Valentine est vice-présidente de l’association « Une couverture pour l’hiver » depuis mai 2018. Cette association étudiante vient en aide aux personnes sans-abri, notamment par l’organisation de maraudes régulières dans la capitale. Principalement chargée des partenariats, cela fait plus d’un an qu’elle fait des maraudes.
Comment l’association s’est elle créée ?
L’idée vient de l’expérience d’un des membres fondateurs, Romain. Un jour, il demande à Chris, une personne sans abri qu’il croise souvent en bas de chez lui, si il a besoin de quelque chose. Cedernier lui répond alors « une couverture pour l’hiver ». Romain s’est donc cotisé avec des copains pour lui acheter une couverture. Ils ont ensuite commencé à lancer des petits financements participatifs au sein du milieu étudiant, afin de pouvoir acheter de quoi réchauffer des personnes SDF. L’association est née officiellement à la rentrée universitaire 2015 et n’a cessé de se développer depuis. Aujourd’hui, on compte plus de 280 membres, majoritairement des étudiants. Il y a un noyau d’une centaine de volontaires qui participe régulièrement aux maraudes. Au mois de novembre, une vidéo Brut a été réalisée pour présenter l’association : de nombreux partages, likes et messages de soutien nous ont permis une meilleure visibilité.
Quelles sont les missions principales de l’association ?
On essaie d’intervenir sur des points ou d’autres associations sont peu présentes. Une personne sans abri à Paris ne va pas mourir de faim : il existe des associations telles que les Restos du Coeur et les foyers pour leur offrir un repas. Mais peu de choses sont faites par rapport aux besoins matériels, notamment pour les couvertures. Environ une centaine de personnes meurt de froid chaque année en France. Au fur et à mesure, on a aussi ressenti le besoin de développer un lien social avec les personnes sans abris. Maintenant, on prend le temps d’interagir plus longtemps avec elles, on reste assis et discute autour d’un café. Ils nous racontent souvent leurs histoires personnelles qui sont assez touchantes. D’ailleurs, cette année, on développe les MIS, des maraudes d’intervention sociale. Les interventions sur le terrain qui ont lieu toutes les semaines vont alors être concentrées sur une zone géographique particulière afin que les volontaires puissent créer un lien social durable avec les personnes sans abri.
Comment s’organise une maraude ?
En amont, il faut organiser des collectes et récupérer des couvertures de survie au Vieux Campeur et des sacs de couchages chez Decathlon. Actuellement, on stocke les couvertures, sacs et produits d’hygiène dans la cave d’une des membres de l’association, mais nous sommes à la recherche d’un nouvel endroit. Les participants aux maraudes ramènent le reste du matériel, c’est à dire les thermos et les boissons que l’on propose. La médiane du nombre de participants est autour de 30. Les maraudes se déroulent une à deux fois par semaine (le mercredi et le vendredi) et durent de 1h30 à 2h. On se répartit par petits groupes de 4 ou 5 pour ne pas oppresser les sans abri. Un chef de groupe est désigné pour diriger et réaliser un recensement des personnes rencontrées lors de la maraude. Cela nous permet de savoir combien de sans abri bénéficient de notre aide mais aussi si elles ont des besoins particuliers. Par exemple, on nous demande souvent les démarches pour refaire ses papiers (de nombreux vols ont lieu dans la rue).
Quelles personnes rencontrez-vous dans la rue ?
La plupart des personnes sont des hommes. Peu de femmes sont visibles : elles se cachent afin d’éviter les viols et les violences de la part d’autres SDF, mais aussi de personnes dites « lambdas ». D’après le rapport du Samu social, l’âge médian est autour de la tranche d’âge 45-50 ans. Selon les quartiers, toutes les nationalités sont confondues. Finalement, on ne trouve pas tant de français que ça. Quand on discute avec une personne, on se renseigne pour savoir si elle dort en foyer. Quelquefois, c’est le cas. Cependant, on observe que parfois c’est par choix que la personne refuse car elle préfère s’isoler des potentielles bagarres, ou est mal informée. La plupart du temps, les centres d’accueil sont saturés. Les femmes ont plus souvent tendance à dire non, surtout dans les foyers mixtes car elles sont sujettes à des violences de la part des autres personnes sans abri mais aussi du personnel sanitaire.
Quels gestes doit-on adopter lorsqu’on veut aider une personne sans abri ?
Pendant un moment, il a fallu qu’on régule le nombre de nouveaux membres car on n’avait pas assez d’anciens membres ni de temps pour les former aux interventions sur le terrain. On ne peut pas faire un groupe seulement composé de nouveaux car il y a des formalités tout de même importantes à acquérir au fur et à mesure sur le terrain. Par exemple, on ne va pas envoyer tout un groupe à la rencontre d’une personne isolée mais plutôt un seule volontaire qui va voir si la personne a envie de discuter ou non. On a aussi eu à un moment un capacité financière insuffisante vis à vis du nombre de volontaires présents lors des maraudes, ce qui est un peu frustrant car on ne peut pas proposer aux personnes sans abri ce dont elles ont réellement besoin. La solution a été de créer une plateforme de dons et de lancer des campagnes de crowdfunding. En ce moment, on recherche d’ailleurs à financer l’implantation d’un frigo.
Propos recueillis par Alice TIZON