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L’œuvre de Johan Christian Dahl, prémices du romantisme national norvégien

L’histoire des nations scandinaves est riche d’unifications, alliances éphémères et rébellions. L’esprit d’émancipation national marque nettement les pratiques artistiques. Nous proposons ici la lecture, à la lumière du contexte historique norvégien, les marques primitives du mouvement romantisme national dans l’oeuvre de Johan Christian Dahl.

La Norvège, les Unions et l’Indépendance…

En 1319, Håkon V, roi de Norvège, meurt sans héritier. C’est le roi de Suède Magnus IV qui hérite du royaume norvégien. Son fils Håkon VI hérite de cette couronne double jusqu’à ce qu’il meure en 1380. C’est alors sa femme Marguerite Ire qui garde le pouvoir sur les royaumes du Danemark et de la Norvège, ainsi que sur celui de la Suède à partir de 1389. Cette triple union scandinave est d’abord provisoire, invoquée par exemple comme une organisation nécessaire face aux terribles ravages de la peste noire, avant d’être officialisée en 1397 sous le nom d’Union de Kalmar. Cependant, en plaçant un roi unique à la tête de trois systèmes législatifs différents, elle restera une alliance instable jusqu’à sa dissolution en 1523, avec le départ de la Suède. À défaut d’avoir obtenu un royaume uni et fonctionnel, cette union aura fortement consolidé les liens entre la Norvège et le Danemark. En effet en 1450, au vu des difficultés à pérenniser l’Union de Kalmar, les deux royaumes signent un traité pour une union plus étroite encore. C’est une alliance déséquilibrée : sans perdre son statut de royaume, la Norvège prend peu à peu l’importance d’une province intégrée au royaume du Danemark, soumise à l’administration de ce dernier. Cela entraîne une fuite de cerveaux norvégiens allant étudier à Copenhague, qui peuvent ainsi réaliser leurs carrières au Danemark.

La culture norvégienne reste alors portée par les travailleurs ruraux, paysans et agriculteurs. Ce riche patrimoine culturel de la campagne norvégienne se développe jusqu’au XIXe siècle. En mai 1814, la Norvège prend son indépendance… avant de ne conserver qu’une indépendance partielle après s’être unie à la Suède. Cela confère à la Norvège une relative réaffirmation de ses positions politiques. Combinée à la menace de la vie rurale par le développement des régions urbaines, celle-ci suscite une volonté de conservation du patrimoine norvégien et des richesses de cette culture si longuement entretenue. Cette volonté s’exprime en un mouvement idéologique, culturel et artistique : le romantisme national norvégien (ou Nasjonalromantikken). Il se donne la tâche de conserver et mettre en valeur l’unicité de l’identité nationale norvégienne par sa culture, ses langues et chansons dialectales, ses compositeurs, ses auteurs, et par l’esthétique unique de la nature norvégienne.

Le romantisme national est un mouvement qui se diffuse dans l’Europe plus largement, par tous les arts et à travers de nombreuses disciplines. Nous nous concentrerons ici sur son essor norvégien, et précisément sur ses prémices foisonnant dans l’œuvre de Dahl.

Johan Christian Dahl

Dahl naît à Bergen en 1788. Fils de pêcheur modeste, il est d’abord éduqué pour devenir prêtre. Ses compétences artistiques précoces le distinguent et en 1803, le peintre Müller le prend en formation pendant six ans. Dans son atelier il y peint entre autres cette Vue du port d’Engen en 1806, témoin de son style naïf encore ébauché et de l’importance qu’il place dans les détails et personnages. La Norvège n’ayant pas d’École des Beaux-Arts, oblige Dahl à rejoindre, en 1811, celle de Copenhague pour trois ans. Il étudie là de nombreux peintres et se trouve fasciné par les paysagistes hollandais (Ruisdaël, ou Everdingen qui voyagea en Norvège). Il participe avec succès à plusieurs expositions danoises, et développe un goût prononcé pour la peinture de paysage (Château de Frederiksborg, 1814 ; Paysage de montagnes, avec cascade, château et un cavalier devant une cabane, 1817). Il décide alors de se consacrer à ce seul genre pictural, bien que dans la hiérarchie des genres il soit le plus bas, donc le moins rémunéré. Il s’efforce à rendre ces paysages vivants, puissants d’une force sensible par le spectateur. Ces scènes expriment parfois un dramatisme violent, comme cette éruption volcanique du Vésuve (1821), peinte sur le motif.

