Les couleurs du cinéma : du noir et blanc à la couleur

La genèse du cinéma en blanc et noir 

Au début du XXe siècle commence l’évolution du cinéma. Les matériaux d’enregistrement, encore à l’état rudimentaire, obligent à tourner les scènes en plein air, exigeant la lumière du jour à cause de la faible sensibilité des pellicules. Toute la production a lieu à l’extérieur, ou, lors des premiers studios, dans des verrières dont le décor scénique est composé de toiles peintes. Les premières créations sont caractérisées par une dynamique de contrastes entre le blanc et le noir et par la recherche de la représentation mécanique du réel. Le cinéma représente à cette époque un rêve humain qui remonte en arrière dans le temps comme l’énonce le critique cinématographique Noël Burch “le grand rêve Frankensteinien du XIXe siècle : la recréation de la vie, le triomphe symbolique sur la mort”. Le cinéma incarne le pouvoir de garder figé un instant, qui devient ainsi immuable. Cependant la progression des expériences cinématographiques montre l’inévitable écart entre l’image capturée par la machine et l’aperçu de l’œil humain. Par conséquent on voit l’abandon de la recherche représentative du réel et on se tourne vers la narration, qui se focalise sur les personnages et la scène.

A partir de 1915, grâce à l’éclairage artificiel il est enfin possible d’adapter manuellement la lumière selon l’effet désiré, maîtrisant la représentation scénique qui n’est plus influencée par l’imprévisible lumière solaire. On arrive ainsi à attribuer des enjeux symboliques aux scènes, qui exploitent les ombres et la lumière comme moyen communicatif. Les renvois sont issus du théâtre ou de la peinture académique religieuse et véhiculent un message au spectateur. 

La lumière ne se réduit plus à un simple moyen technique essentiel à la production d’images, mais exprime en potence l’intention du réalisateur, transcendant du plan matériel au plan intellectuel pour rejoindre le public. 

La révolution de la couleur 

Ce sont les années ‘30 du siècle dernier qui révolutionnent le cinéma, avec l’arrivée du son et de la couleur. La genèse de cette dernière remonte à l’invention des frères Lumière, en 1903, bien que d’autres eussent partiellement réussi la tâche quelques années auparavant, notamment avec la complexe technique de la trichromie.

La plaque Autochrome Lumière (commercialisée en 1907) a pour secret l’emploi de la fécule de pomme de terre colorée qui permet de capter et filtrer la lumière. L’œil, comme dans la peinture pointilliste, recompose les couleurs juxtaposées en contemplant la globalité de l’image. L’avantage de ce mécanisme réside aussi dans la production quasi-industrielle (jusqu’à 6000 plaques par jour) de photos à couleurs.  Cette invention a un succès immédiat et ne connaît de concurrence qu’à l’arrivée des procédés  couleurs  chimiques  trente  ans  plus  tard.  Ces derniers introduisent la pellicule (film), qui vient substituer la diapositive en verre, davantage fragile.

Vers la moitié des années 1930, c’est le Technicolor qui s’impose. Ce nouveau prodige technique présente au début une difficulté de maniabilité des machines et de distorsions chromatiques. Cependant, l’image, caractérisée par une importante charge dramatique des couleurs, véhicule une nouvelle expressivité qui contribue au succès du Technicolor. Pour cela, le message transmis par l’œuvre est lisible dans le choix chromatique, aspect qui est donc soigné tout particulièrement pendant la production. Le Technicolor est par la suite substitué par Eastmancolor aux alentours des années 1950, qui permet d’élargir la gamme de couleurs. Pourtant Eastmancolor présente des défauts de durabilité chromatique des pellicules, qui ont avec le temps viré à la couleur magenta – c’est le cas du film Taxi Driver (1976) de Martin Scorsese.

Aujourd’hui, les copies originales Technicolor font l’objet d’un intérêt croissant grâce à l’exceptionnel état de conservation des couleurs, pour les autres le problème se pose de plus en plus sur la meilleure façon de conserver et restaurer ces œuvres. L’importance de la préservation chromatique réside également dans la compréhension du côté symbolique pour le spectateur de l’époque. On revient donc au rôle clé du cinéma, non pas une simple représentation du réel mais une interprétation, une projection immatérielle visant à connecter le spectateur grâce à l’utilisation des images, des contrastes et des couleurs. 

Silvia Cavallini Campana 

Sources :

http://www.universalis-edu.com.accesdistant.sorbonne-universite.fr/encyclopedie/cinema-realisation-d-un-film-photographie-de-cinema/

http://www.universalis-edu.com.accesdistant.sorbonne-universite.fr/encyclopedie/couleurs-histoire-de-l-art/

https://www.institut-lumiere.org/musee/les-freres-lumiere-et-leurs-inventions/autochromes.html

https://www.scienceandmediamuseum.org.uk/objects-and-stories/history-colour-photography#:~:text=The%20first%20processes%20for%20colour,as%20’additive’%20colour%20processes.

https://www.cinematheque.fr/article/760.html

https://www.cairn.info/revue-1895-2018-2-page-163.htm

Image : ©Pixabay

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