en enchaînant obstacles sur la route et disputes entre les personnages, susceptibles de tout faire basculer. À tout moment, à la moindre secousse, la cargaison peut sauter. Connu pour être un perfectionniste, l’utilisation du son et de l’image sont tant de détails techniques que le réalisateur manie pour renforcer la tension incessante de l’intrigue. Si Le salaire de la peur est emblématique des films des années 50, les enjeux qu’il met à jour sont toujours d’actualité. Les problèmes rencontrés sur la route sont tous plus dangereux les uns que les autres et amènent le spectateur à se questionner sur ce que les hommes sont prêts à faire pour de l’argent.

Lili Bentzinger

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