Le vote à 16 ans : conférence de presse de Paula FORTEZA

Alma Mater a assisté à la conférence de presse donnée par Mme la députée Paula Forteza, porteuse du projet du vote à 16 ans devant l’assemblée. Le projet ne sera finalement pas débattu devant l’assemblée, Alma mater vous propose cependant d’en suivre les tenants et les aboutissants. La brève conférence s’adressait aux journalistes et associatifs jeunes. Après un exposé rappelant l’importance de ce projet et l’implication importante des différents organismes présents, les intervenants ont pu répondre à quelques questions. Nous avons ainsi pu nous adresser à Mme la députée Paula Forteza, porteuse du projet du vote à 16 ans. 

Alma Mater : Dans la pétition, vous évoquez le droit de vote à 16 ans dans d’autres pays d’Europe comme l’Ecosse ou l’Allemagne. Cependant, comment comparer des systèmes politiques différents où les jeunes sont éduqués démocratiquement dès l’âge de 11 ans? 

Paula Forteza : C’est une proposition qui est portée depuis plusieurs années. Ecologie Démocratie Solidarité (le groupe politique de Mme la députée) s’en fait aujourd’hui le porte parole pour la société civile. Cette proposition qui découle d’un moment favorable au débat. Face à une crise sanitaire qui a des implications sociales et économiques sur la « Génération Covid », les dettes qui pèseront sur cette génération, nous devons réfléchir au « Monde d’après ». Il ne doit pas être construit sans la parole de la jeunesse. Cette jeunesse a besoin de s’exprimer au cœur des institutions. Elle est de plus en plus mobilisée sur des sujets où seule la jeunesse interpelle les adultes qui sont aujourd’hui responsables. Tout est une question de confiance, de soutien et d’écoute. L’intérêt de la démarche du vote à 16 ans c’est de voir les jeunes s’exprimer de plus en plus et se faire une place au coeur de la démocratie. 

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Nous avons ensuite pu nous entretenir plus longuement avec le président de l’UNL, Mathieu Devlaminck, un jeune de 18 ans ayant mis ses études en pause pour se consacrer aux droits des lycéens. 

Alma Mater (AM) : Votre syndicat, L’Union Nationale Lycéenne, a réalisé en 2016 une consultation nationale lycéenne à propos du vote à 16 ans. Les lycéens se sont prononcés comme favorable à 62% cependant pensez vous que cette consultation soit une garantie d’un plein engagement de ces jeunes ? 

Mathieu Devlaminck (MD) : Il s’agissait en effet d’une consultation lycéenne, 57000 jeunes y avaient répondus. La question était “oui on serait pour le vote à 16 ans” ou “non”, c’était pour montrer la motivation des jeunes mais ça ne constitue pas une garantie de leur vote. 

AM : Aux élections présidentielles de 2017, la tranche d’âge des 18-24 ans s’est abstenue à 52%, pourquoi pensez-vous que les 16-18 ans s’impliqueraient plus ? 

MD : Les 18-24 ans qui n’ont pas votés en 2017 n’ont pas reçu les enseignements nécessaires à la sensibilisation du vote. Dans les lycées, la manière dont ces enseignements sur le vote et l’éducation civique et morale sont mis en place est très horizontale. Même dans les lycées où ces enseignements sont mis en place, il y a des inégalités en fonction des budgets propre à chaque établissement. A l’école aujourd’hui, on n’apprend pas à être un moteur dans la vie démocratique et dans la société. Mais c’est dès le lycée que les jeunes ont besoin de se sentir mobilisés et légitimes. 

AM : Le droit de vote à 16 ans serait donc un moteur démocratique ? 

MD : Bien sûr. Cela apporterait aux lycéens une légitimité à pouvoir faire valoir leur droits citoyens. Aujourd’hui, dans les établissements, ils ont du mal à revendiquer leur droit d’afficher et leur droit de réunion alors qu’ils ont bien plus de droit à revendiquer. L’Etat reconsidèrerait la place de la jeunesse dans la vie démocratique. 

