Que reste-t-il de la célèbre Palmyre, ou du patrimoine de la vieille Alep après 7 ans de guerre ? C’est ce que l’exposition Cités Millénaires à l’Institut du Monde Arabe vous propose de découvrir jusqu’au 10 février 2019, au tarif de 6 € pour les 18-25 ans.
Quand la possibilité vous est donnée de plonger dans les paysages actuels de Mossoul, Alep, Leptis Magna et Palmyre depuis Paris, il ne faut pas y réfléchir à deux fois. Projeté sur de nombreux écrans géants, le travail d’Iconem, startup œuvrant à la numérisation des sites menacés, vous offre en effet une immersion dans ce patrimoine meurtri du monde arabe. Il ne faut cependant pas vous attendre à des reconstitutions, mais plutôt à des restitutions de lieux marqués de leurs cicatrices et blessures, avec seulement quelques lignes esquissant leur ancien profil, comme les fantômes d’une époque maintenant révolue. Car comme le souligne l’exposition, ces dernières destructions font autant partie de l’histoire du lieu que leurs milliers d’années d’existence : leur reconstruction physique, pour les plus abîmés, perd alors tout son sens. La numérisation permet elle, sans mensonge historique, de comprendre l’ampleur qu’ils ont un jour pu avoir.
À la fin de l’exposition, on vous propose même, grâce à l’association d’Iconem et d’Ubisoft, d’enfiler des casques de réalité virtuelle pour une expérience encore plus immersive.
Complétant ces numérisations, des images d’archives ainsi que des témoignages d’habitants ou de professionnels ayant œuvré à leur protection permettent de rendre un hommage plus juste à ces sites meurtris. L’exposition met ainsi en évidence que le plus grand danger serait d’oublier le patrimoine immatériel attaché à ces lieux, un pan de culture vivante finalement plus fragile que les constructions humaines. Le souk al-Zarb d’Alep en est le plus parfait exemple : c’est avec le contraste entre l’animation humaine d’anciennes photographies et la désolation des images virtuelles que l’on comprend à quel point ces sites n’ont que peu de sens sans leurs habitants. L’hommage émouvant rendu à la multiconfessionnelle Mossoul et à la diversité de sa population permet, lui, de prendre le contre-pied d’une idéologie qui aurait voulu l’anéantir, et cela aussi efficacement qu’en préservant la mémoire de lieux qu’elle a pu saccager.
Finalement, c’est peut-être un ancien habitant d’Alep qui nous livre la leçon à tirer de l’exposition : croyant la citadelle de sa ville éternelle, il n’avait jamais pris la peine de la visiter, et, dans ses regrets, nous conseille de ne pas rester étranger de notre propre patrimoine.
Juliette TESTAS
Illustration : Institut du Monde Arabe