Le rire sur Internet 

« Lol », « mdr », « hahaha », emoji grand sourire et larmes aux yeux, gifs et mèmes : il existe de multiples façons d’exprimer son rire sur internet, tout comme il existe une multitude de contenus qui prêtent à le déclencher. 

Le langage de l’humour  2.0

Si les interjections, sigles et émoticônes comiques n’ont pas attendu leur création en 1989 pour être utilisés dans les textos, il semble néanmoins que le Web soit bel et bien le point de départ de nombreuses modes du langage humoristique. L’expression « lol » en est l’exemple même. Acronyme de l’expression anglaise laughing out loud , littéralement rire à haute voix, elle serait née dans la newsletter (messagerie d’informations en ligne)  Fido News. C’est du moins là que l’on a recensé la première apparition du mot. Son utilisation est ensuite devenue virale sur les nombreux sites populaires des débuts d’Internet tel que le forum de messagerie MSN (Microsoft Network), très en vogue chez les adolescents à cette période. Peu après, on voit  apparaître son pendant français « mdr » pour « mort de rire », qui s’est également diffusé sur les nombreuses sphères de la toile. Devenues très répandues,  ces expressions ont même obtenu leur place dans le dictionnaire du Petit Robert en 2013. Aujourd’hui, c’est plutôt l’interjection « haha » qui revient dans la plupart des discussions en ligne, comme si on voulait revenir à un style plus littéraire, ou plus naturel.

Internet, ce n’est pas que la source de nouvelles expressions à la mode, c’est aussi l’avènement du visuel, de l’image et l’humour virtuel en a forcément été impacté. Le fait qu’il soit devenu possible d’illustrer ses blagues a eu pour conséquence de pouvoir retranscrire la subjectivité, qui, audible à l’oral, est effacée par le silence du texte. De là sont nées les émoticônes, inventées en 1982 par le chercheur en informatique Scott Fahlamn, dans le but de différencier ce qui relevait du contenu sérieux ou plus léger. Bien que déjà existant dans les SMS, ils sont devenus une marque de l’expression du rire sur Internet. 

Quelques années plus tard est apparue leur descendance au Japon, les emojis. Présents sur tous les claviers de smartphones et chaque application de messagerie connectée, 6 milliards y seraient échangés chaque jour selon une étude de SwiftKey, un clavier  développé par Microsoft et fonctionnant avec intelligence artificielle. Il en existe une multitude pour exprimer différents degrés de rire, du plus léger au plus exalté. Toujours d’après cette étude, ce serait le modèle éclatant de rire qui est le plus envoyé par les Français. Le goût prononcé de cette population pour les blagues vaudrait donc autant en ligne. 

En tout cas, le summum de l’expressivité de l’humour 2.0, c’est le gif. Revenu à la mode ces dernières années, ce format d’images animées d’une ou deux secondes a la particularité d’illustrer le rire par la forme la plus vivante et déclinable qu’il soit. Trente ans après son invention par Steve Wilhite, les créations se sont multipliées. Souvent confondus avec les mèmes, il est défini, par le dictionnaire Larousse, comme un «concept massivement repris, décliné et détourné sur Internet de manière souvent parodique, se répandant très vite et créant ainsi le buzz». Véritables phénomènes culturels d’Internet, ils sont très employés pour illustrer les blagues. D’ailleurs, nombre de gifs sont fabriqués à partir d’eux.

Exemple de gifs comiques. Photo d’un clavier de téléphone WhatsApp, connecté à l’application Giphy 

Le contenu comique sur internet : un reflet du rire humain ? 

Que ce soit dans des échanges privés ou par des posts publics, le contenu comique est à la fois l’un des plus partagés et en même temps un véritable vecteur de buzz. Sur Tik Tok par exemple, l’influenceur qui compte le plus d’abonnés, 150 millions en 2022, est Khaby Lame, un jeune homme qui publie exclusivement des vidéos humoristiques. Au moment où sa carrière a décollé, celles qu’il publiait suivaient toutes le même schéma : une grimace bien à lui qu’il utilisait pour se moquer de vidéos incohérentes. Le format court et efficace de ses blagues lui a permis d’exploser le nombre de vues sur un réseau social où plus le contenu est concis et efficace, plus il en séduit l’algorithme. Ce qui n’est pas forcément le cas sur d’autres réseaux, où le rire tient pourtant une place prépondérante. Du côté de YouTube, on parlera davantage d’un « humour long-format », avec souvent le même modèle de longue vidéo sur un sujet donné et à partir de laquelle sont travaillées plusieurs blagues. C’est d’ailleurs la première plateforme de diffusion de one man show. Sur Twitter, les blagues fusent dans les posts de personnalités comme dans les sections commentaires d’anonymes. À noter que c’est surtout l’ironie, la satire et l’humour noir qui y trônent. Sur Snapchat, on rit majoritairement par un contact assez direct et instantané avec ses abonnés, en exposant sa vie ou celle des autres. Et la particularité d’Instagram, c’est d’être la plateforme de publication de reprise de contenus humoristiques des autres réseaux sociaux.

