Quisling : Le traître norvégien

Vidkun Quisling est un personnage important dans l’histoire de la Norvège. Fasciste notoire, il est arrivé au pouvoir pendant la Seconde Guerre Mondiale en collaborant avec l’Allemagne nazie. Mais c’est aussi un des personnages les plus détestés du pays, à tel point que son nom est devenu synonyme de « traître ».

Nous sommes le 9 avril 1940. Aux premières lueurs de l’aube, l’armée allemande envahit la Norvège et prend rapidement la capitale, Oslo. Le soir, alors que le gouvernement et le roi sont en fuite, un homme sort de l’ombre et prend la parole à la radio nationale. Soutenu par l’Allemagne nazie, il annonce un coup d’Etat. Cet homme est Vidkun Quisling. Dès lors, il s’impose comme l’un des principaux acteurs de la période noire de la Norvège : celle de l’occupation et de la collaboration.

Une évolution progressive vers le fascisme

Vidkun Abraham Quisling naît en 1887 dans une famille de pasteurs. Il passe son enfance dans le Telemark, une région sauvage dans le Sud de la Norvège. Animé par son amour de la patrie, le jeune homme suit une formation militaire et entre à l’état-major norvégien. Il est envoyé en 1918 en Russie, alors en pleine guerre civile. Il y fait la connaissance de Léon Trotski et se montre attiré par l’aspect révolutionnaire du communisme. Dans les années 1920, Quisling rencontre aussi l’explorateur norvégien Fridtjof Nansen, avec lequel il participe à des actions humanitaires en faveur des réfugiés de guerre.

Jusque-là, rien ne prédestinait donc le jeune Quisling à l’avenir qui a ensuite été le sien. Mais tout change lorsqu’il se tourne vers la politique. A partir de 1930, Quisling s’engage au sein du parti agrarien, une formation de centre-droit. Il est nommé ministre de la Guerre dès 1932 et profite de sa fonction pour essayer, sans succès, de décrédibiliser le parti ouvrier norvégien. Déçu par son expérience au gouvernement, Quisling crée alors son propre parti en mai 1933 : le Nasjonal Samling (NS). Pour l’anecdote, la traduction française de ce nom de parti est le « Rassemblement National ».

La formation politique de Quisling s’oriente rapidement vers le fascisme, une idéologie nationaliste en pleine expansion dans l’Europe des années 1930. Les partisans du NS revêtent des uniformes et arborent leur symbole : la croix d’Olaf. Quisling fait alors la promotion d’un fascisme norvégien, prônant la pureté de la race norvégienne et dénonçant à la fois le communisme et le capitalisme. Progressivement, il appelle aussi à la lutte contre les juifs et les étrangers. Ironie de l’histoire : Quisling, qui avait autrefois admiré Trotski et contribué aux politiques d’accueil humanitaire, s’en prend violemment au gouvernement norvégien lorsque celui-ci décide d’accueillir ce même Trotski, chassé d’URSS par Staline.

Du coup d’Etat à la collaboration passionnée avec l’Allemagne nazie

Cependant, le Nasjonal Samling reste un parti très minoritaire en Norvège. S’il possède une importante base militante, il ne remporte que de maigres scores lors des élections. C’est pourquoi, quand Quisling prend la parole à la radio le 9 avril 1940 pour annoncer sa prise de pouvoir, la surprise est totale. Alors que le pays est totalement désorganisé et qu’il pense avoir le soutien d’Hitler, Quisling estime que le moment est venu d’instaurer le fascisme en Norvège.

Pourtant, Quisling est destitué dès le 15 avril 1940 et le pays est administré par l’envahisseur allemand. Ce dernier craignait que des partis nationaux prennent trop d’importance dans les pays vaincus. Mais Quisling ne baisse pas les bras. Il montre son dévouement aux occupants et mène avec ses partisans une véritable chasse aux résistants norvégiens. Tant et si bien que les Allemands décident de lui confier de nouveau le pouvoir.

A partir de février 1942 et jusqu’en 1945, Quisling est alors à la tête de la Norvège. Son parti, le NS, est le seul autorisé dans le pays. Des milices assurent l’ordre et répriment toute opposition. Quisling se soumet totalement à l’Allemagne nazie, espérant faire de la Norvège un pays de premier plan dans l’ordre nouveau rêvé par les nazis. En réalité, même une fois au pouvoir, Quisling et son parti n’ont pas l’adhésion du peuple norvégien. Marionnette de l’Allemagne nazie, le régime de Quisling perd son autonomie au fur et à mesure que la résistance progresse dans le pays.

Libération, exécution et humiliation

Lors de la libération de la Norvège en mai 1945, c’est donc sans surprise que Quisling est renversé et emprisonné. Lors de son procès, il tente de se justifier en expliquant qu’il a agi au nom de l’intérêt de son pays. Rien n’y fait : la justice norvégienne le condamne à la peine de mort pour haute trahison. Aux premières heures du 24 octobre 1945, Vidkun Quisling est fusillé.

Pourtant, le nom de Quisling ne tombe pas dans les oubliettes de l’histoire. Au contraire, il symbolise le traumatisme vécu par la Norvège pendant la Seconde Guerre mondiale. Le pays a subi un « double totalitarisme », selon les mots de l’historien Pierre Milza : celui de l’occupation allemande et celui de la collaboration du gouvernement Quisling. Ce dernier reste alors dans les mémoires comme celui qui a trahi la Norvège en la livrant au fascisme.

Le traumatisme de l’ère Quisling fût si important que son nom est devenu une insulte dans plusieurs langues. Dès juin 1940, le dirigeant britannique Winston Churchill appelait à lutter contre la « race infâme de Quisling ». Après la guerre, en Norvège et dans d’autres pays, l’expression « être un Quisling » s’est mise à signifier être un traître . En anglais, le verbe  to quisle  peut même prendre le sens de « trahir ». Presque quatre-vingt ans après sa mort, Vidkun Quisling continue donc d’être poursuivi par un tribunal bien particulier : celui de la linguistique.

 Esteban Grépinet

Sources :

  • Eric EYDOUX, Le chemin de la trahison. La Norvège à l’heure de Quisling, 2018
  • Pierre Milza, Les fascismes, 1985
  • Pierre Milza et Serge Berstein, Dictionnaire historique des fascismes et du nazisme, 2010
  • Wikipédia

Couverture : ©Vidkun Quisling s’exprimant à la radio norvégienne en avril 1940, domaine public

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