Depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron est confronté au mouvement social et citoyen sans précédent dit des « Gilets jaunes ». Le 18 décembre, le président de la République a annoncé la mise en place d’un grand débat national qui doit se tenir du 15 janvier au 15 mars 2019. Cette concertation nationale inédite, reposant sur la participation citoyenne, tente d’apporter des solutions à la crise politique, sociale et institutionnelle que traverse le pays depuis des années.
L’opportunité d’un réveil citoyen
Un nouveau souffle démocratique
La crise actuelle a mis en évidence les limites du système représentatif, qui s’illustre notamment dans l’abstention massive. En 2017, lors dernières élections législatives, l’abstention a pointé à plus de 50 %.
La critique porte aussi sur le processus législatif actuel qui ne laisse peu ou pas de place à l’initiative citoyenne. Dans le même sens, le déséquilibre significatif des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif n’arrange pas la situation. Les parlementaires sont privés de leurs rôles de contre-pouvoir institutionnel et ne sont plus en mesure de relayer efficacement les revendications des citoyens. Partant de ce constat, certains observateurs s’interrogent par exemple sur la possibilité de supprimer le Sénat.Nous assistons ainsi à une crise de la représentativité politique qui a toutefois le mérite de replacer les citoyens au cœur du débat public.
Aussi, ce n’est pas un hasard si l’une des principales revendications des manifestants de ces derniers mois porte sur la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC). L’idée d’un RIC n’est pas nouvelle, elle a été reprise par les Gilets jaunes qui lui fixent quatre finalités : voter une proposition de loi, abroger une loi , modifier la Constitution , et révoquer un élu. Si l’on peut s’interroger sur l’opportunité de certaines des finalités invoquées, le principe du RIC est aujourd’hui plébiscité par une majorité de Français.
Vers un nouveau contrat social ?
Cette parenthèse démocratique et citoyenne de trois mois pourrait initier de profonds changements dans la gouvernance politique, privilégiant le recours à plus de démocratie directe, ainsi qu’à une meilleure représentativité des citoyens. Une nouvelle gouvernance politique qui devra aussi être plus respectueuse des contre-pouvoirs institutionnels et politiques et qui associera de façon plus étroite les territoires, les corps intermédiaires et les citoyens à la prise de décisions publiques.
Pour clôturer cette concertation nationale, le gouvernement envisagerait de proposer aux Français par voie de référendum plusieurs propositions. Il s’agit notamment de la réforme des institutions, comme la baisse du nombre de parlementaires, la refonte du CESE pour en faire une chambre citoyenne ou encore l’ajout d’un régime de proportionnelle pour certaines élections qui garantirait une plus grande représentativité des différentes forces politiques.
Ainsi, nul doute que ce grand débat national sera une formidable opportunité de repenser un nouveau monde politique où le citoyen retrouverait toute place au cœur du débat public.
Mahjoub MAIRECHE
De la poudre de perlimpinpin
Lever de rideau. Les micros sont en place, le public patiente, les caméras tournent : le show peut commencer. Infatigable, Emmanuel Macron occupe le terrain à la perfection. Une dose de charisme, beaucoup de talent et une énergie contagieuse. Les ingrédients sont réunis, place à la performance. Les médias sont aux anges et la majorité fascinée. Les images envahissent les journaux télévisés. Les scènes de débats formalisées ont remplacé les violences des manifestants. La petite musique entêtante du grand débat recouvre le bruit des vitrines brisées. Les chemises blanches ont remplacé les gilets jaunes.
Peut-on vraiment y croire ?
« Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde » (Camus). En réalité ce dit débat s’apparente bien plus à une grande opération de communication politique menée par le gouvernement. Élu il y a maintenant 18 mois, ce dernier a annoncé qu’il ne modifierait pas son cap politique, ni ne reviendrait sur ses engagements. Alors peut-on vraiment s’attendre à une refonte du monde politique ?
Dans sa lettre aux français, Emmanuel Macron déclarait que les « propositions permettront donc de bâtir un nouveau contrat pour la Nation, mais aussi les positions de la France au niveau européen et international ». Une belle idée, en théorie.
En réalité la plateforme en ligne est un déversoir de centaines de milliers de propositions. Il est cependant impossible d’y réagir, de les commenter ou d’échanger dessus. Impossible donc de hiérarchiser les propositions. En résumé, cela donne un foisonnement de revendications individuelles inexploitables.
Le président a toutefois su créer un élan de démocratie. Les participations au grand débat sont nombreuses. Mais comment croire que les conclusions du grand débat ne seront pas totalement démagogiques ? Chacun voit l’occasion de demander plus à l’État. On devine aisément que le retour de l’impôt sur la fortune sera sur la majorité des demandes. « Il faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable » on est d’accord ! Malheureusement il faut choisir. Pourtant Emmanuel Macron ne reviendra pas sur sa suppression. Il s’agit donc plus de donner une plateforme d’expression, pour faire taire les colères, que d’une réelle prise en compte de celles-ci.
Ce grand débat national a donc le mérite de replonger les citoyens au coeur de la politique, cependant des changements politiques majeurs restent exclus. On souhaite tout de même la réussite de ce débat, qu’il contribue à trouver des solutions pour sortir de cette période d’incertitudes et de mécontentements.
Violette VIARD