Star’s Up : Le festival qui fait le point sur astéroïdes Bennu et Ryugu

Bien que l’attention soit accaparée autour des deux futurs rovers martiens ExoMars2020 et Mars2020, ou sur la prochaine mission Dragonfly révélée par la NASA fin juin 2019, deux sondes spatiales sont actuellement en passe de réaliser une prouesse technologique, celle de ramener sur Terre des échantillon d’astéroïdes. 

Image 1Conférence d’Antonella Barucci au Festival Star’s Up 2019, devant l’Observatoire de Meudon. Crédits : Alma Mater/ Margaux Abello.

A l’occasion de la première édition du festival d’astronomie Star’s Up qui a eu lieu les 28 et 29 juin 2019 dans les jardins de l’Observatoire de Meudon, l’astronome Antonella Barucci a partagé avec le grand public les premiers résultats scientifiques d’astéroïdes Ryugu et Bennu. Chacun a fait l’objet d’une mission spatiale dédiée qui sont appelées, respectivement, Hayabusa-2 et OSIRIS-REx.

Les astéroïdes : les porteurs de l’ADN du système solaire 

Ces deux missions servent le même objectif, à savoir récolter des échantillons de matière inaltérée sur un astéroïde géocroiseur (i.e. dont l’orbite approche ou croise celle de la Terre). Rapporter ces échantillons sur Terre est primordial pour les astrophysiciens, car  ils leur fourniront de précieux indices sur les conditions sine qua non responsables de l’émergence de la vie sur Terre. Depuis le premier retour d’échantillons de l’astéroïde Itokawa sur Terre (par la sonde japonaise Hayabusa-1) en 2010, le scénario le plus probable imaginé par les scientifiques serait que la vie ait été apportée par des collisions entre la Terre et des astéroïdes, au moment du Late Heavy bombardment (Grand bombardement tardif, LHB). Ainsi, ces roches primitives auraient apporté des matériaux très importants, propices à la vie, comme de l’eau, de la matière organique et des molécules prébiotiques.

ALMA image of the protoplanetary disc around HL TauriL’image montre le disque proto-planétaire (mélange de gaz et de grains de poussières) qui entoure la jeune étoile HL Tauri, au centre. Crédits : NASA/ELMA/ESA Hubble Space Telescope.

En effet, ces petits corps telluriques ont été formés dans ce qui s’appelle un disque proto-planétaire, au moment de l’élaboration du système solaire. La fraction de roches primitives qui n’a pas été agrégée aux planètes a fini par déambuler parmi elles, tels des vagabonds spatiaux. Puisque les planétésimaux (nom générique des astéroïdes) n’ont pas subi de processus d’évolution ni de transformation à l’image des planètes, les chercheurs s’attendent à ce que la composition chimique soit très proche, voire identique, à celle des premiers instants de notre système solaire (il y a 4,5 milliards d’années).

Comparaison de la composition chimique en surface et du sous-sol d’un astéroïde

Image 3Photographie de Rygu prise par la sonde Hayabusa-2, le 6 août 2018. Crédit : NASA/Goddard/University of Arizona.

La mission Hayabusa-2 est menée par l’agence spatiale japonaise JAXA et a été lancée le 4 décembre 2014. Après un long périple de trois ans et demi, la sonde spatiale japonaise a finalement rejoint Ryugu (astéroïde n°162173) le 27 juin 2018, orbitant quotidiennement à 20 km de sa surface. Elle est équipée d’une caméra, d’un spectromètre infrarouge, d’un altimètre laser, un imageur thermique et de quatre atterrisseurs. Le programme a débuté concrètement dès octobre 2018 par l’envoie des MINERVA2 en reconnaissance au sol. Ce bijou de technologies a effectué avec succès ses deux prises d’échantillons du sol : la première consistait à collecter la poussière présente à la surface (février 2019) et la seconde (juillet 2019) visait à prélever les résidus de roches du sous-sol (i.e. issues d’une couche plus profonde du sol) qui ont été préalablement ramenés à la surface grâce au largage en avril 2019 d’un projectile MASCOT (“impacteur”). D’ici la fin de l’année 2019, Hayabusa-2 s’engagera sur le chemin du retour. Il faudra patienter une année supplémentaire avant que la capsule contenant tous les échantillons soit récupérée sur Terre, le temps qu’il lui faut pour parcourir les 340 millions de kilomètres qui sépare Ryugu de notre planète. En se basant sur la cratérologie de l’astéroïde, on estime l’âge de Ryugu à 1 milliard d’années.

Image 4Photo prise 4 secondes après qu’Hayabusa-2 ait atterri sur le sol de l’astéroïde Ryugu, le 11 juillet 2019. Crédit : JAXA.

Cartographie minutieuse de la surface d’un astéroïde

Image 5Photographie de Bennu prise par la sonde Osiris-Rex,  le 2 décembre 2018. Crédit : JAXA.

La mission OSIRIS-REx a été lancée le 8 septembre 2016 par la NASA et a été mise en orbite à 1 km de l’astéroïde primitif Bennu (n°101955) début décembre 2018. La sonde s’emploie à l’étudier en détails pendant deux ans, au moyen de plusieurs instruments scientifiques : trois caméras, trois spectromètres, et un altimètre. Ces-derniers permettront de cartographier précisément l’astéroïde dans trois longueurs d’onde différentes, à savoir celle du visible, de l’infrarouge et des rayons X. Une opération de récolte de matières primitives à la surface de Bennu est également prévu pour juillet 2020, en plus grande quantité qu’Hayabusa-2 (entre 60 grammes et 2 kilogrammes). Afin que cette entreprise soit une réussite, l’équipe américaine est en ce moment-même en train de composer une cartographie compositionnelle de l’astéroïde afin de sélectionner le site à la fois le plus intéressant et le moins dangereux au prélèvement d’échantillons. Le retour de la sonde sur Terre est escompté pour septembre 2023.

Image 6Image qui montre la variété de morphologie des roches présentes à la surface de Bennu, le 28 mars 2019. Crédit : NASA/Goddard/University of Arizona.

Entre prouesse technologique et enjeux à risque posés par la collecte d’échantillons

Image 7Comparaison des astéroïdes Bennu à gauche et Ryugu à droite. Crédit: University of Arizona.

Comme ce sont de tous petits objets, ils n’exercent pas de gravité sur la sonde et donc celle-ci ne peut pas rester très longtemps (environ 5 secondes). De plus, la surface étant loin d’être lisse (plusieurs cratères et de petits cailloux d’aspects différents), l’atterrissage, même bref, est dangereux car les sondes risquent de s’y écraser. Ryugu et Bennu, bien que très différents, ont comme point commun de présenter tous deux une alteration aqueous (i.e. qu’il y avait de l’eau à l’état liquide pendant la formation de cet astre primitif). “On est en train de vivre un moment extraordinaire avec ces deux missions, les héritières du programme Rosetta qui a été mené sur une comète. À cette époque-là, il était beaucoup trop compliqué de ramener sur Terre les prélèvements. Maintenant nous avons la technologie pour les ramener et les analyser minutieusement dans nos laboratoires”, a conclu l’astrophysicienne au LESIA, qui a reçu la médaille d’argent de la NASA en 2018.

 

Margaux ABELLO (@Margaux Abello)

Sources :

http://www.planetastronomy.com/special/2019-special/05fev/Barucci-IAP.htm

https://www.asteroidmission.org/asteroid-operations/

http://www.hayabusa2.jaxa.jp/en/

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