Après deux ans en Italie, Dahl rejoint l’Allemagne où il vivra le reste de ses jours. Il y devient professeur à l’académie des Beaux-Arts de Dresde, après être devenu ami du grand peintre romantique David Friedrich, avec qui il partage son logement. Malgré cet exil en Allemagne, Dahl s’efforcera toujours de revenir plusieurs fois en Norvège pour nourrir son inspiration et rafraîchir ses souvenirs. En effet, il tente d’établir une école norvégienne du paysage, peignant des scènes parfois de mémoire, mais toujours empreintes de cette sensation de force brute (Bouleau dans la tempête, 1849); avec la présence d’une nature grandiose et résistante à laquelle il rend hommage à travers de larges compositions (Dents de Troll, 1823), parfois avec un soupçon de mystère, la mention d’un équilibre naturel aux lois obscures (Port de Copenhague au clair de Lune, 1846, Vue de Dresde de nuit, 1839). Il ne laisse pas de place aux références mythologiques  et historiques, c’est là la nature seule.

Au-delà de l’exemple fait par l’ensemble de ses œuvres, Johan Christian Dahl fonda l’école norvégienne du paysage, initiant de nombreux artistes après lui à travailler à la représentation fidèle des riches panoramas de Norvège et de la relation symbiotique que l’on entretient avec l’environnement. Ainsi, bien que précédent de plusieurs décennies l’arrivée reconnue du romantisme nationaliste en Norvège, son œuvre en pose les premiers essentiels jalons et fait de lui l’un des peintres les plus influents de Scandinavie.

Et si l’envie vous prend de posséder l’une des peintures de Dahl, certaines sont accessibles à la vente comme ces deux petits tableaux de 11×7 centimètres (Soleil couchant sur Dresde, 1841 & La restauration du pont Augustus à Dresde, 1845), vôtres pour seulement… 160 000€.

Constantin Jallot

Sources : 

https://www.hisour.com/fr/national-romanticism-in-norway-12605/

https://snl.no/nasjonalromantikken

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nationalisme_romantique

https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Norv%C3%A8ge#Le_XIXe_si%C3%A8cle_(1814-1905)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_de_Kalmar

https://www.connaissancedesarts.com/arts-expositions/le-peintre-norvegien-johan-christian-dahl-en-vedette-romantique-bergen-11103648/

https://en.wikipedia.org/wiki/Johan_Christian_Dahl#CITEREFChisholm1911

https://art-landscape.blogspot.com/2010/01/johann-christian-dahl-1788-1857.html

https://nbl.snl.no/Johan_Christian_Dahl

https://web.archive.org/web/20071016204559/http://www.museumsnett.no/bergenkunstmuseum/vestlandet/viskunstner2.html?spr=no&id=3

https://useum.org/artwork/View-of-Engen-in-Bergen-Johan-Christian-Dahl-1806

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Johan_Christian_Dahl_-_Frederiksborg_Castle_-_NG.M.02928_-_National_Museum_of_Art,_Architecture_and_Design.jpg

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Johan_Christian_Claussen_Dahl_-_Mountain_landscape_with_waterfall,_castle_and_traveler_on_horseback_in_front_of_a_hut_(1816).jpg?uselang=fr

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Johan_Christian_Dahl,_eruption_du_V%C3%A9suve,_1824.JPG

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ICDahl,_Bjerk_i_storm.jpg?uselang=fr

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dahl_-_Copenhagen_Harbour_by_Moonlight.jpg?uselang=fr

https://artsandculture.google.com/asset/view-of-dresden-by-moonlight/QQG0t8oNcwu1Jw

https://www.artnet.com/artists/johan-christian-clausen-dahl/sunset-over-dresden-a-EPRWa0vd-ocbvEi4Vfhd5Q2

Images :

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