Il y a dix ou quinze ans, lorsqu’enfant vous partiez en vacances, vous souvenez-vous de l’état du pare-brise de vos parents ? Il était, à l’arrivée, constellé de petits moucherons et d’insectes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Et bien vous pourrez en faire l’expérience lors de votre prochain long trajet : il sera immaculé ou presque. Dans ce cas, que s’est-il passé ? Les insectes ont-ils simplement appris à se méfier des axes routiers ? Il est bien plus probable qu’ils soient juste beaucoup moins nombreux et cela n’annonce rien de bon.
Cet « effet pare-brise » n’est qu’une preuve empirique d’un phénomène qui est, en réalité, alarmant. Selon l’étude de la Krefeld Entomological Society, publiée en 2017, sur l’état de l’entomofaune (la partie de la faune constituée par les insectes et les arthropodes), il y aurait eu un déclin de 76 % de la biomasse d’insectes volants entre 1989 et 2016.
Pourtant, des insectes dépendent notre mode de vie, nos productions agricoles, le bon fonctionnement de notre environnement, en ville comme à la campagne. Ce sont eux qui pollinisent les cultures, qui aèrent le sol, qui permettent la dégradation des litières tombées au sol, ils sont aussi les premiers maillons de la chaîne alimentaire… Ils constituent l’essentiel de la biodiversité – d’ailleurs saviez-vous qu’il y aurait sur Terre 20 millions de milliards de fourmis ? Cela représente 2,5 millions de fourmis pour chaque être humain. -. Bref, sans eux, pas d’écosystèmes.
Dave Goulson, spécialiste de l’écologie des pollinisateurs et auteur de Terre silencieuse. Empêcher l’extinction des insectes, paru aux Editions du Rouergue le 8 février 2023, indique qu’il pourrait s’agir « du plus grand déclin de la biodiversité depuis soixante-cinq millions d’années ».
Si l’étude de la Krefeld Entomological Society se révèle exacte, et il semble qu’elle soit plutôt optimiste, cela signifie autrement dit que chaque année, 1 à 2% des insectes disparaissent. « C’est absolument considérable » déclare-t-il dans une interview donnée au journal Le Monde.
Alors à qui ou à quoi attribuer cette catastrophe ?
Les hypothèses sont multiples. D’abord à l’urbanisation. Avec la multiplication des routes et des villes, la bétonisation de plus en plus systématique et les taux de pollution qui augmentent en conséquence, les insectes n’ont plus ni d’habitat ni assez de nourriture.
Ensuite, les pesticides. Leur utilisation excessive est, bien sûr, l’un des premiers faits scrutés par les scientifiques, d’autant plus qu’avec le conflit ukraino-russe, leur usage augmente dans l’objectif de multiplier les rendements agricoles. Les scientifiques tentent d’alerter sur leur effet à long terme sur la biodiversité.
Enfin, la communauté scientifique questionne de plus en plus ardemment le manque de positionnement politique pour enrayer ce phénomène terrifiant, à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne. Ce manque d’engagement ne permet pas de prendre conscience de la rapidité de la disparition des espèces et n’autorise aucun projet d’envergure pour y remédier.
Il est inquiétant que ce thème majeur soit absent des débats autour de la crise écologique et des préoccupations politiques actuelles. Rappelons que les insectes sont « le carburant de la vie » et que « [s’ils] disparaissent, tout le reste disparaît avec eux » (Dave Goulson).
Orlane Moitié
Sources :
Sciences et Avenir – La Recherche n°909, daté novembre 2022.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Entomofaune
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