La collaboration EHT revient à la charge pour la troisième année consécutive avec un succès fulgurant. Pour la première fois une cartographie de la matière en lumière polarisée a été dressée non loin du bord externe d’un trou noir.
La campagne d’observation de quatre jours réalisée en 2017 par l’Event Horizon Telescope (EHT), dans le domaine radio, a fourni une telle quantité de données qu’elles continuent d’être traitées aujourd’hui encore. Avec ces relevés, les astrophysiciens espèrent saisir la manière dont les trous noirs (TN) régulent l’engloutissement du gaz en périphérie et, pour certains d’entre eux, comprendre le mécanisme physique à l’origine de la production de puissants jets de plasma (i.e. le quatrième état de la matière vu comme une « soupe » d’électrons et d’ions).
M87* maintient son titre de miss univers aux yeux émerveillés des astronomes
Au centre de la galaxie M87, un TN supermassif appelé M87* s’y loge et se délecte activement de la plupart du gaz disponible à proximité. Toutefois, une partie du plasma parvient à s’échapper du destin funeste qui lui est réservé par l’ogre cosmique. Celle-ci se voit plutôt capturée par un énigmatique champ magnétique (champ B) présent dans le disque de matière entourant le TN (i.e. disque d’accrétion), avant d’être soufflée sur des distances vertigineuses sous la forme d’un geyser (c.f. Image 2).
Bien que la réponse au « comment » demeure incertaine, le champ B identifié à quelques pas astronomiques seulement de la frontière de non-retour du TN (i.e. horizon des événements), joue sans nul doute un rôle fondamental dans le processus d’émission de jets. La nouvelle image (c.f. Image 1) diffusée par la collaboration internationale montre que l’anneau de photons qui entoure M87* est fortement magnétisé. Après un examen approfondi, les conclusions tirées ont été communiquées à la communauté scientifique le 24 mars 2021, dans la revue The Astrophysical Journal Letters, dans deux articles distincts : le premier s’attarde sur la description de la polarisation de l’anneau lumineux, tandis que le second se concentre sur la structure du champ B près de l’horizon des événements.
Remonter au champ magnétique du trou noir grâce à la polarisation de la lumière
La lumière est une onde électromagnétique se composant donc simultanément d’un champ électrique et d’un champ B qui oscillent dans des directions perpendiculaires suivant un axe de propagation (c.f. Image 3). Par convention, la polarisation consiste en la direction de l’oscillation du champ électrique seul associé à la lumière étudiée.
Durant la propagation d’une lumière naturelle – comme celle émise par le Soleil ou une lampe à incandescence – la direction de son champ électrique varie généralement de façon aléatoire ; l’onde est alors qualifiée de non polarisée. Dans le cas où le champ électrique conserve a contrario une orientation constante dans le plan perpendiculaire à sa direction de propagation, la vibration lumineuse est alors qualifiée de polarisée.
En particulier, la lumière émise depuis des régions chaudes et magnétisées comme au niveau de M87* est alors polarisée. Or les lois de la physique nous informent que la composante champ électrique d’une onde lumineuse est influencée par la direction et l’intensité du champ B environnant. Par conséquent, le signal dit polarisé venant du cœur de la galaxie M87, capté par les radiotélescopes combinés sur Terre, permet d’estimer l’allure des lignes de champ B.
Le fruit d’un travail minutieux et d’une patience exemplaire
Deux années après le dévoilement visuel de M87*, l’analyse démontre que le champ B aux abords s’avère suffisamment puissant pour, en effet, repousser une partie du gaz chaud et donc l’aider à contrer l’attraction gravitationnelle de la source compacte. À l’issue des comparaisons entre les simulations théoriques et la structure polarisée résolue par l’EHT, les chercheurs ont déduit que l’intensité du champ B vaut entre 1 et 30