« Celui qui dominera l’Intelligence Artificielle, dominera le monde. »
– Vladimir Poutine
À la conquête de l’IA
Comme un étrange écho à Lyndon B. Johnson avertissant le sénat américain, en pleine guerre froide, que le pays qui remporterait la conquête spatiale gagnerait le contrôle total de la planète. L’IA impacte désormais tous les domaines, et procure à celui qui la maîtrise des avantages considérables sur les plans scientifique, économique et militaire.
Actuellement, les États-Unis et la Chine possèdent de loin le monopole de l’IA, menés par les investissements colossaux des GAFAs (Google, Apple, Facebook, Amazon) et des BATX (les « GAFAs chinois » : Baidu, Alibaba,Tencent, Xiaomi). Une course à la technologie qui n’est pas sans rappeler une certaine course aux armements d’une période plutôt glaciale,
avec des nations qui développent et construisent des armes basées sur des technologies de pointe… Alors que les premières générations de SALA (robots létaux autonomes) sont déjà testées secrètement dans certaines armées, on comprend aisément la raison de ces investissements massifs. Il semble que chaque parti ait bel et bien des raisons de craindre que l’autre ne prenne le dessus sur le plan technologique.
Alors que la course à l’IA est lancée, la France et l’Europe affichent encore un retard conséquent sur les superpuissances mondiales. Il semble qu’il soit désormais trop tard pour reculer devant les enjeux éthiques et sociétaux. La France doit remonter dans la course et éviter à tout prix de se laisser distancer. En effet, cette guerre par procuration pourrait finalement conduire à un équilibre des forces, qui conduirait l’IA à devenir une force de dissuasion au même titre que le nucléaire. Quand l’exception devient la règle ?
Si la France veut s’imposer comme un des leaders de cette course et avoir une influence sur la direction que prend l’IA, elle doit agir dès maintenant et investir dans son développement. Derrière cette course à la technologie se cachent des enjeux stratégiques vitaux. Il ne s’agit maintenant plus de savoir si l’Intelligence Artificielle est une réalité, mais de préparer son arrivée.
Violette VIARD
Le transhumanisme
Depuis quelques années, le terme transhumanisme se popularise pour parler de la robotisation de l’humain. Mais qui se cache derrière ce terme, et que nous réserve le futur à ce sujet ? Nous nous intéresserons ici à l’amélioration des capacités humaines de base (et non pas à leur restauration).
Prochain dictateur ?
Si le transhumanisme peut paraître séduisant au premier abord, c’est probablement grâce à sa promesse d’immortalité, au cœur des débats depuis la naissance de l’humanité. Mais au-delà de cette question éthique souvent rabâchée : « Une vie sans fin vaut-elle la peine d’être vécue ? », que nous réserve cette « évolution » ?
Le transhumanisme vise à augmenter les performances humaines grâce aux technologies. Les fibres optiques, par exemple, peuvent transmettre des informations 4 millions de fois plus vite qu’un nerf. Nous ne sommes pas si loin, voire pas du tout, de la puce implantée pour augmenter notre mémoire ou pour calculer plus vite. Derrière ces avancées, une entreprise, experte dans le domaine des nouvelles technologies (NBIC pour Nanotechnologies, Biologie, Informatique et sciences Cognitives) : Google. Le géant a un projet : créer une nouvelle forme d’humanité, libérée de concepts comme la mort, la maladie, ou même le vieillissement, comme le laisse deviner son investissement dans Calico (start-up leader dans la recherche contre les maladies liées au vieillissement), ou la nomination de Ray Kurzweil, « pape » du transhumanisme, en tant qu’ingénieur-chef.
Ce dernier prône l’acquisition d’un pouvoir démiurgique par l’homme, c’est-à-dire de devenir son propre Créateur. Mais si les objectifs affichés du transhumanisme sont pleins de « bonnes nouvelles » pour l’humanité, il n’est pas assuré que tout le monde puisse en bénéficier, bien au contraire. À titre d’exemple, aux États-Unis, il existe des villes de seniors, réservées aux plus de 65 ans, dont le but est d’augmenter leur espérance de vie. Sans surprise, ces villes sont accessibles seulement aux plus riches. Dans un contexte libéraliste de développement du transhumanisme, les plus puissants seront les premiers humains augmentés. Et probablement les derniers, clivant la société en « riches immortels » et « pauvres mortels », sans possibilité aucune d’ascenseurs sociaux. Et ne nous y méprenons pas : nous ne ferons pas partie des 1% de la population à en bénéficier, et ce n’est pas la théorie du ruissellement qui viendra nous sauver. Alors peut-être serait-il temps de se battre, si l’on ne veut pas finir pantins aux mains des actionnaires de Google ad vitam æternam.
Mais, finalement, ne serait-ce pas déjà le cas ?
Jeanne VILLECHENOUX
Illustration : Rolando CRUZ