La connexion établie entre les différents internautes aux quatre coins de la planète pourrait d’ailleurs permettre de considérer qu’il existe un type d’humour universel. Celui primaire, qui renverrait à l’instinct humain et qui serait perceptible à la popularité des contenus comiques viraux, avec toujours les mêmes sujets qui amusent. En première position, celui des chats, véritables muses d’Internet avec le phénomène des Lolcats (des images de chats accompagnées de légendes écrites dans un anglais enfantin, se rapprochant du langage SMS). Vient en seconde place la catégorie des gags de bébés et enfants, très partagés quand cela concerne leur maladresse. Si certains peuvent trouver déplacé d’en rire, sachez qu’il existe un compte Instagram avec plus de 4,3 millions d’abonnés, @Kidsgettinghurt, qui base tout son contenu sur des vidéos de chutes et de blessures d’enfants. 

Il faut dire que la limite est mince, voire inexistante entre ce qui relève de l’humour osé et de l’humour indécent dans certaines sphères du web. Certains internautes ont d’ailleurs beaucoup joué la carte du rire pour faire passer leurs idées ou comportements incorrects. On se souvient du phénomène des  trolls , à son apogée dans les années 2010, qui consiste à jouer sur le manque de second degré d’autres utilisateurs du net en publiant des messages erronés, provocateurs et souvent insultants que ces derniers prendraient au premier degré. Cela peut aussi consister à détourner des discussions, en détruisant la conversation et en en créant une nouvelle. Et ce, toujours dans le but de parasiter les interactions entre internautes.

Le rire connecté : un rire instantané ? 

La spécificité d’Internet est d’avoir permis l’accélération des échanges. Ainsi, les utilisateurs du web peuvent maintenant envoyer plus de blagues, toujours plus rapidement. Ce qui explique pourquoi l’humour 2.0 se soit adapté à la brièveté des communications et du contenu. La websérie comique Bref maîtrisait ces enjeux, ce qui pourrait être l’une des raisons du grand succès qu’elle a engendré. Produite en 2010,  cette série de courts épisodes était caractérisée par un montage rapide, un rythme à cadence accélérée et des gags successifs. 

On pourrait évoquer une nouvelle fois les mèmes, qui sont de véritables objets de mode éphémères. Dès que l’un d’entre eux devient viral, il est réutilisé et partagé à très grande échelle pour être ensuite rapidement délaissé. Si leur buzz devait avoir une espérance de vie, elle ne dépasserait probablement pas les quelques jours suivant la date de leur première publication. De fait, la plupart des mèmes les plus populaires sont issus d’images d’actualité, ce qui pourrait expliquer pourquoi  l’un succède à un autre à la vitesse de l’éclair depuis des années. 

Aujourd’hui, même à distance, il est devenu possible de rire « en direct » depuis que la fonction live a été intégrée à toutes les plateformes. Sur les réseaux sociaux comme Instagram, les influenceurs humoristes en organisent régulièrement sur leurs comptes. Une manière efficace d’entretenir et d’agrandir leur public, tout en interagissant avec eux. 

En soi, le rire est une ressource infinie dans cette vaste banque de données au contenu illimité qu’est Internet. Au fil des années passées sur la toile, il ne cesse de se renouveler, que ça  soit dans le langage connecté ou bien dans l’adaptation aux plateformes sur lesquelles il est partagé, avec la particularité de rendre plus humain un monde virtuel qui, lui, l’est moins. 

Alix Delmotte

Sources : 

https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2014/05/26/32001-20140526ARTFIG00170-l-expression-lol-aurait-25-ans.php

https://www.lesechos.fr/2017/05/pour-ses-30-ans-le-gif-na-jamais-ete-aussi-populaire-169290

https://www.blogdumoderateur.com/emoji-definition-histoire-usages/

https://www.lesinrocks.com/actu/petite-histoire-du-meme-pour-les-nuls-et-les-autres-305865-01-02-2021/

https://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/05/01/le-meme-ou-l-art-du-detournement-humoristique-sur-internet_1693705_651865.html

https://rotek.fr/pratique-troll-internet-pourquoi-troller/

https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2014/05/26/32001-20140526ARTFIG00170-l-expression-lol-aurait-25-ans.php

https://cursus.edu/fr/8540/lhumour-sur-le-web-ou-la-culture-de-linstant

Images :

  • Couverture : © Photo de Andrea Piacquadio sur Pexels
  • Article : Capture d’écran d’un clavier de téléphone WhatsApp, connecté à l’application Giphy 

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