L’esthétique du sourire 

Le sourire est l’une des expressions faciales les plus polyvalentes, elle se prête à la communication de nombre d’émotions : la joie, la gêne, la politesse… Au fil du temps, son instrumentalisation a été conséquente à sa popularité. Ainsi, le sourire se trouve figé dans des canons de beauté qui varient d’une culture à l’autre. Alma Mater propose de vous amener à la découverte du sourire, en partant de ses variantes pour aboutir à ses excès. 

Le sourire, une histoire de marketing

Le sourire, comme toute habitude de l’homme, s’instaure dans une culture et acquiert une symbolique plus profonde que le simple mouvement musculaire duquel il découle. L’Occident aujourd’hui l’interprète comme la marque du bonheur, de l’épanouissement personnel et de la réussite sociale, et cela, grâce à son emploi marketing. Pourtant, ça n’a pas toujours été le cas. Ce sont les années 1920 qui déclenchent ce phénomène lorsque Kodak, la célèbre industrie photographique, rend le cliché non plus austère, mais comme  ? un cérémonial familial heureux ? (David Le Breton, Sourire, Une anthropologie de l’énigmatique, 2022). Par la suite, aux États-Unis se répandent les marques qui vendent les produits aptes à garder les dents propres. Le soin dentaire qui, dans un premier temps, visait l’hygiène personnelle se retrouve d’un bond chargé d’un potentiel esthétique et économique colossal. De plus, Hollywood va jouer un rôle important dans la canonisation du sourire blanc parfait. En effet, le contraste entre le noir et le blanc des pellicules rend fondamentale la blancheur des dents qui auraient autrement paru comme grises. Dès lors, le sourire est mis en valeur dans tous les pays de l’Occident. Dans l’objectif de vente et de consommation, le sourire ? traduit une satisfaction, un acte de béatitude devant l’achat ? affirme David Le Breton. 

Publicité pour les pellicules Kodak, 1909

La polyvalence du sourire 

Bien que présent dans toutes les cultures, le signifiant qui est attribué au sourire n’est pas toujours le même. Kuba Krys, professeur à l’université de psychologie à la Polish Academy of Science, dans l’article Be careful where you smile : culture shapes judgments of intelligence and honesty of smiling individuals (en français : Sois prudent là où tu souris : la culture forme le jugement sur l’intelligence et l’honnêteté des individus qui sourient) prend en considération le penchant polysémique de ce geste. Il a étudié la façon dont, dans des pays à haut pourcentage de corruption, les gens sont portés à être plus sceptiques vis-à-vis du sourire. En effet, cela peut être considéré  comme un indice de déshonnêteté. Pour étudier ces changements, il a interviewé 5 216 personnes issues de 44 cultures différentes et il s’est aperçu que la positivité non-verbale du sourire pouvait être négativement associée. De même, il porte l’attention sur la limite représentative des interviewés par rapport à la population totale de leur pays. D’où la cautèle avec laquelle on doit manier ces résultats et éviter de les transformer en vérités générales. 

Les excès du sourire 

Aujourd’hui, de plus en plus de gens recherchent la perfection dentaire, et cela même au détriment de leur propre santé. C’est le cas par exemple des pratiques de limage des dents auxquelles de nombreuses personnes se soumettent. Après l’opération, les dents apparaissent alignées et parfaitement blanches. La pratique consiste à limer les dents (pourtant saines) et à poser des couronnes pour en révolutionner l’aspect. Ce procédé n’est pas sans risques. En effet, il fragilise la dentition et la rend plus susceptible de tomber précocement. Christophe Lequart chirurgien dentiste et porte-parole de l’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire, affirme qu’ ? en France un spécialiste peut être attaqué pour mutilation dentaire. C’est pourquoi certains patients se rendent dans d’autres pays pour subir cette intervention.? Ce ne sont pas seulement ces opérations extrêmes qui mettent en danger la santé buccale des personnes, mais aussi des produits plus présents au quotidien. Selon des chercheurs de la Stockton University du New Jersey, le peroxyde d’hydrogène, (présent dans les bandes blanchissantes), endommagerait la dentine, qui constitue la majeure partie des dents, en diminuant en elle la présence de collagène et d’autres protéines. 

Le sourire est désormais, dans la société occidentale, un symbole esthétique et économique. Selon James Gutmann, président de l’association American Academy of the History of Dentistry, ? Les dentistes ne font pas le même travail aujourd’hui qu’il y a trente ans. L’objectif est de vendre, vendre, vendre ?.  

Silvia Cavallini Campana 

Sources : 

https://www.lemonde.fr/ete/article/2011/07/19/russie-surtout-ne-pas-sourire_1550404_1383719.html#:~:text=Sourire%2C

https://journals.openedition.org/terrain/15157

https://www.matthieuricard.org/blog/posts/un-geographie-du-sourire

https://frenchmorning.com/pourquoi-les-americains-adorent-les-dents-blanches/

https://archipel.uqam.ca/1427/1/D1687.pdf

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