Convoité par deux pays équipés de l’arme nucléaire, l’Inde et le Pakistan, l’état indien du Jammu-Cachemire fut le décor de trois guerres depuis 1947. Cette région de l’ouest himalayen, riche en ressources naturelles et frontalière du Tibet, de la Chine et du Pakistan reste un terrain d’affrontements militaires réguliers entre les deux puissances, malgré un cessez-le-feu promulgué en 2003.
Depuis les années 1960, les manifestations sont violemment réprimées par l’armée indienne et ont fait des centaines de morts civils. Aujourd’hui, la possibilité d’une nouvelle guerre est de nouveau d’actualité. 15 août 1947 : l’Inde est un pays indépendant. Lord Mountbatten, vice-roi des Indes, a la charge de faciliter la transition vers l’indépendance des deux états nés de la partition : l’Inde et le Pakistan. Le maharaja hindou Hari Singh, alors à la tête du Cachemire à majorité musulmane, a le choix entre ces deux nations, mais ne parvient pas à se décider. L’actuelle République islamique n’attend pas et envoie son armée. Le gouvernement indien procure son aide militaire à condition que le maharaja se prononce en faveur de l’Inde. Après cette première guerre indo-pakistanaise, un tiers du Cachemire est attribué au Pakistan et le reste à l’Inde. Les deux partis n’ont depuis pas cessé de s’accuser mutuellemen td’occuper illégalement le territoire.
Au début du mois d’août 2019, le président indien Ram Nath Kovind et son Premier ministre Narendra Modi ont abrogé l’article 35 A de la Constitution indienne. Ce texte législatif concernant le statut autonome de l’État assurait à ses habitants permanents des droits et libertés tels que celui d’occuper un poste de fonctionnaire, de bénéficier de bourses scolaires, et un privilège sur le droit de propriété. En révoquant ce texte, le gouvernement permet aussi aux Indiens et aux groupes industriels de venir s’installer et d’acquérir des terres au Cachemire. Quelques heures après la publication de la révocation, internet et les lignes téléphoniques (y compris celles des hôpitaux) sont coupés dans la vallée de Srinagar afin de prévenir les regroupements et manifestations. Nombre de cachemiris affluent vers l’aéroport de la capitale. Un couvre-feu est instauré, les marchés sont fermés, les touristes absents, et quelque 900000 soldats indiens font régner l’ordre. Le Pakistan n’a pas attendu pour se prononcer sur le sujet, revendiquant la souveraineté du Cachemire, défendant haut et fort les droits des cachemiris, et à demi-mot celui de prendre parti pour le Pakistan si un nouveau conflit se présente.
Outre la violation des droits de l’Homme qu’elle incarne, la décision de Kovind et Modi met le feu à la poudrière. À la tribune de l’ONU du 27 septembre, le Premier ministre pakistanais Imran Khan a annoncé : «Si une guerre conventionnelle éclate entre nos deux pays, tout peut arriver (…). Nous nous battrons (…) et quand un pays nucléaire se bat jusqu’au bout, cela peut avoir des conséquences bien au-delà de ses frontières ». Le Pakistan a d’ores et déjà expulsé l’ambassadeur d’Inde d’Islamabad et mis fin au commerce bilatéral. Alors que les droits de l’Homme sont bafoués et que certains parlent d’un potentiel génocide envers la population musulmane de la vallée de Srinagar, la communauté internationale ne souhaite pas intervenir. Les représentants politiques du Cachemire sont toujours assignés à résidence et leurs voix ne portent plus. À ce jour, le réseau n’a pas été rétabli à Srinagar et certaines familles sont sans nouvelles de leurs proches.
Ne serait-il pas temps de faire respecter l’autodétermination des peuples et de donner la parole aux cachemiris ?
Lucie Battin
Crédit photo : Lucie Battin, 2019