JAZZ ET HÉRÉSIE MUSICALE : L’ART DE DÉFIER LA NORME

Dans les années 1920, alors que la société états-unienne cherche frénétiquement de nouveaux moyens d’expression, une forme musicale audacieuse émerge dans les quartiers marginaux : le jazz. Ce genre musical secoue l’ordre social et remet la liberté d’expression à l’ordre du jour. À l’époque, la musique doit suivre des règles bien définies ; le jazz apparaît comme une symphonie de folie qui redéfinit les limites de ce qui est alors perçu comme acceptable. L’utilisation d’harmonies non conventionnelles et de l’improvisation défient les styles musicaux plus structurés et formels de l’époque. Paul Lopes, un professeur de sociologie s’intéressant à l’aspect social de l’art, souligne que le jazz représentait « une étrange double conscience de rébellion romantique et de danger potentiel. La déviance du jazz signifiait une rébellion contre les normes dominantes tout en affirmant ces normes dans la tragédie ultime associée au jazz. »

Les Années folles (Roaring Twenties)

C’est dans l’entre-deux-guerres que, pour la première fois aux États-Unis, les villes sont plus peuplées que les zones rurales. Cet essor démographique et le climat d’effervescence entraînent le développement d’une culture urbaine largement alimentée par l’émergence de différents genres de musique et de danse.

Pendant cette période, les clubs de jazz les plus fameux du moment se trouvent dans les grandes villes comme New York et Chicago. L’animation et les bénéfices financiers de ces clubs dépendent de la performance des groupes qui s’y produisent. Le développement de cette contre-culture caractéristique des Années folles s’appuie sur de nouveaux modes de vie : les musiciens de jazz vivent la nuit, se déplacent fréquemment de ville en ville, se regroupent dans des espaces sociaux non conventionnels et vivent souvent hors d’une structure familiale. Cela entraîne la perception de la culture jazz comme déviante et loufoque.

Diffusion du style

Le jazz, à l’époque, représentait le côté stigmatisé de l’expérience urbaine américaine, jusque dans les années 1960. Cette culture urbaine et « déviante » se diffuse de plusieurs manières. Tout d’abord, la radio a un effet essentiel. Grâce aux émissions radiophoniques, les musiciens ont la chance de montrer leur talent et de transmettre leur musique auprès d’un plus grand nombre de personnes qu’ils ne le pourraient normalement. Les vagues de migration de la population noire du Sud vers les États du Nord pour des opportunités d’emploi et de meilleures conditions de vie contribuent également à la transmission du genre. Le jazz est en effet né dans les communautés afro-américaines de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, en particulier dans des villes comme la Nouvelle-Orléans. Ainsi, les artistes et musiciens migrant vers le Nord font évoluer la culture urbaine à mesure qu’ils s’installent. Finalement, il ne faut pas ignorer l’importance de la culture juvénile dans la popularisation du jazz. La jeunesse, représentée comme une période de rébellion et de curiosité, trouve l’étiquette « déviante » du jazz attractive, séduite par la protestation contre les normes établies, tant musicales que culturelles, qu’elle implique.

Et aujourd’hui ?

Au XXe siècle, le jazz conserve son caractère aventureux et fusionne avec de nombreux autres sous-genres, comme le rock, le funk et la soul. Aujourd’hui, on peut y trouver davantage d’harmonies non fonctionnelles, avec l’emploi de l’improvisation et d’accords dissonnants, et une utilisation plus diversifiée des instruments qu’au siècle dernier. Il est influencé non seulement par d’autres genres de musique mais aussi par d’autres cultures. La scène culturelle commence particulièrement  à évoluer lorsque le jazz se répand en Europe puis dans d’autres parties du monde, et que les musiciens de divers pays commencent à intégrer leurs instruments et mélodies traditionnels dans la chanson. C’est pourquoi, jusqu’à aujourd’hui, le jazz demeure un sentiment et une improvisation de l’artiste plutôt qu’une prescription stricte. 

Zeynep Onur

Bibliographie : 

What a Wonderful World de Louis Armstrong (jazz classique) 

Exemples de jazz contemporain :

  1. Contributeurs aux projets Wikimedia. (2023, June 15). Ère du jazz. https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%88re_du_jazz
  2. Dodd, E. (2019, April 12). Is Jazz dead? – Yale Daily News. Yale Daily News. https://yaledailynews.com/blog/2019/04/11/is-jazz-dead/
  3. Lopes, P. (2014). Signifying deviance and transgression: jazz in the popular imagination. Colgate. https://www.academia.edu/6325630/Signifying_Deviance_and_Transgression_Jazz_in_the_Popular_Imagination
  4. Roaring Twenties: Flappers, Prohibition & Jazz Age – HISTORY. (2010, April 14). HISTORY. https://www.history.com/topics/roaring-twenties/roaring-twenties-history
  5. Schermer, V. L. (2017, November 10). The many faces of jazz today: the big picture. All About Jazz. https://www.allaboutjazz.com/the-many-faces-of-jazz-today-the-big-picture-by-victor-l-schermer

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