L’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais une source qu’on laisse jaillir.
Maria Montessori
Aujourd’hui, il existe de nombreux systèmes alternatifs dans l’éducation, qui, ayant chacun leurs valeurs et ambiances, ont tous comme point commun de placer l’enfant au coeur de leur enseignement. Steiner, Montessori, Freinet, Decroly font partie du mouvement de l’École Nouvelle qui apparaît en Europe au début des années 20 en réaction à une école où l’enfant apprend en étant cloué sur une chaise…
Avec des pédagogies différentes à celles des écoles classiques, les écoles alternatives ont aujourd’hui le vent en poupe, principalement de part leur caractère bienveillant et respectueux de l’enfant et de son rythme de travail.
Alma Mater est parti à la rencontre de Geneviève Devinat, ancienne directrice d’une école Montessori à Paris, et dans ce milieu depuis 40 ans.
Tout d’abord, que signifie « Montessori » ?
« Montessori » provient du nom d’une femme, Maria Montessori, née à la fin du 19ème siècle. Elle est, à 26 ans, la première femme médecin en Italie. En avance sur son temps, c’est une féministe chevronnée, militant pour le droit des femmes, luttant pour le droit des enfants et nominée plusieurs fois pour le prix nobel de la Paix. Sa formation en biologie, en psychiatrie et en anthropologie la font devenir une conférencière de renommée internationale.
Une première expérience avec des enfants déficients mentaux lui font comprendre que le problème de ces enfants n’est pas d’ordre médical mais d’ordre pédagogique. Elle s’inspire alors du travail de deux médecins français, Itard et Seguin, pour mettre au point une pédagogie scientifique, à travers laquelle les enfants apprennent en expérimentant. Par une observation minutieuse de l’enfant, elle comprend l’importance du mouvement et du développement sensoriel pour la construction de l’intelligence.
Quelle est la pédagogie de l’école Montessori, en quoi se démarque-t-elle de l’enseignement habituel ?
La pédagogie Montessori envisage l’éducation comme « une aide à la vie ». Bien plus qu’une méthode, c’est une philosophie de vie. Elle se démarque de la pédagogie actuelle dans la mesure où Maria Montessori a mis l’enfant au centre de sa pédagogie. L’environnement y joue un rôle fondamental car l’enfant apprend en absorbant. Ordonnée, esthétique, structurée, riche en informations (langage, mathématiques, géographie, biologie, exercices sensoriels, vie pratique, activités artistiques), « l’ambiance préparée » par l’adulte va permettre à l’enfant de puiser tout ce qui est nécessaire à son développement. L’enfant est libre de choisir son activité, de s’auto-corriger lui même, et de répéter son travail autant de fois qu’il le souhaite .
Pas de bureau pour la maîtresse ; les enfants travaillent aussi bien sur des tapis par terre que sur des petites tables. Ils sont libres de se mouvoir comme ils le souhaitent. C’est un travail individualisé, c’est à dire que tout le monde ne fait pas la même chose en même temps, chacun travaille à son rythme.
De plus, il y a trois niveaux d’études dans une même classe. C’est à dire qu’il y a des classes de 3 à 6 ans, 6 à 9 ans, 9 à 12 ans etc… Les grands aident les petits, et les petits voient et sont stimulés par les grands. Il n’y a pas de compétition mais il y a beaucoup d’entraide et de coopération !
Avez-vous des exemples concrets ?
L’école Montessori est très structurée et a un matériel pédagogique qui est très particulier, qui va aller du concret à l’abstrait. La pédagogie utilise énormément le travail sur les sens, Maria Montessori a codifié tout un travail qui va permettre à l’enfant d’apprendre à travers son corps. Par exemple, pour apprendre à lire et à écrire, les enfants utilisent des petites tablettes en bois dans lesquelles sont collées des lettres en papier rugueux. L’enfant va mettre des doigts sur la lettre et suivre son contour, puis va le dire à voix haute. Il la touche, il la dit et il la voit : ces trois choses en même temps font qu’il la mémorise très bien car tous les sens sont stimulés en même temps. Tout ce travail sur les sens est très codifié. Le but est également que l’enfant prenne du plaisir à apprendre. Il va apprendre tout seul, en se corrigeant tout seul, sans le jugement de l’adulte.
