Le kitsch est de retour sur le net, sur Youtube, Instagram, Twitch, et peut-être même dans votre salon. De la vaisselle et des théières de céramique en forme de légumes, ces petits plaisirs coupables sont de plus en plus acceptables grâce au travail de certains créateurs de contenus. Le vintage rend le cheap à la mode.
Le vintage est habituellement abordé comme concernant les objets et vêtements anciens qui avaient une certaine valeur économique et une grande popularité au moment de leur création. Ces articles sont alors remis au goût du jour comme la nostalgie d’une époque passée, une époque de goût, une époque de production de qualité. Seulement le vintage ce n’est pas que ça, c’est aussi rendre populaires les objets dévalorisés dès leur création.
Le vintage c’est remettre en avant le chic et le cheap
Clara Victoria, youtubeuse mais aussi patronne de la friperie Relique et créatrice de l’application Unique, est une femme qui a mis en avant les vêtements de seconde main pour leur qualité. Sur les réseaux, elle partage son amour du vintage mais aussi des objets décoratifs assez kitsch, comme des vases et boîtes aux couleurs flashys. Avec ses 212 000 abonnées sur Youtube et ses 133 000 followers sur Instagram, on ne peut nier que le vintage, mais aussi le kitsch, sont de retour.
La créatrice de contenu Fannyfique et ses 63 000 abonnés sont également des preuves de cet engouement nouveau. Sur ses réseaux, elle montre que quasiment tous ses achats sont orientés vers le kitsch. L’une de ses vidéos aux 7 000 vues porte sur la création d’un décor dans le style Memphis, avec des couleurs vives et des formes très géométriques. Après avoir consacré plusieurs vidéos à son amour du kitsch – à travers une grande collection de mugs et des boîtes en céramique – Fanny a créé un format spécialement réservé à sa passion. Il s’agit des Mergrenier, des lives Twitch pendant lesquels la créatrice et ses abonnés chinent de vieux objets démodés sur différentes plateformes de revente. Le but de ces lives est de recréer une ambiance de vide-grenier digital et de trouver les objets les plus improbables possible, comme une grande boîte à gâteaux de céramique en forme de maison.
Le cheap n’est pas qu’une passion, c’est aussi un commerce
Au-delà du commerce circulaire mis en avant par de nombreux internautes, le cheap est devenu si populaire qu’il est désormais à l’origine de la création de tous nouveaux objets. Alicia, alias alicia.flipo sur Instagram, partage ses collections d’objets cheap. Sur son compte on retrouve sa collection de théières en céramique, de toutes les formes et de toutes les tailles, mais aussi sa collection de tasses en forme de seins et de fesses. Le cheap n’est pas élégant, et c’est pour ça qu’il est aimé. Mais Alicia Flipo n’est pas qu’une créatrice de contenu, c’est aussi une créatrice d’objets personnalisables, kitsch et très mignons, vendus sur sa boutique en ligne, Crise de Bonheur. Elle aussi est présente sur Twitch, non pas pour chiner en live mais pour créer. Car la mode du cheap ce n’est pas que de la consommation ; c’est aussi de la rénovation, de la création, voire une vraie philosophie politique.
Le cheap serait aussi un acte de rébellion
Le cheap et le kitsch désignent des objets vus comme hors de la mode, un peu grossiers et souvent très commerciaux. Si l’on s’intéresse à l’origine du mot « kitsch » il faut retourner en 1860. C’est un mot allemand qui a fait son apparition à Munich et qui désignait des œuvres de mauvais goût. Expression utilisée par les marchands d’art, elle est par la suite tombée dans le vocabulaire courant de la bourgeoisie, qui a utilisé ce mot pour désigner ce qui était trop populaire pour être à la mode, digne d’intérêt, et donc trop populaire pour être apprécié. Ce sont ainsi les personnes exclues de la bourgeoisie par leur faible revenu qui ne peuvent s’offrir que des objets peu coûteux pour décorer leur intérieur.Rendre le cheap et le kitsch à la mode c’est donc rendre populaire les centres d’intérêt et les intérieurs des personnes pauvres, à l’origine. C’est faire fi du jugement et du bon goût dicté par la bourgeoisie pour mettre en lumière des loisirs plus populaires. C’est rendre le populaire enviable et de bon goût. Qu’on soit sensible au kitsch ou non, on peut reconnaître que voir des personnes assumer ce qu’ils aiment et jouir de leur liberté malgré la critique peut être inspirant.
Soraya Arkat
Sources :
://impactcampus.ca/le-mag/kitsch-rime-revolution/
https://www.elle.fr/Deco/News-tendances/Ces-petits-plaisirs-deco-inavouables-qui-font-du-bien
Couverture : © Creative Commons CC0, image de PxHere