Alors que le mois d’octobre 2020 vient d’être amorcé sous des nouvelles peu réjouissantes avec la nette augmentation des cas de COVID19 en France, les Franciliens ont pu néanmoins profiter d’une échappatoire emplie d’étoiles grâce en partie au festival de l’espace Star’s Up.
Le samedi 3 octobre s’est déroulé à Meudon, pour la deuxième année consécutive, le rendez-vous immanquable entre curieux, passionnés et spécialistes de l’astronomie. Afin de partager au plus grand nombre cette bulle d’air frais, la manifestation scientifique a été filmée en temps réel sur la page Facebook du festival Star’s Up. À propos — si ce n’est pas encore chose faite —, vous pouvez visionner en ligne la rediffusion des conférences où se sont exprimés différents corps de métier en lien avec le spatial : chercheur, ingénieur, journaliste scientifique, photographe et même compositeur ! Chaque intervenant avait pour mission de parcourir une facette de la thématique « la lumière » en quinze minutes montre en main, et le défi fut largement relevé.
Parmi les nombreux sujets abordés lors de cette journée, David Elbaz, astrophysicien au CEA de Saclay, a souhaité revenir sur quelques-uns des résultats époustouflants apportés par le télescope spatial Hubble (HST) en l’honneur de ses trente années de bons et loyaux services.
D’où vient l’idée de placer un télescope en orbite autour de la Terre ?
« Quand on regarde les étoiles la nuit, on les voit scintiller. C’est une conséquence directe de l’interaction avec l’atmosphère terrestre, qui, dans les faits, dévie les rayons lumineux issus des astres et rend donc les images de l’Univers totalement floues », a démarré le directeur de recherche au département d’Astrophysique. C’est en ayant ce constat en tête qu’en 1946, l’astronome américain Lyman Spitzer suggère de disposer un satellite en dehors de notre couche d’air bienfaitrice pour observer sans altérations les sources astrophysiques. Ainsi, le 24 avril 1990, le premier télescope spatial fut inauguré à 590 km au-dessus de la surface de la Terre : le célèbre télescope Hubble. En outre, ce projet n’aurait pu voir le jour sans la persévérance de James Edwin Webb, le deuxième administrateur général de la NASA, auprès du gouvernement des États-Unis. En effet, il est parvenu à rediriger quelques pourcentages du financement destiné à la conquête de la Lune pour nourrir la recherche fondamentale menée sur l’espace. C’est pour cette raison que le successeur du HST a été baptisé le télescope spatial James Webb (JWST).
HST a-t-il vraiment changé notre compréhension de l’Univers ?
« La plupart des images du ciel connues et diffusées sur internet aujourd’hui proviennent du télescope Hubble », a poursuivi le chercheur qui s’intéresse tout particulièrement à la formation des galaxies. Au-delà de ses clichés saisissants, les observations du HST a sensiblement aiguillé les astrophysiciens vers de nouvelles interrogations — toujours plus fines et complexes — vis-à-vis des objets peuplant l’Univers. Le satellite au miroir de 2.4 m de diamètre a notamment révolutionné la vision des galaxies en révélant que les trous noirs supermassifs (TNSM) sont finalement omniprésents et qu’ils possèdent un lien indissociable avec celles-ci. « À l’image de la relation entre le fruit et son noyau, quelle que soit la galaxie considérée vous y trouvez forcément un trou noir en son centre, dont la masse intrinsèque vaudra des millions voire des milliards de fois celle du Soleil », a expliqué avec émerveillement David Elbaz. Ce changement de paradigme pour les galaxies fut possible grâce au spectrographe embarqué à bord (cf. image ci-dessous). Son rôle était d’analyser la lumière libérée par la matière diffuse rassemblée autour d’un point invisible, au niveau du centre galactique.
L’instrument pouvait alors traduire le mouvement du plasma (i.e. le quatrième état de la matière consistant en un mélange de particules neutres, d’ions et d’électrons) grâce aux décalages spectraux que subissait la lumière. Le spectre se déplaçait vers le rouge si la matière s’éloignait de nous et vers le bleu si, au contraire, elle s’approchait. La mesure de la vitesse à laquelle le gaz ionisé virevoltait permettait ensuite aux scientifiques de déduire la valeur de la masse en jeu pour maintenir cette dynamique. Lorsqu’il est question de millions de masses solaires, il ne peut s’agir que d’un trou noir.
« Ce qui est d’autant plus troublant dans cette affinité c’est que les trous noirs galactiques détiennent une masse qui vaut systématiquement près d’un millième de la masse totale contenue dans la galaxie », confia-t-il. En d’autres termes, si une galaxie canalise un milliard de masses solaires, son TNSM fera un million de masses solaires. Toutefois, attention aux amalgames ! Bien qu’il semble monstrueux de par sa masse, le TNSM n’influence pourtant ni la gravité ni la rotation de la galaxie. Son effet gravitationnel est limité au centre de la galaxie et est donc négligeable à l’échelle d’une galaxie. De quoi ajouter une couche supplémentaire au millefeuille de mystère entourant les galaxies et leur trou noir.
Quelle attente pour son successeur JWST ?
HST a été bénéfique à l’étude astrophysique par le truchement de son regard résolument moderne sur l’Univers. À titre d’exemple, les astronomes se sont rendus compte que dans l’Univers lointain (i.e. peu de temps après le Big Bang), les premières galaxies — comme GN-z11 — étaient bien plus petites et plus compactes que celles situées dans notre Univers local (i.e. l’Univers à l’heure actuelle, soit 13.7 milliards d’années après le Big Bang). Ces corps célestes étaient donc complètement différents à ce moment-là, ce qui constitue une énigme supplémentaire à la clef : « Comment l’Univers, qui était si peu efficace à fabriquer des étoiles et des galaxies au cours de son histoire, a-t-il pu engendrer des galaxies ultra compactes accompagnées d’un trou noir en leur centre ? », a explicité le membre de l’Académie des Sciences Européenne.