nous aimons le rap

Ambroise et Léopold se sont lancés, l’été dernier, dans l’analyse littéraire et musicale du rap. Dans ce témoignage, tous deux nous présentent la façon dont ils effectuent l’étude de ce genre musical tout en nous offrant une nouvelle manière de le considérer. 

En quoi consiste votre chaîne YouTube ? 

Ambroise : Nos vidéos ont pour but de promouvoir le rap en général et plus particulièrement le rap actuel, en le connectant parfois à d’autres arts et d’autres univers.

Comment vous êtes-vous lancés ? 

Léo : L’idée de la chaîne a germé à la mi-juillet 2020. Il a fallu, ensuite, s’équiper et attendre le cœur de l’hiver avant que ne sortent de terre nos premières vidéos sur Dinos et Kaaris. Tout le travail d’une chaîne débutante comme la nôtre, c’est de se fabriquer en vitesse une identité visuelle. Justement, grâce au travail d’une jeune illustratrice (@juliepaturange), la chaîne a pu se démarquer dès son lancement par un jingle et un logo n’appartenant qu’à elle : un petit être cagoulé, sorte de Kalash Criminel miniature, résolument pacifique. Parallèlement s’est montée une page Instagram (@nousaimonslerap_) à la fois extension et relais de notre chaîne YouTube. 

Pourquoi avoir choisi le nom « Nous aimons le rap » ? 

Ambroise : « Nous aimons le rap » est une façon d’affirmer notre passion pour ce genre musical. Appeler notre chaîne comme ça, c’est donner d’ores et déjà le goût de ce que nous proposons ; c’est nous désigner nous-mêmes mais c’est aussi inviter à faire de même, c’est-à-dire aimer le rap. En même temps, c’est presque une provocation ; cela peut sonner comme « nous aimons le rap et pas vous » ou « vous ne l’aimez pas correctement », comme pour inviter à venir voir de plus près ce qui se passe dans notre univers. 

Quel est le but de votre chaîne ? 

Léo : L’ambition de la chaîne est simple : proposer de nouveaux récits sur une musique écoutée partout et par tous. Si le rap connaît depuis ces dernières années un âge d’or commercial, il souffre encore d’uniformité dans son traitement médiatique. Trop souvent, l’actualité pressante fait oublier que le rap français porte un héritage vieux de 30 ans. De même que la valeur du rappeur est, parfois, réduite à ses chiffres de vente, sa « hype » ou à ses productions musicales, sans que ne soit abordée la qualité littéraire de ses textes. Le but de NAR est, en bref, de sortir des chemins déjà battus pour braquer un autre éclairage sur un genre à connaître et qui abrite plus d’un trésor.

Quel temps cela vous prend-il de réaliser ces vidéos ? 

Ambroise : Réaliser des vidéos ne prend pas tant de temps que ça mais c’est une période qui s’inscrit systématiquement dans le temps long. Nous sommes étudiants, nous avons d’autres engagements donc nous ne sommes jamais à même de prêter d’affilée les 72 heures nécessaires à écrire, enregistrer et monter les vidéos.

Avez-vous chacun un rôle prédéfini dans votre travail ? 

Léo : L’intérêt de cette chaîne est, sans doute, d’être tenu en duo et d’avoir un « double-fond ». Par là, je veux dire qu’elle n’est pas travaillée par un goût exclusif et une opinion monocorde. Bien qu’il y ait des concertations permanentes sur les routes à suivre et à éviter, le rôle de chacun est de se trouver un style indépendant et identifiable. Cela n’empêche pas à la chaîne de conserver une cohérence générale, ni notre collaboration plus étroite sur certaines vidéos comme nous l’avons fait et le referons sous peu.

Pour le moment vous réalisez surtout des vidéos sur la figure d’un rappeur spécifique, avez vous des projets différents pour le futur ? 

Ambroise : C’est tout à fait vrai, pour l’instant nous menons un travail ponctuel et qui se veut précis. Et justement, nous constatons que les considérations plus générales sur le rap plaisent, attisent la curiosité et occasionnellement la contestation, dans le sens où la position politique du rap amène, parfois, à prendre position. Pour s’abriter dans un juste milieu passionnant, nous songeons à travailler très bientôt sur une approche géographique du rap. 

Quelle place accordez-vous au rap dans la musique ? 

Léo : A l’évidence, le rap sera la musique hégémonique du prochain quart de siècle puisqu’elle est déjà, et cela depuis quelques années, le genre le plus consommé du monde. Ceci s’explique par son extraordinaire vitalité : le rap, étant construit sur la culture du « sample », demeure imperturbable au croisement de tous les autres genres musicaux. Il est légitime de parler de « musique-cannibale » tant le rap a tout autant puisé ses succès dans la funk, le disco, le rock ou l’électro. Ce genre a la propriété d’être en contact systématique avec ses contemporains, en condensant les tendances de l’époque, lorsqu’il ne les dicte pas lui-même.

Quel est votre point de vue sur l’état actuel du rap ? 

Ambroise : C’est une vaste question et je précise que cette réponse n’engage que moi. Le rap actuel n’est pas aussi diversifié qu’on le suppose. Il garde une personnalité forte. Ses nuances ne sauraient être appréciées que dans le rapport de familiarité que l’auditeur actuel entretient avec le rappeur, et beaucoup moins dans le rapport de sensibilité que l’oreille entretient avec la musique. Aujourd’hui, on écoute tel rappeur et non plus un genre spécifique. Le rap actuel, c’est alors le rap des rappeurs ; celui qu’on aime chez eux, et qu’ils dérivent en série. C’est un clip, un grain de voix, « un gimmicks », un type d’instrumental et cela transcende la seule musique. Mais si ça la prédétermine, ça ne la rend pas moins bonne. 

De plus en plus de chaînes se créent autour de la critique et de l’analyse du rap, que pensez-vous de cette tendance ? 

Léo : Si cette tendance existe, elle demeure embryonnaire. L’analyse du rap, longtemps en déshérence, ne se compose que de quelques sites connus des passionnés comme L’abcdr du son ou autres chaînes YouTube. C’est un terrain quasiment vierge, surtout que cette école critique a le défaut, même chez les plus spécialistes, de rester en surface des choses. L’objectif de la chaîne est donc d’occuper cet espace vacant dont la mission est de faciliter l’émerveillement de l’auditeur face à une musique secrètement riche de sens.

Experts en rap, novices ou grands curieux, retrouvez tout le contenu de « Nous aimons le rap » sur YouTube et sur Instagram 

Propos recueillis par Camille PATURANGE 

Couverture : ©Mélina Phung

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