La précarité menstruelle en Inde

En février 2020, 68 étudiantes indiennes ont été forcées de se déshabiller dans l’université de Sahajanand Girls Institue à Bhuj, dans l’ouest de l’Inde. Pourquoi ? Pour vérifier si elles étaient en période de menstruation. Une serviette hygiénique usagée avait été retrouvée dans un jardin de l’université, alors que le règlement intérieur oblige les femmes ayant leurs règles à rester à l’écart de l’université.

La précarité menstruelle, autrement dit, le manque d’accès aux protections menstruelles, touche jusqu’à 500 millions de femmes dans le monde. Le coût des protections hygiéniques en est la principale cause, mais le manque d’éducation et d’information y contribue également. Ce problème touche tous les pays du monde, il est cependant évident  que les femmes des pays pauvres en sont les premières victimes. L’Inde en est un exemple typique, avec ses 1 300 000 000 habitants dont 933 femmes pour 1000 hommes.

Avoir ses règles en Inde : un tabou

Avoir ses règles en Inde est un véritable tabou. Il en a toujours résulté un sentiment de honte et d’impureté, au point que les femmes ne peuvent visiter les temples hindous durant leurs règles, seules les très jeunes filles peuvent entrer dans certains temples. De ce tabou naissent même des superstitions, comme de ne pas laisser une femme en période de menstruations entrer dans la cuisine, car cela pourrait faire échouer une recette. Seulement, ce dégoût des menstruations peut devenir plus grave, voire dangereux. Par exemple, la pratique népalaise du chaupradi consiste à enfermer les femmes dans des bâtiments insalubres, parfois sans eau ni électricité, le temps de leurs menstruations.

Des difficultés à se procurer des protections adaptées

De fait, les femmes indiennes n’ont pas directement accès aux protections menstruelles et doivent trouver des solutions « maisons », renforçant leur précarité. Certaines en viennent à utiliser un chiffon en guise de protection hygiénique. Toutefois, cela pose d’importants problèmes sanitaires car celui-ci peut être mal lavé et, donc, entraîner des infections. Les plus précaires se voient même contraintes d’utiliser des feuilles ou de la sciure de bois.

Cela concerne davantage les zones rurales du pays où le manque d’éducation fait que certaines ignorent les principes élémentaires de la toilette intime. Cette situation est aggravée par l’analphabétisme empêchant les femmes de s’informer. Ce phénomène s’auto-entretient puisqu’un quart des filles indiennes sont déscolarisées pendant leurs règles car elles ne disposent pas de moyens adéquats pour aller à l’école en période de menstruations.

Une femme fabrique une serviette hygiénique durant une démonstration dans l’atelier de Chaya Kakade, en Inde, le 13 juin 2019. Karen Dias pour LE MONDE, tous droits réservés. 

Des initiatives citoyennes cherchent à mettre fin à ce problème

Face à ce problème, des citoyens tentent de mettre en place des solutions. Arunachalam Muruganantham a alors inventé une machine fabriquant des serviettes hygiéniques. Cet outil est présenté dans le documentaire Les règles de notre liberté , primé aux Oscars en 2019. Celui-ci nous invite à observer la confection de cette machine, puis sa diffusion au sein des campagnes indiennes. Il existe également de véritables initiatives citoyennes ayant pour but de briser ce tabou, comme la campagne féministe « Happy to Bleed » (« Heureuse de saigner ») ou la bande dessinée Menstrupedia, qui tentent d’expliquer le fonctionnement des règles aux jeunes Indiennes et de pallier leur manque d’éducation.

Documentaire “Les règles de notre liberté”, réalisé par Rayka Zehtab, 2019. Tous droits réservés.

Lena CHARVIN

Couverture :  Des femmes manifestent pour l’hygiène menstruelle, WASH United/Flickr, 28 mai 2014. Tous droits réservés.

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