AM : La pratique du vote est cependant mise en place dans les lycées à travers les Conseils de Vie Lycéenne (CVL) et les Maison Des Lycéens, qu’en dites-vous?

MD : Nous sommes pour une réforme de la démocratie lycéenne. Aujourd’hui, elle n’est pas directe. Typiquement, pour le Comité Social et Économique des lycées en France, le suffrage est doublement indirect. De plus, les élections des CVL ne sont pas mis en place de la même façon dans tous les lycées du territoire. Il faut une revalorisation du vote et de la place des élus étudiants. 

AM : C’est par ces élus étudiants au CVL que la pratique du vote et l’apprentissage du vote commence non ? 

MD : Pas vraiment, il n’y a pas de formation des élus, pas de suivi. Les élèves élus au CVL sont seulement élus et voilà, il doivent se débrouiller. Mais ils ont besoin de formation, d’apprentissage ! Quand on est au lycée, on ne nous donne pas les connaissances suffisantes pour voter et exercer ses mandats en pleine conscience. Il faut une formation au sens large, c’est à dire des professeurs, de l’administration et des élèves. Mais pour cela, il faut des moyens financiers. L’éducation ça passe aussi par du budget. 

AM : Vous parlez d’éduquer à la pratique du vote, à l’EMC et à la démocratie, cela ne s’appliquerait qu’à partir de 16 ans ? 

MD : À l’UNL nous n’agissons que sur les lycées. 16 ans, c’est la fin du cycle éducatif obligatoire. Nous pensons qu’alors, il doit être mis en place une “conduite accompagnée” comme le dit Mme la députée Forteza, une “citoyenneté accompagnée”. Il faut encadrer la formation de manière pratique et concrète et ça passe par une réforme lycéenne. Mais bien évidement, nous ne sommes pas fermés du tout à ce que cette formation soit faite le plus tôt possible. 

AM : Y-aurait-il d’autres outils pour porter ces formations et informations sur le vote à 16 ans, comme les réseaux sociaux par exemple ? 

MD : Je pense que la jeunesse d’aujourd’hui est très connectée et fait face à une masse d’information de qualité différente. Il faut aussi apprendre à incorporer ces informations et à faire le tri. Le système scolaire ne prépare pas suffisamment à l’éducation aux médias dans les lycées, je pense que la loi devrait suivre cette voie. Mais globalement les jeunes sont bien informés et actifs. C’est sur les réseaux sociaux que commencent de nombreux mouvements jeunes et lycéens comme par exemple celui du “Lundi 14 septembre” à propos des tenues vestimentaires. Les réseaux sociaux sont un lieu majeur d’engagement mais il est nécessaire que le service public d’éducation encadre et forme les jeunes à ces outils. 

AM : Lors de la conférence de presse, vous avez évoqué la Journée de Citoyenneté et le fait qu’elle devrait être repensée si le vote à 16 ans est acté, pouvez-vous préciser ? 

MD : Oui, la JDC se fait aujourd’hui vers 17 ans et à l’armée, puisque c’est à partir de 16 ans que l’on peut s’y engager. Nous pensons que le droit de vote à 16 ans doit s’accompagner d’une réforme de la JDC pour qu’elle se fasse plus tôt et surtout qu’elle se fasse à l’école, de façon plus pédagogique. C’est l’école le lieu de citoyenneté par excellence, c’est là où se crée la mixité sociale. Il faudra donc repenser le système éducatif dans son ensemble. 

AM : Enfin, une dernière question, s’agirait-il d’un droit de vote progressif, par échelon (municipale, régional …) ou un vote global à l’échelle nationale ? 

MD : Ce que propose la loi c’est le vote total, élections municipales, régionales, nationales… Ce serait donc partout et tout le temps, mais s’il faut trouver des compromis pour que la loi passe, nous ne sommes absolument pas fermé à procéder par étape et donc par échelons. 

Propos recueillis par Marthe LEPORI et Clémence VERFAILLIE-LEROUX

Illustratrice : Ariane TASSIN

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