« Ensemble nous allons faire de l’Europe le premier continent neutre climatiquement », déclarait en avril dernier Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne.
Dans le cadre du plan climat, le Parlement européen a adopté le 18 avril 2023 la réforme du marché carbone ainsi que la « taxe carbone ». Le contexte d’une inflation grandissante avait soulevé le sujet sensible de l’extension de ce marché carbone au logement et au transport des particuliers. Huit mois plus tard, ces taxes au nom de la réduction sont-elles susceptibles d’atteindre les objectifs fixés par l’UE ?
Cette réforme du marché carbone avait pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre des vingt-sept États membres. La réforme avait également pour ambition d’accélérer le rythme de réduction des quotas proposés, avec d’ici 2030 une baisse de 62 % par rapport à 2005 – contre un objectif jusqu’alors fixé à 43 %. Les producteurs d’électricité et les industries énergivores se sont alors vus dans l’obligation d’acheter des « permis de polluer ». Cette réforme concernait jusque-là seulement les industriels, prélevés et forcés de diminuer leurs émissions autant que de taxer les importations polluantes avec la taxe carbone aux frontières. Les nouvelles mesures ont changé la donne : les foyers paient désormais le prix de leur CO2.
Toutefois, la mise en pratique de cette taxation reste nuancée puisqu’elle touche aux porte-monnaie de micro-entreprises ou encore de ménages modestes. Cette impression de sanction pour l’accès à des besoins aussi indispensables que le chauffage avait alors soulevé une controverse.
La Commission avait promis la mise en place d’un fonds social pour ces catégories de population de 86 milliards d’euros d’ici 2026. Selon l’eurodéputée française Manon Aubry, ce fonds social « ne compensera pas tout » l’impact de l’extension du marché carbone aux particuliers. Elle ajoute que « rien n’a été appris des “gilets jaunes” ».
C’est précisément cet angle mort de la réforme qui est critiqué. Les Français sont au cœur de crises politiques, sociales et démocratiques. L’adoption d’une politique punitive financière à l’échelle individuelle des citoyens contribue à ce sentiment d’injustice accentué par des phénomènes, tels que l’éco-anxiété. Cette incompréhension se manifeste dans les discours et souligne la contradiction des gouvernements des grandes puissances européennes, qui ne facilitent pas l’accessibilité des alternatives écologiques, sur le transport par exemple, tout en autorisant et finançant les comportements les plus polluants des classes dirigeantes.
Reste à voir si cette bataille écologique et financière sera à l’image d’un défi relevé sans accroître les inégalités ou d’une promesse vaine, à l’instar d’une COP28 à Dubaï, ville-archétype de ces divergences économiques et écologiques.
Louhane Neau