Le 1er août 1785, l’expédition de La Pérouse quitte le port de Brest. Elle se compose de deux frégates, L’Astrolabe et La Boussole, ainsi que de 220 hommes. Dirigée par le comte de La Pérouse, l’entreprise vise notamment à explorer l’océan Pacifique et ses diverses îles. Les membres de l’expédition ne reviendront jamais en France et ne seront plus aperçus vivants…
Les événements précédant le naufrage
Les navires commencent par parcourir le sud de l’Europe puis longent les côtes africaines, avant de faire halte à Santa Catarina, au sud du Brésil. Un peu moins d’un an après son départ, l’équipage débarque à l’île de Pâques. Les escales continuent de s’enchaîner sans embûche particulière de Hawaii en passant par l’Alaska et jusqu’à l’Asie de l’Est. Ensuite, L’Astrolabe et La Boussole prennent la direction de l’Océanie.
En décembre 1787, un commandant et une dizaine de marins décèdent après une attaque de populations indigènes lors d’un débarquement aux îles Samoa. Le moral des marins affaiblis est alors au plus bas.
Les membres de l’expédition ne donnent plus de nouvelles après l’escale à Botany Bay en Australie de fin janvier à mars 1788. Lors de son arrivée sur place, l’ambition de La Pérouse était de poursuivre en direction de la Nouvelle Calédonie. Dans sa dernière lettre, datée du 7 février et adressée au ministère de la Marine, il décrit le programme auquel il souhaite se tenir :
« Je remonterai aux îles des Amis […] et à la terre de la Louisiade de Bougainville, en cherchant à connaître si cette dernière fait partie de la Nouvelle-Guinée […] Je passerai, à la fin de juillet 1788, entre la Nouvelle-Guinée et la Nouvelle-Hollande, par un autre canal que celui de l’Endeavour, si toutefois il en existe un. Je visiterai, pendant le mois de septembre et une partie d’octobre, le Golfe de Carpentarie et toute la côte occidentale de la Nouvelle-Hollande jusqu’à la terre de Diemen […] »
Les deux navires se dirigent par conséquent vers la Nouvelle Calédonie mais rencontrent vraisemblablement des problèmes météorologiques aux alentours des îles Santa Cruz (ill. 1) en juin 1788, près de trois ans après leur départ de France. Ensuite, c’est le trou noir : ils ne donneront plus aucune nouvelle.
(Ill. 1) Carte des îles Santa Cruz.
Les campagnes de recherches au cours des siècles
Le mystère entourant la disparition des membres de l’expédition et des frégates fascine les curieux mais également les scientifiques depuis près de 240 ans. De nombreuses zones d’ombre perdurent encore aujourd’hui. En raison du contexte politique en France à la fin du XVIIIe siècle, les recherches ne débutent qu’en septembre 1791, soit plus de trois ans après la disparition. Ces recherches sont dirigées par Antoine Bruny d’Entrecasteaux sur demande de Louis XVI. Malheureusement, l’expédition tourne à la catastrophe en Indonésie : le capitaine décède du scorbut et les navires passent près de l’île de Vanikoro sans s’y arrêter. Pourtant, il est probable que certains des 210 membres de l’équipage aient survécu et se soient installés sur cette île.
Ce n’est qu’une trentaine d’années plus tard que l’affaire de la disparition de l’expédition La Pérouse connaît un rebondissement. En 1826, Peter Dillon, navigateur irlandais, découvre des restes du naufrage aux alentours des îles Vanikoro et Tikopia. L’un des deux bateaux aurait coulé tandis que l’autre se serait échoué sur la côte. Quelques survivants auraient entrepris de reprendre la mer quelque temps plus tard, tandis que d’autres seraient restés vivre sur l’île. Cependant, lorsque Dillon arrive sur place, plus aucun des naufragés n’est en vie. Il recueille cependant une garde d’épée française et des témoignages oraux des résidents locaux.
Jules Dumont d’Urville, explorateur et officier de marine français, apprend ces découvertes lorsqu’il débarque en Australie l’année suivante. Il se rend sur place afin de faire ériger un monument dédié au souvenir et à la gloire de La Pérouse. Grâce aux informations récoltées, il dresse une première chronologie possible du déroulement du naufrage.
Moins de deux ans plus tard, fin 1828, le contre-amiral Louis Legoarant de Tromelin se lance lui aussi à la recherche des épaves et d’indices supplémentaires. Il s’agit d’une parenthèse au cours d’une expédition au but tout autre. Il effectue un détour par les îles Santa Cruz sur le chemin du retour et parvient à localiser l’emplacement de canons et d’ancres.
Pendant plus d’un siècle, aucune opération de recherche n’est menée. En juin 1962, un plongeur néo-zélandais découvre des vestiges à plus de quinze mètres de profondeur de part et d’autre de la carcasse de L’Astrolabe. Des canons et une poulie de bronze sont extirpés du récif deux ans plus tard par le même plongeur. L’année 1964 est riche en découvertes : une cloche attribuée à La Boussole et divers objets sont retrouvés.
De 1981 à 2008, le plongeur Alain Conan effectue huit campagnes de fouilles grâce à l’Association Salomon. Il cherche à éclaircir plusieurs points, dont l’existence de survivants aux naufrages, leur installation et leur vie sur place. Des vestiges d’un camp de survivants sont ainsi découverts à Païou en 1999.
En 2003, le fameux squelette de l’inconnu de Vanikoro est localisé dans l’épave de La Boussole. Grâce aux objets découverts aux alentours de la dépouille, les chercheurs déduisent qu’il s’agirait d’un scientifique entre trente et quarante ans. Deux hommes pourraient correspondre à cette description : Joseph Lepaute Dagelet, astronome, et Jean-André Mongez, chanoine et minéralogiste. Seule une comparaison ADN permettrait de connaître la réponse définitive.
De nombreux objets provenant du site du naufrage sont aujourd’hui conservés dans différents musées (ill. 2), dont le Musée national de la Marine. Il leur consacre d’ailleurs une exposition temporaire en 2008 intitulée « Le mystère Lapérouse ».
(Ill. 2) Vaisselle retrouvée dans l’épave de La Boussole exposée au Musée de l’histoire maritime de Nouvelle Calédonie, Nouméa.
Allison Caudron
Sources
« Écusson de frégate de l’expédition Lapérouse », Collections en ligne du Musée de la Marine, https://www.musee-marine.fr/nos-musees/brest/collections/oeuvres-phares/ecusson-de-fregate-de-lexpedition-laperouse.html. Consulté le 3 novembre 2023.
FLOCH Adélie, « « L’inconnu de Vanikoro » se rapproche de son public », Ouest-France, https://www.ouest-france.fr/bretagne/brest-29200/l-inconnu-de-vanikoro-se-rapproche-de-son-public-5896412. Consulté le 6 novembre 2024.
GUILLOT Anne-Marie, « Le mystérieux squelette de Vanikoko (2) », Association Lapérouse Albi-France, 10 juillet 2023, https://www.laperouse-france.org/fr/2023/07/le-mysterieux-squelette-de-vanikoro-2/. Consulté le 6 novembre 2024.
« Le mystère Lapérouse, exposition au Musée national de la Marine », Canal Académies, Les podcasts de l’Institut de France, https://www.canalacademies.com/emissions/carrefour-des-arts/le-mystere-laperouse-exposition-au-musee-national-de-la-marine. Consulté le 3 novembre 2024.