Tandis que la pandémie mondiale met en péril le secteur touristique, une compagnie aérienne thaïlandaise renouvelle cependant le concept du voyage. Une idée tout à fait inouïe. En effet, lorsqu’en avril dernier les frontières se ferment à nouveau, la Thai Airways reçoit l’accord du gouvernement pour l’ouverture inédite d’un nouveau type de restaurant.
Si, au début, les restrictions sanitaires interdisent la vente de nourriture à plus de 300 000 pieds, et clouent ses avions au sol, elle intervient avec une idée reprise par beaucoup d’autres : celle de vendre à emporter ses repas sous-vide. Ainsi, observant un certain succès, elle décide d’ouvrir à Bangkok un café-restaurant, rejouant avec la plus grande exactitude un départ en avion.
Ses clients, dont certains regrettaient l’ambiance des aéroports, peuvent de nouveau embarquer en profitant de tous les services mais… sans décoller. Pour cela rien de plus simple, il suffit de réserver son siège, de télécharger sur son téléphone sa carte d’embarquement à présenter à l’entrée du restaurant. Pour encore plus de réalisme, des hôtesses revêtues de leurs uniformes aux couleurs de la compagnie saluent les passagers et les installent à leur siège. Le billet correspond même aux classes : économique ou business. Un ancien pilote de la flotte Varavut Chevevej s’est d’ailleurs porté volontaire pour accueillir les clients. La mise en scène convaincante s’étend jusqu’au mobilier : des anciennes pièces de moteurs, des roues d’avions et des vitres provenant de pièces détachées servent de pied de table.
La cabine, ouverte jusqu’à quatorze heures, propose deux services : l’un à sept heures avec son petit déjeuner international, le second à neuf heures, emballé sous plastiques et apporté sur un plateau repas. Le menu est au choix selon ceux normalement servis à bord. Un shawarma au poulet ou du bœuf Kut Tah et son riz collant réjouit les passagers nostalgiques autant des voyages d’affaires que touristiques. Enfin, ils peuvent finir sur note sucrée en dégustant un gâteau au fromage à la mangue. Un décor en carton imitant l’entrée en cabine donne aux photos Instagram un ton de départ en voyage. Finalement, les passagers concluent leur expérience par une descente sur un escalier de débarquement emprunté des pistes.
Si la réservation de son siège peut coûter aussi cher qu’un véritable billet, le repas est cependant à faible prix : rien au-dessus de six dollars. Le personnel peut ainsi continuer de travailler et la compagnie étend sa publicité. Un autre avantage de ce dispositif, repris par d’autres compagnies, est la réduction des pertes de nourriture ainsi que le recyclage de certaines machines.
Toutefois, peu de gens peuvent s’offrir ce billet et l’expérience semble ainsi réservée à la bourgeoisie de Bangkok. De ce petit voyage insolite l‘unique souvenir à rapporter est peut-être la carte d’embarquement offerte par l’équipage. Une escapade au sol pour un voyage ne menant nulle part. Une idée bien originale dans le contexte inédit du confinement.
Zoé LE BACQUER
Couverture : Illustration de Centaure Emeline (instagram : @emeline_centaure)