Cette année 2019 a été marquée par des vagues de manifestations populaires sans précédent. De Santiago à Alger, en passant par Hong Kong et Paris, une étincelle de rébellion s’est faite sentir dans le monde entier. Mais le 17 novembre dernier, premier anniversaire des gilets jaunes, reflétait une autre réalité : celle de l’enlisement de ces mouvements.
Ces contestations reposent pourtant bien sur des éléments concrets. L’accélération de ces mouvements coïncide avec la convergence de plusieurs facteurs : un ralentissement de l’économie mondiale, des inégalités qui s’accroissent et une explosion de la jeunesse qui génère de nouvelles générations frustrées et ambitieuses. En outre, l’expansion de la démocratie a stagné à l’échelle mondiale, laissant les citoyens convainquant certains citoyens que l’action de rue est devenue le seul moyen de forcer le changement.
Aujourd’hui, les soulèvements se développent et se répandent plus rapidement qu’au cours des dernières décennies. Mais ils n’en sont que plus fragiles. La mobilisation laborieuse qui caractérisait autrefois les mouvements populaires était lente mais durable. Bon nombre de protestations aujourd’hui naissent et s’organisent à partir des réseaux sociaux. Elles peuvent s’intensifier aussi rapidement qu’elles s’effondrent. Par ailleurs, les gouvernements autoritaires ont également appris à coopter les médias sociaux, en les utilisant pour diffuser de la propagande, rallier des partisans ou semer la confusion.
D’autre part, il a été démontré que plus ces mouvements se développent, plus leur taux de réussite chute. Selon une étude réalisée par Erica Chenoweth, politologue à l’Université de ’Harvard, il y a seulement 20 ans, 70% des protestations réclamant un changement politique systémique l’obtenaient. Ce chiffre qui n’avait cessé d’augmenter depuis 1950, a vu sa tendance s’inverser au milieu des années 2000. Le taux de réussite des mouvements sociaux se situe aujourd’hui à seulement 30
La rébellion a peu à peu perdu son caractère exceptionnel, jusqu’à faire aujourd’hui partie cette année du paysage social mondial quotidien. Violette VIARD