Alors que nous nous décomptons joyeusement les jours qui nous séparent de la fin du mois, les parents, à la recherche de quoi satisfaire leur progéniture, écument péniblement les magasins de jouets. Pour beaucoup d’enfants, ces cadeaux deviendront des objets précieusement choyés et des outils servant de support à leurs rêveries. Le choix des jouets, dont l’impact écologique n’est plus à démontrer, n’est pas sans conséquences sur un être dont le cerveau est encore en formation.
Le père Noël, lui aussi, est touché par les questions de société.
Rose pour les filles, bleu pour les garçons ?
Le 24 septembre dernier, la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher signait une « Charte pour une représentation mixte des jouets » en compagnie d’industriels, de distributeurs et d’associations. Le but : en finir avec la répartition sexiste et genrée des ces objets, en incitant à des efforts à la source.
Mais quel est le problème avec des jouets que, souvent, les enfants réclament eux-mêmes ? Alimentant en effet des stéréotypes parfois déjà intégrés par ces derniers, ils créent un cercle vicieux dont il est difficile de sortir sans un changement de l’offre dans les magasins.
Dans un article de 2010, Mona Zegaï mettait en évidence les conséquences profondes que l’utilisation de jouets genrés peut avoir. Les filles, à travers les poupons, les dinettes, les costumes de princesse ou — pire — les appareils électroménagers miniatures, sont incitées à tenir leur futur rôle de femme d’intérieur, à l’instinct maternel développé et à la toilette toujours soignée. Les garçons quant à eux se voient attribuer, dans les pages des catalogues, des jouets se rapportant à l’aventure, à des métiers très variés incitant donc à l’imagination. Tout ceci appuyé par les couleurs rose ou bleue qu’il revêtent, de façon à ne pas se tromper de cible.
En enfermant les enfants dans une case, les jouets n’endossent ainsi pas leur rôle de stimulateur : ils n’encouragent pas les filles à envisager des carrières prestigieuses, ne les aident pas à se montrer ambitieuses. Influence contre-productive quand l’Institut de statistique de l’UNESCO considère, en 2016, que seules 27% des chercheurs en France étaient des femmes. Les conséquences peuvent être tout autant désastreuses pour les garçons, incités à s’éloigner le plus possible des jeux « féminins », qui pour eux, seraient néfastes et mettraient en danger leur identité.
Depuis quelques années, suite à cette prise de conscience, la situation évolue et les rayons genrés tendent à disparaître des magasins. Le jouet du futur, c’est celui qui s’adresse à tous les enfants… mais aussi celui qui n’assombrit pas leur avenir.
Pour l’amour du plastique
Au delà du problème éthique que pose sa fabrication, un jouet est souvent à lui tout seul un désastre écologique. La plupart du temps fabriqué à l’autre bout de la planète, son transport par des bateaux polluants est problématique avant même qu’il ne soit utilisé.
Une enquête réalisée dans les foyers Belges a récemment montré que 90% des jouets possédés par les enfants étaient en plastique, et que leurs durées de vie n’excédaient pour la plupart pas 6 mois. Face à la difficulté de tri pour ces objets à la composition particulière, mélangeant souvent du métal et différents plastiques, beaucoup ne sont pas recyclés et finissent leur parcours à la décharge (puis dans la nature). Sous l’impulsion du gouvernement français, une filière spécifique de recyclage verra le jour en 2021, financée par le biais d’une éco-contribution des acheteurs sur le jouet. Ces derniers se verront offrir la possibilité de retourner leurs jouets en magasin, une fois usés.
Mais quand on sait qu’une grande partie de ce plastique est actuellement expédiée vers les pays d’Asie du Sud-Est, on peut considérer que la collecte n’est pas la grande solution. Reste encore la seconde main, mais les vieux jouets en plastique — à la composition parfois dangereuse pour les enfants —, souvent abîmés, ne rencontrent que peu de succès dans les boutiques de revente.
Le choix d’un matériaux plus « noble » et plus solide à l’achat, comme le bois, le tissu ou le métal apparaît alors comme une alternative prometteuse dont les marques locales s’emparent de plus en plus.
À l’ère du plastique, les parents feront-ils passer Noël au XXIe siècle ?
Juliette TESTAS
sources :
- « La mise en scène de la différence des sexes dans les jouets et leurs espaces de commercialisation », Mona Zegaï, dans Cahiers du Genre 2010/2 (n° 49), pages 35 à 54
- « Les femmes en sciences », Fiche d’information No 51, Juin 2018
- EcoBirdy, 2018