En 1968, date de la sortie de l’album blanc, les Beatles sont au sommet de leur gloire. Plus populaires que Jésus-Christ, d’après les mots mêmes de John Lennon, les “quatre garçons dans le vent” (Paul McCartney, John Lennon, George Harrison et Ringo Starr) ont provoqué un véritable raz-de-maré dans le paysage musical de l’époque. On parle même de “Beatlemania”, littéralement “folie Beatles”. Un an et demi après la sortie de l’album – le 22 novembre 1968 – le groupe le plus célèbre de la planète se sépare. Quel rôle joue l’album blanc dans tout ça ?
Aux origines : un voyage, un Maharishi et une guitare
Au début de l’année 1968, les Beatles ressentent le besoin de prendre du recul par rapport à la folie qui les entoure depuis cinq ans. Sur une suggestion de George Harrison, les Fab Four s’envolent pour Rishikesh en Inde. Là-bas, le Maharishi Mahesh Yogi s’est rendu célèbre pour son enseignement de la méditation transcendantale auprès de plusieurs célébrités. Les Beatles se lancent donc dans une retraite spirituelle, méditant à longueur de journée et profitant des enseignements du Maharishi. Ils ne peuvent cependant s’empêcher de continuer à composer des chansons, avec les moyens du bord : une simple guitare acoustique, loin des artifices des studios. C’est lors de ce voyage que la quasi-totalité des titres qui constitueront l’album blanc sont composés.
De retour en Angleterre, le groupe se lance dans la préparation de leur prochain album. Celui-ci sera davantage tourné vers le rock N roll – après la phase psychédélique de Sergent Pepper’s Lonely Hearts Club Band – et plus authentique : textes moins philosophiques, arrangements plus simples… Mais l’enregistrement s’avère plus compliqué que prévu.
Des sessions d’enregistrement sous haute tension
Les Beatles commencent l’enregistrement en mai 1968 et le terminent en octobre de la même année. Il leur faudra donc en tout cinq mois, contre seulement douze heures pour leur tout premier album – Please please me. L’enregistrement est en effet laborieux et des tensions commencent à éclater au sein du groupe.
La mort de leur ami et manager Brian Epstein quelques mois plus tôt y est sûrement pour quelque chose. Sans lui – qui était surnommé le cinquième Beatles – le groupe est entièrement livré à lui-même. La présence de Yoko Ono sur le plateau, en permanence aux côtés de John Lennon, contribue aussi à irriter le reste du groupe. Elle co-signe même avec Lennon “Revolution 9” – un collage sonore expérimental de huit minutes – qui fait l’objet de désaccords majeurs. McCartney refusera de le placer sur l’album mais se verra obligé de céder face à l’avis de la majorité.
La tension est telle que Ringo Starr, pourtant celui au tempérament le plus calme, quitte le groupe en plein mois d’août et part prendre des vacances en Sardaigne. Ce n’est pas le seul à jeter l’éponge : George Martin – leur fidèle producteur – partira aussi trois semaines en vacances, de même que Geoff Emerick, ingénieur du son, qui ne reviendra, lui, que neuf mois plus tard.
Si les quatre musiciens débutent les sessions tous ensemble, ils finissent par enregistrer chacun de leur côté, dans des studios séparés. Sur 32 chansons, seulement 16 regroupent les quatre membres du groupe, et pas forcément en simultané. Chacun compose dans son coin et fait appel aux autres pour accompagner ses chansons, ou bien même parfois à des musiciens extérieurs. George Harrison fait ainsi jouer de la guitare à son ami Eric Clapton sur son titre “While my guitar gently weeps”.
Un album étrangement composite mais unique en son genre
L’album blanc demeure malgré tout exceptionnel à bien des égards, ne serait-ce que par sa nature. C’est un double-album, ce qui est peu courant pour l’époque, avec pas moins de trente titres ! Cela permet aux Beatles d’aborder une multitude de styles et d’atmosphères variées allant de la balade amoureuse (“I will”) au pastiche de la musique country (“Rocky Racoon”), en passant par du rock pur et dur (“Helter Skelter”). L’album blanc, c’est ainsi un puissant condensé d’émotions, parfois contradictoires, où chacun peut trouver son compte.
Par ailleurs, cet album marque l’avènement des talents de compositeur de George Harrison, qui signe quatre titres (un pour chaque face de l’album), alors que c’était habituellement le duo McCartney-Lennon qui signait l’intégralité des chansons. Même le batteur Ringo Starr y écrit sa première chanson, “Don’t pass me by”. Ce n’est donc pas tant un album représentatif de l’identité “Beatles” mais davantage un reflet des talents musicaux de chacun des membres pris séparément.
A sa sortie, l’album obtient un grand succès et est encore aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs albums des Beatles. Le magazine Rolling Stone lui accorde même la 10ème place dans son classement des 500 plus grands albums de tous les temps !
Et au fait, pourquoi l’album blanc ?
Cet album est surnommé l’album blanc en raison de sa couverture intégralement blanche, mais son nom original est simplement “The Beatles”. Difficile de faire plus sobre ! C’est d’autant plus surprenant que les couvertures des albums précédents étaient extrêmement travaillées et colorées.
Il y a donc une volonté de prendre le contre-pied radical par rapport à tout ce qui avait été fait avant. Le choix du blanc peut se voir comme un retour aux origines, à la simplicité et à l’authenticité. C’est aussi inspiré par un certain milieu artistique de l’époque, très expérimental, qui remettait en question la notion-même d’œuvre d’art ou de titre. La pochette a d’ailleurs été conçue par l’artiste Richard Hamilton – initiateur du pop art britannique – qui ajoute également un collage photographique du groupe à l’intérieur de l’album, pour ne pas décevoir les fans. Mais, détail qui n’est pas insignifiant : ce sont quatre portraits individuels !
Finalement, cette couverture blanche est une manière parfaite d’être non-programmatique. Quiconque ne connait pas l’album blanc ne sait absolument pas à quoi s’attendre en le voyant et l’écouter est donc la seule manière de s’en faire une idée !
Marjolaine Milon
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Beatles_(album)
Images :
- Couverture : Domaine Public
- Article 1 : Creative Commons CC0
- Article 2 : ©Couverture de Sergent Peppers Lonely Hearts Club Band, The Beatles, 1967
- Article 3 : ©The Beatles (White Album) 2009 remaster contents, Rudi Riet, 2009, Flickr, CC BY-SA 2.0