Dans notre entourage, nous avons tous au moins une personne incollable sur les grands faits divers, capable d’en restituer les moindres détails sordides : affaires Grégory, Xavier Dupont de Ligonnès, Jean-Claude Romand… Mais comment expliquer cette fascination, presque malsaine, pour les affaires criminelles ?
Une curiosité pour le morbide pas si nouvelle
L’intérêt, plus ou moins déguisé, que l’être humain porte aux affaires de crime ne date pas d’hier. Jusqu’au début du vingtième siècle, les exécutions étaient publiques et attiraient toujours les foules qui y venaient même le plus souvent avec leurs enfants. Une belle sortie en famille ! Assister à ces exécutions de malfrats et criminels avait une fonction bien précise : c’était une manière de montrer la justice en pleine action, l’ordre du monde rétabli.
Reconnaître la part d’ombre en l’homme
En réalité, impossible de rester insensible face aux atrocités dont sont faites les grandes affaires criminelles. Elles sont vecteur d’émotions fortes, qui nous prennent aux tripes, et qui expliquent aussi notre fascination. Pour certaines personnes, cela va même jusqu’à une forme de catharsis. Dans la pensée psychanalytique post-freudienne, on considère que chaque homme possède des pulsions sombres en lui qu’il apprend à canaliser par l’éducation et les règles de la société. Les faits divers, eux, mettent au jour des hommes qui ont brisé ces normes et cédé à leurs pulsions les plus primaires. Il y a ainsi une certaine fascination à voir cette part d’ombre, que l’on peut reconnaître latente en nous, s’exposer aussi crûment chez l’autre. Pour la journaliste spécialiste des faits divers, Sandrine Issartel, : “On est dans une espèce d’expression de la nature humaine dans tous ces extrêmes.”
Effets de proximité
Par ailleurs, selon le vécu de chacun, une affaire peut nous toucher plus ou moins intensément. L’effet de proximité entre alors en jeu. C’est tout d’abord une proximité géographique : un crime qui s’est déroulé dans la rue d’à côté nous impactera plus personnellement qu’un autre commis à des centaines de kilomètres, quand bien même ce dernier serait davantage sanglant. De même, il peut aussi y avoir une proximité affective si l’on s’identifie, soi ou un proche, à la victime par son âge, sa situation, son cadre familial etc. Et au sentiment de compassion se mêle alors une pointe de soulagement d’avoir été épargné et d’être encore en vie.
Enfin, certaines affaires marquent plus les esprits que d’autres. C’est le cas de l’affaire Grégory Villemin, petit garçon de six ans assassiné en 1984, et qui fait pourtant toujours couler autant d’encre aujourd’hui (en témoigne la sortie en 2019 de la série Netflix sur l’affaire : Grégory). Pour l’enseignante-chercheuse en socio-anthropologie, Lucie Jouvet-Legrand, ce n’est pas anodin : « Lorsque l’on touche à des personnes qui ont une aura importante dans la société, le crime va particulièrement heurter l’opinion publique. Avoir une victime enfant, va rendre les sévices d’autant plus inacceptables aux yeux de la population. »
Une fascination entretenue par les médias
La curiosité naturelle de l’Homme pour les crimes morbides est d’ailleurs un filon largement exploité par le monde médiatique. Il y a bien sûr les œuvres de fiction, qui, d’un certain côté nous rassurent car elles sont montées de toute pièce, mais il existe aussi de plus en plus de livres, séries, films, bande-dessinées basés sur des true crimes et qui font davantage frissonner les foules. Fortes de leur succès, ces productions sur tous les supports témoignent bien d’une fascination toujours intacte et sûrement intemporelle.
Marjolaine Milon
Sources :
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