De portrait en portrait

Le portrait est un des genres majeurs de la peinture. L’un des plus célèbres tableaux au monde n’est-il d’ailleurs pas celui représentant une certaine Mona Lisa ? Peinture, photographie, sculpture… Le portrait est un genre qui s’exprime sur de multiples supports, mais dont la définition ne semble pourtant pas si aisée : qu’est-ce qu’un portrait ?

La ressemblance entre le modèle et sa représentation, l’essence du portrait ?

Le portrait a des origines religieuses. La civilisation sumérienne avait notamment dans ses temples des statues de pierre, dont le rôle était d’assurer l’intercession permanente entre les dieux et les hommes en maintenant une adoration de chaque instant. Leur degré de personnalisation permet de les identifier à des personnes ayant existé.
A cette première dimension peut être accolée une autre, plus politique. On peut ainsi citer l’exemple de l’Egypte antique, avec ses représentations s’apparentant à des portraits sous forme de statues. Un cas d’autant plus intéressant qu’il nous interroge sur un des aspects clefs du genre, le degré de fidélité attendue de la représentation vis-à-vis de son modèle. On aurait tendance à croire qu’un portrait doit rendre l’apparence physique du modèle, or, dans le cas des égyptiens, l’œil de l’artiste ne s’attarde pas tant sur l’enveloppe physique du pharaon mais plutôt sur son essence en tant que monarque et représentant des dieux sur Terre. En cela, la représentation répond à des mensurations idéales et codifiées.

Un tabou devenu genre pictural par excellence

Durant la majeure partie du Moyen-Âge, le genre du portrait devient tabou. En cause, la symbolique de l’image de l’homme que l’on prend : il s’agirait d’un vol d’une partie de soi. L’image est alors comprise comme un double de soi. Le portrait, s’il tombe entre de mauvaises mains, deviendrait un support magique que l’on peut ensorceler pour atteindre la personne représentée.
Durant la Renaissance, avec l’avènement de l’humanisme, le portrait jouit d’une place plus importante. L’homme, en tant que centre des interrogations, devient un thème privilégié dans l’art.
Au XVe siècle, le portrait prend ses lettres de noblesse grâce à l’essor du portrait flamand, marqué par son réalisme. Par la suite, les portraits de cours qui se développent à partir du XVIe siècle, marquent le genre par la spécialisation progressive de certains peintres, à l’instar de Velázquez.

La remise en question du paradigme réaliste et l’avènement de la photographie

A l’aube du XIXe siècle, le portrait n’a plus son attrait d’antan pour les artistes. Les impressionnistes, pour qui la forme s’affranchit des exigences du réalisme, ont du mal à appréhender l’exercice. Pour autant, si la ressemblance peut faire défaut, c’est qu’elle n’est plus l’objectif à atteindre.
En outre, on constate une quasi-disparition du portrait dans l’art moderne. Avec l’essor des nouvelles technologies, le portrait n’est plus l’apanage de l’art pictural mais est aussi exploré dans le domaine de la photographie. A cet égard, il est intéressant d’étudier la manière dont Francis Bacon faisait interagir photographie et peinture dans son processus artistique. Il se servait des photos qu’il avait lui-même prises de modèles comme support de travail plutôt que de faire face aux modèles eux-mêmes. On se trouve alors dans un nouveau rapport entre l’artiste et son modèle ; l’artiste s’affranchissant du carcan du réalisme et revendiquant, dans ses représentations originales et inattendues, sa puissance créative en même temps que sa liberté.
Le portrait regagne un certain pouvoir d’attraction dans le cadre de l’art contemporain de la seconde moitié du XXe siècle, surtout au sein du pop art et de l’hyperréalisme, comme le montrent les célèbres sérigraphies d’Andy Warhol et les clichés de Chuck Close.

Qu’en est-il du portrait aujourd’hui ? Le prolongement de cette dynamique de réinvention du portrait par la photographie, nous le vivons quotidiennement. Portable en main, nous sommes le sujet de cet autoportrait qui sature les réseaux sociaux, le selfie.

Marion SAUTRON

Couverture : Etude pour un portrait, Huile sur toile, 197X147cm, 1953, The Metropolitan Museum of Art, Washington, USA, Francis Bacon

Sources :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *