Dilemme éthique de l’architecture

L’oeuvre du duo Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal

Le réchauffement climatique impacte nos paysages, nos ciels et nos habitudes. L’architecture en tant qu’artificialisation de l’environnement par l’Homme se trouve en première ligne de sa transformation. Terrorisé par la nuit, l’Homme a vu les lumières artificielles prendre possession de ses foyers depuis les années 1900, prolongeant le jour. La tradition du feu au cœur du foyer s’est transformée en une télévision qui échauffe nos esprits. Les architectures se parent de lumières électriques et éclaircissent les nuits ; altérant la qualité de l’obscurité et dérèglant les écosystèmes. Ce n’est plus seulement les étoiles qui disparaissent de nos regards, mais également toute une biosphère chassée par les cités. 

À l’heure de l’anthropocène, la prise en compte de l’aspect éthique et environnemental de l’architecture apparaît comme une nécessité. Ainsi, l’idée prônée par Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal propose une alternative à l’étalement urbain : faire avec l’existant. Revendiquant une architecture libre et économique, ils travaillent à partir du bâti préexistant pour l’agrandir, le réparer, le valoriser et ne pas détruire. En effet, chaque démolition a un coût tant pour la mémoire collective, qui se voit amputée d’un lieu emblématique, qu’un coût énergétique colossal. Les études réalisées en 2018 montrent qu’environ 35

Face à l’épuisement des ressources et à l’accélération des bouleversements climatiques, penser l’architecture comme un geste esthétique ou fonctionnel n’est plus un modèle viable. Le duo d’architectes propose des édifices, comme le FRAC (Fond Régional d’Art Contemporain) de Dunkerque, engagé dans des démarches innovantes à contre-courant des projets concurrents. Installé dans la Halle aux Bateaux, qui accueillait jusqu’en 1987 les chantiers navals de France, le projet des architectes vient dédoubler le bâtiment par une architecture en béton armé. Cet édifice, sorte d’aboutissement d’une recherche de transparence et d’ouverture sur la mer, conserve indemne le bâti existant, créant son « gémaux », modulable, écologique et économe en énergie, parfaitement adapté aux attentes d’un centre d’art contemporain. Leurs travaux en faveur de la rénovation sont salués à de nombreuses reprises, pour la réhabilitation de grands ensembles architecturaux, à la Courneuve ou à Bordeaux. Leur pratique de l’architecture s’inscrit dans une posture de recyclage, partir d’un bâti pour l’agrandir, l’améliorer et en faire un lieu pour l’humain, tout en respectant l’environnement. Il s’agit en quelque sorte de dilater l’existant. 

Bâtir aujourd’hui n’est plus un geste neutre. Il implique de choisir entre prolonger une logique destructrice à la recherche d’un habitat plus étalé, plus vaste et plus éloigné des centres urbains, ou proposer une réponse plus éthique et respectueuse de l’environnement au prix de quelques renoncements. Dans ce contexte, chaque geste architectural engage une responsabilité éthique : construire et perpétuer la consommation des ressources, ou reconstruire et s’inscrire dans une économie du vivant. L’architecture s’inscrit comme frontière entre destruction et réparation. Devenue surface politique, elle apparaît comme un outil moteur en faveur de l’action climatique. Image monumentale des villes, les produits des architectes sont des sources de solutions aux défis posés et de prise en considération des effets immédiats des changements qui s’opèrent. L’urgence climatique devient moteur d’action d’une architecture plus consciente et résiliente, capable de réconcilier l’homme avec la nature.

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