De plus, les enseignants responsabilisent beaucoup les enfants. Par exemple, les petits au jardin d’enfants vont boire dans un verre en verre, et si le verre se casse, l’enfant apprend alors que le verre se casse.
Quels aspects de l’école promeut Montessori ?
Montessori promeut l’indépendance et l’autonomie. Il y a une petite phrase qui résume très bien la pédagogie Montessori qui est : « aide moi à faire seul ». L’enseignant est là pour accompagner et diriger, mais il n’est pas là pour apprendre.
Maria Montessori a dit : « l’enfant n’est pas un vase que l’on rempli, mais une source qu’on laisse jaillir ».
Quelle est son point fort ? Point faible ?
Le point fort du système Montessori est que cela fait des enfants extrêmement curieux de la vie, très bien dans leur peau, à l’aise partout et ayant une vraie joie de la découverte.
Son point faible : mise à part quelques écoles qui sont agréées par l’état, la plupart des écoles montessori sont des écoles privées. La scolarité y est donc payante… par conséquent réservée à une élite. C’est complètement à l’inverse de ce que voulait Maria Montessori, car elle a commencé à travailler avec des enfants dans les zones les plus défavorisées de la capitale italienne. Heureusement, certaines écoles publiques tentent l’expérience montessorienne aujourd’hui !
En tant qu’ancienne directrice de Montessori, quel est pour vous les principes et valeurs de l’école ?
Le respect de l’enfant et de son rythme sont les valeurs portées par Montessori. C’est une vraie philosophie de vie et façon de vivre au quotidien. Beaucoup de liberté est laissée à l’enfant, mais le tout dans un environnement très ordonné. L’enfant veut tout ce qu’il fait, mais ne fait pas tout ce qu’il veut.
L’harmonie entre l’éducation à l’école et à la maison me semble fondamentale. S’il y a une certaine liberté à l’école, mais que l’enfant est trop couvé à la maison, cela va à l’encontre de la pédagogie Montessori et de ce qui est enseigné à l’école. Il faut trouver le juste équilibre.
Quelle est la journée type d’un élève à l’école ?
La journée type d’un élève dépend bien évidemment de son niveau. Concernant le jardin d’enfant (3-6 ans), le matin a lieu un moment de rassemblement, de convivialité, et de parole, avec éventuellement une petite leçon sur un thème particulier. Ensuite, chacun travaille individuellement. A midi, il y a un autre moment de rassemblement, où ce sont les enfants qui se servent à manger et qui font la vaisselle. Ils sont également en charge de nettoyer la classe : ils sont très autonomes ! Ensuite, il y a un moment de travail, individuel ou collectif en fonction des écoles. Concernant l’élémentaire : les enfants ont une liste de choses à faire pendant la journée, et ils choisissent quand et comment ils souhaitent les faire. Ils peuvent travailler en petit groupe ou en individuel, mais le travail doit être fait à la fin de la journée !
L’école Montessori va-t-elle jusqu’à l’équivalent de la terminale ?
Dans certains pays oui ! Au Canada et aux Etats-Unis il y a des écoles Montessori allant jusqu’au bac, mais en France, la seule école permettant cela se situe à Bailly (78), en Île-de-France. En général, les écoles Montessori en France vont du jardin d’enfant à la fin de l’élémentaire, il y a très peu de collèges et encore moins de lycées.
Quel est le but final de votre enseignement (ce que doivent savoir faire les enfants en quittant l’école à la fin de leur cursus) ?
A la fin de l’élémentaire, nous souhaitons aux enfants qu’ils soient heureux et bien dans leur peau, et surtout bien enracinés, et en même temps qu’ils aient des ailes ! Entre autre, les pieds sur terre mais également la tête dans les étoiles. Nous attendons d’eux qu’ils soient autonomes et curieux.
Propos recueillis par Oriane PIEDEVACHE–OPSOMER