À Montmorillon, la Maison Rannou-Métivier ne désemplit pas. La raison d’un tel succès ? Une spécialité très appréciée…
Les yeux pétillants, Anne-Claire tire sur le ruban. À l’intérieur de la boîte rose, le trésor : douze petits dômes dorés craquelés. Alignés sur leur feuille de cuisson, ils n’attendent que d’être dégustés. La petite avance sa main potelée, en décolle un doucement, puis ferme les yeux un instant. Ça croustille. Il ne reste plus qu’une trace ronde caramélisée sur le papier. « Ch’est trop bon » soupire-t-elle, la bouche encore pleine d’amande. Dans la Vienne, le macaron de Montmorillon, c’est une institution.
Le macaron originel
Né au Moyen-Orient, ce petit gâteau à base de blanc d’œuf, de sucre et d’amande, s’implante au XIVe siècle en Italie sous le nom de « maccherone », avant d’être introduit en France par Catherine de Médicis. Progressivement, le macaron se fait un nom. De Saint-Jean-de-Luz à Amiens, sept régions se l’approprient. Mais attention : ces macarons-là n’ont rien à voir avec les macarons Dalloyau, colorés, avec deux coques et une ganache parfumée, vendus chez Picard ou chez LaDurée. Ces derniers ne sont apparus qu’au XIXe siècle, soit bien après le macaron originel.
Le macaron de Montmorillon est l’un des sept « macarons d’époque ». Sa recette, tenue secrète, est exclusivement détenue par la maison Rannou-Métivier. Si nous n’avons pas eu accès aux cuisines, lieu de fabrique de cette spécialité bien gardée, Yann Bertrand, directeur de l’enseigne, nous a ouvert les portes de son « musée du Macaron », qui revient aux origines de la maison. « L’histoire remonte au XIXe siècle, raconte-t-il. Mon arrière-grand-mère, Marie Métivier, était employée de la maison des Sœurs Chartier, connues pour leurs biscuits. N’ayant pas de descendants, elles lui ont confié la recette du macaron, que Marie a elle-même transmise à sa fille Madeleine. Avec son mari Rannou, ils ont ensuite créé la marque, et l’entreprise a pris de l’ampleur. » Ils sont cinq membres de la famille à y travailler aujourd’hui. « Il y a quelque chose d’ancré dans les gènes », murmure-t-il, un sourire aux lèvres. « Petits, à Noël, mes frères et moi allions toujours donner un coup de main en cuisine. » Il désigne une grosse seringue exposée. « Mon père mettait la pâte dedans et poussait sur son ventre pour former des petites boules en forme d’escargot sur le papier. Et ensuite, on enfournait ! » Aujourd’hui, évidemment, poursuit-il en déambulant au milieu des vieux fours et des photos d’époque, « tout est mécanisé ».
Une spécialité du terroir
Mais mécanisation ne signifie pas perte des traditions. L’enseigne, labellisée « entreprise du patrimoine vivant », met en avant un véritable « savoir-faire », qui repose sur des techniques traditionnelles attachées au département de la Vienne. « Chez nous, tout est fait ici, le jour même, puis distribué dans nos boutiques, explique fièrement Yann Bertrand. Il n’y a aucun conservateur, aucun colorant : tout est frais, rien n’est congelé. » C’est pour cela qu’il n’est pas possible d’en trouver au supermarché, ou même à Paris : c’est une sorte de macaron AOP.
« Ça fait partie du patrimoine », achève le directeur en retournant à la boutique. « Chez Rannou, on se fournit le plus possible localement, avec les meilleurs ingrédients, on a même planté nos propres amandiers au Maroc l’an dernier. » Il désigne les macarons au chocolat et les macarons aux marrons, tout juste mis à l’affiche pour Noël. La devise de la maison : tradition et innovation. « On crée de nouvelles saveurs et de nouvelles décorations pour chaque saison. Les gens aiment être rassurés, mais surpris aussi. En général, on vend 80
Et l’affaire tourne ! Le chiffre d’affaires a atteint les 5,5 millions d’euros en 2024. Avec huit boutiques réparties dans cinq villes différentes, l’entreprise ne cesse de croître. Les bénéfices ont permis à la maison de diversifier son offre : la biscuiterie est aussi devenue confiserie et chocolaterie. Mais la première source de revenus reste évidemment le macaron – le « nature » particulièrement. Il faut dire que c’est un peu le gâteau-doudou des Poitevins. « Qui sont nos meilleurs ambassadeurs ! » s’exclame le directeur en se dirigeant vers le comptoir. Cécile, trente ans, est en train d’en acheter deux boîtes. « C’est pour mes amis de Paris », explique-t-elle. « Je les ai fait tester une fois, et depuis, ils m’en demandent tout le temps ! » Elle rit. Cette année, Yann Bertrand a ouvert un service de livraison dans toute la France, pour les curieux, et les « expatriés nostalgiques de la maison ».
Laudine Storelli
Crédits photographiques : Laudine Storelli