« C’est entre 15 et 25 ans que les troubles psychiatriques apparaissent en grande majorité » affirme l’Organisation Mondiale de la Santé en 2008. Cette information établit un lien direct entre la maladie psychiatrique et l’adolescence.
L’adolescence entraîne avec elle des changements physiques et mentaux. Concrets et abstraits. Durant la puberté, plus que notre corps, c’est notre perception qui évolue. Plus complexe, elle redéfinie notre rapport à notre environnement et à nous même. Toutefois, quand le raisonnement abstrait s’éloigne trop du concret celui-ci peut révéler une maladie d’ordre mental. La schizophrénie, la dépression, les troubles obsessionnels compulsifs, la bipolarité et les troubles de la personnalité borderline sont les plus répertoriées. Empêchant aux personnes qu’elles affectent de s’adapter aux situations du quotidien, elles créent un décalage entre elles et leur entourage.
Différents, les adolescents atteints de troubles psychiques captivent les artistes et plus particulièrement les cinéastes. Influents, on se penche sur l’impact de leurs réalités sur leurs oeuvres et réciproquement.
Entre représentation et stigmatisation
Les adolescents souffrant de troubles psychiques jouent un rôle de premier plan au cinéma. S’affranchissant des règles sociales ils permettent aux films de s’affranchir de celles de leur média. Permettant un rendu plus réaliste leur respect est nécessaire. Néanmoins, il est intéressant de rechercher également l’abstrait. Ainsi, plus le rapport du malade à la réalité est altéré, plus la liberté du cinéaste sera assurée. S’explique alors le grand nombre de films traitant de la schizophrénie.
Dès 1965 dans Répulsion, Roman Polanski, réalisateur controversé, traite de l’amour au travers de Carole une ado schizophrène. Interprétée par Catherine Deneuve, Carole passe par de nombreuses émotions révélant l’éventail de jeu de l’actrice. La narration, le cadrage comme le montage représentant le point de vue de l’adolescente sont eux aussi affectés par son état. Le rendu lyrique fait du film un classique. Plus récemment sortait Donnie Darko (2001), un film réalisé par Richard Kelly et qui, à la façon de Répulsion atteint un certain lyrisme. Donald, garçon de 16 ans, schizophrène, se prépare à affronter l’apocalypse. C’est Frank, un lapin menaçant, qui la lui a annoncée. Le réalisateur fait ici de l’adolescence solitaire du protagoniste le synonyme de la fin du monde.
Salués par la critique, ces films posent la question de la représentation des personnes atteintes de maladies mentales, ici de schizophrénie. Selon l’étude Schizophrénie au cinéma : représentation et action de déstigmatisation, pour plus de 80% des interrogés, la maladie était associée à la violence et à l’imprévisibilité. Dans notre société, la stigmatisation des personnes atteintes reste importante et elle est en partie liée aux représentations véhiculées par le cinéma. Cependant les choses tendent à changer.
« L’adolescence ça pue pour tout le monde »
De la même façon que le cinéma peut véhiculer des préjugés, il peut aussi très bien contribuer à leur arrêt. En 2018 aux États Unis apparaît sur Netflix Maniac. Cette série nous présente dans un futur proche Annie et Owen, dépressive et paranoïaque, cherchant à travers un essai clinique à mieux comprendre le fonctionnement de leur maladie afin de vivre avec.
En France, depuis octobre 2019 est diffusée la série Mental. Réalisée avec des psychiatres elle se focalise sur un groupe d’adolescents souffrant de troubles psychiques : Marvin, Estelle, Simon et Mélodie. Ce ne sont pas leur maladie qui les définissent mais bien qui ils sont en tant qu’individu car comme le dit un soignant dans la série « l’adolescence ça pue pour tout le monde ». Ainsi il nous est permis de les découvrir dans leur quotidien interagissant avec leur famille, leurs amis, leurs amours mais aussi parlant de leur traitement et de la façon dont il les affecte. En apprenant à mieux connaître ces personnages en tant que personnes il nous est permis de mieux comprendre leurs choix.
C’est ce qui a poussé en début d’année le YouTuber français Sulivan Gwed dans une vidéo à conseiller à sa communauté de plus de 1 700 000 abonnés de regarder cette série. Il leur y explique sa relation complexe avec l’anxiété les invitant eux aussi à parler de leurs troubles. Pouvant fortement impacter la qualité de la vie, la prise en charge précoce est un enjeu capital de ces maladies
Présentes depuis longtemps dans la culture populaire ce n’est que récemment que la représentation des maladies mentales s’est améliorée. Une telle évolution en plus de mettre fin des préjugés, permet à de nombreux jeunes d’identifier chez eux ou leur proches les symptômes révélateurs d’une maladie.
Jesse EKO EBONGUE
Il y a encore de très gros progrès à faire dans ce domaine ! Merci pour votre chronique