Médiamétrie est une société anonyme française créée en 1985, spécialisée dans la mesure d’audience et l’étude des usages des médias audiovisuels. La mesure d’audience de la télévision permet aux chaînes de télévision d’adapter et d’améliorer leur contenu à la demande du public, pour lui offrir un programme qu’il désire au lieu d’informer : il y a donc une orientation de la pensée ; ou à des fins de réputation pour écraser la concurrence et augmenter leurs chiffres d’affaires. De plus, ces mesures permettent de relever des informations pour évaluer les tarifs des publicités. L’essor de la mesure d’audience est lié au rapport des médias à l’argent. Le développement de la télévision crée des besoins de financement – coût des studios d’enregistrement et du matériel – : la redevance ne suffit plus, la publicité est donc indispensable. Les acteurs du monde concernés par ces relevés sont les annonceurs, des entreprises qui investissent et insèrent des annonces publicitaires dans les émissions les plus populaires pour se faire connaître ; les agences de presse, qui vendent aux médias l’information en fonction de la demande du téléspectateur ; et, les professionnels de la télévision, qui utilisent ces relevés pour avoir un retour sur leur contenu et le perfectionner.
Le relevé hebdomadaire permet de relever la part d’audience, le pourcentage des personnes ayant visionné une chaîne, dans la durée d’écoute totale de la semaine, pour savoir laquelle est la plus regardée. D’après le relevé de la semaine 6 (2021), la chaîne TF1 est la plus regardée avec 19,2% de part d’audience (PDA), elle est suivie de France 2 (14,8%), de M6 (9,6%) et de France 3 (9,0%). Les chaînes les plus visionnées sont en général les plus anciennes chaînes de télévision sauf pour M6, une plus jeune chaîne qui, par sa dominance musicale (clips vidéo, concerts, magazines musicaux), explique sa grande part d’audience et sa tendance actuelle. On remarque que deux des quatre chaînes sont privées, une privatisation qui pousse à la concurrence avec les autres chaînes : c’est le début de la course à l’audimat.
La paléo-télévision se transforme en néo-télévision : on passe de la formation à la convivialité. Le centre se déplace, ce n’est plus le présentateur l’élément central mais le téléspectateur, qu’il soit devant son poste ou qu’il participe au programme. La paléo-télévision avait un objectif pédagogique, c’est-à-dire que son but était de rendre compte du monde extérieur de façon didactique tandis que la néo-télévision a pour référent la vie quotidienne (le programme s’adapte au fil de la journée et des horaires) et entre dans la vie intime (problèmes conjugaux, familiaux, complexes, etc.). D’un acte socialisant et socialisateur, la télévision est devenue individuelle et individualisatrice. Le contenu essentiellement informatif exprimé au moyen d’une communication verticale, fondé sur la hiérarchisation pyramidal (maître/élève) s’est transformé en un contenu essentiellement divertissant éructé à l’aide d’une communication horizontale (rapport convivial avec le téléspectateur bâti sur le partage et non l’apprentissage). Ce second âge de la télévision brouille les frontières entre la réalité et la fiction et donne une large place aux émissions de plateau (jeux, reality shows, etc.). Il s’agit désormais d’être au plus proche du téléspectateur. Auparavant, la télévision tournait autour du présentateur (il dictait le choix des sujets traités et la manière de les traiter) tandis qu’à présent la télévision tourne autour du téléspectateur (présences physique du téléspectateur ; style différent : langage familier, familiarité, tutoiement ; sujets intimes avec l’insertion – voire l’intronisation – de sujets taboues : sexe et argent ; espaces nouveaux : en extérieur, chez les gens ou dans la rue). La durée d’écoute – la moyenne du temps passée à l’écoute de la télévision – est de 4h09 soit une moyenne de 35 minutes par jour, la durée d’une seule émission. Cela correspond pourtant à la paléo-télévision : les individus allumaient et, étonnamment, allument encore la télévision pour regarder un seul programme.
Le relevé mensuel des émissions, quant à lui, permet de relever la part d’audience (%) des personnes ayant suivi une émission par rapport à l’audience globale des autres chaînes. Elle permet de savoir si l’émission est bonne par rapport à ses concurrentes sur les créneaux horaires. Dans ce relevé – comme dans le précédent -, la mesure d’audience est quantitative puisque les informations relevées sont les émissions par chaînes ayant eu le plus de téléspectateurs, ainsi que le taux moyen (%), la moyenne de la part d’audience pour une émission en particulier. À cause de la Médiamétrie et de la mesure d’audience régulière, on observe un triomphe de la mesure d’audience quantitative sur la mesure d’audience qualitative, ce qui provoque une négligence des programmes (types d’émissions récurrentes, sujets sensationnels qui ne le deviennent plus etc.).
La convivialité de la néo-télévision se dénote par des émissions de magazines comme « Quotidien » sur TMC, en première et deuxième place du classement de la chaîne, ou encore « Appel d’urgence », qui filme la traque des délinquants en direct sur TFX (premier également). L’élément central est le téléspectateur : il est le caméraman, au plus près de l’action. Cet âge de la télévision donne une large place aux émissions de plateau (Touche pas à mon poste, Top Chef, etc.), classées dans les premiers des émissions les plus regardées. La structure est devenue horizontale, la télévision a séduit le spectateur en se rapprochant de lui et cela marche très bien d’après ces relevés. Les individus, poussés par leur curiosité, veulent découvrir l’intimité des gens ou des choses cachées (sexe, argent) : thème du meurtre récurrent (fictionnel ou dans la réalité), magazines ou documentaires à sujets sensationnels ou d’actualité (Nous paysans, Faites entrer l’accusé, Mariages gitans). La télévision, en devenant indiscrète, attire le public : télévision de l’intimité, principe de la néo-télévision. En affichant publiquement la fréquentation d’un site internet, cela permet de montrer aux spectateurs la popularité du média et son positionnement, et donc d’influencer sa réflexion : les personnes crédules, facile à duper, vont s’y intéresser davantage et délaisser ceux qui ont moins d’audience et qui ont sans doute un meilleur contenu, de qualité. La mise à dispositions de ces informations permet d’écraser la concurrence : TF1, France 2, France 3 et M6 écrasent leurs concurrents, et le classement ne change guère. La télévision ne sert plus à montrer le monde mais se montre uniquement elle-même. Le réel ordinaire n’intéresse pas le spectateur et la télévision, il faut de l’extraordinaire : il y a donc un mensonge et une négation du réel. La télévision insiste sur le rapport qu’elle entretient avec le téléspectateur. Par sa dynamisation et la saturation d’informations, elle ne laisse pas la possibilité à une pensée argumentée de se développer. La communication entre elle et le public est instantanée, et n’est donc pas vraiment réelle.
Mesurer l’audimat est indispensable pour les annonceurs, les agences de presse et les professionnels de la télévision puisque cela leur rapporte beaucoup d’argent. Cependant, l’audience ne mesure pas la qualité mais la quantité. Le panel n’est pas représentatif de la société et de la population entière : il faut avoir une attirance pour la télévision pour accepter le boîtier. De plus, cela ne concerne que 5000 foyers. Médiamétrie est utile pour départager les meilleures chaînes mais désavantageux pour les plus petites : ce n’est pas parce beaucoup de monde regarde une émission qu’ils aiment ; et vice-versa.
Jessy Lemesle
Couverture : © Image par Gerd Altmann de Pixabay