Le vidéoclub : une institution qui survit

La boutique du coin de la rue face à Internet

Si vous ne vous souvenez pas des vidéoclubs, alors vos parents s’en rappelleront. Boutique conviviale, le vidéoclub était la possibilité d’aller au cinéma… à domicile ! Des cassettes VHS aux plus récents des DVD, voyons comment perdure cette institution du « cinéma de poche ».

Permettant de louer des films à un prix abordable, les vidéoclubs faisaient fureur dans les années 1980. A cette époque, ils étaient près de 8000 en France. Philippe Zaghroun, le propriétaire de JM Vidéo, l’un des derniers vidéoclubs de Paris, se confie à une équipe de France Télévision : « C’est toute une histoire, toute une époque. Vous vous rendez compte ? Prendre un film, et le regarder chez soi. C’était extraordinaire ». La nostalgie serait-elle donc le seul recours face à la modernité ?

L’émergence de la vidéo à la demande : l’iceberg qui fit couler les vidéoclubs

C’est dans les années 2000 que la vidéo à la demande vient détrôner les vidéoclubs. Celle-ci, encore plus aisément accessible, frappe l’industrie en plein cœur. Les vidéoclubs de France et du monde ne se relèveront jamais vraiment. A Paris, Philippe Zaghroun alerte : « Sur 50 000 titres différents, on a environ 8000 films absolument introuvables. Si on disparaît, ces films disparaissent avec nous. ». Les vidéoclubs demeurent ainsi uniques, en tant que leur offre ne se trouve nulle part ailleurs. 8000 films sur un total de 50 000, c’est par conséquent presque un cinquième de ce que propose M. Zaghroun. Autant de culture sur le point de s’évanouir dans la nature. Toutefois, les vidéoclubs survivent.

A Lyon : le Netflix préhistorique

Comment concourir avec un algorithme ? C’est la question que se sont posés les gérants du vidéoclub de l’Aquarium ciné-café, à Lyon. Ils ont choisi de combattre le feu par le feu, et ce de manière originale. Voyant leur clientèle opter pour les plateformes de streaming, directement accessibles de chez soi, ils proposent donc la location de leurs films sous forme d’un forfait. 10 euros par mois, pour pouvoir profiter de 9000 films proposés : « Notre algorithme, c’est un humain ». D’autant que les jeunes trentenaires propriétaires du vidéoclub n’ont pas à rougir de leur offre. 9000 films, contre une addition de 4000 films et 2000 séries pour une plateforme comme Netflix. Ainsi, bien que la petite boutique du coin de la rue semble dérisoire à côté du géant Netflix, force est de constater les faits : les vidéoclubs demeurent un centre névralgique de la culture cinématographique.

Se diversifier pour survivre

Pourtant, rien n’y fait. Les vidéoclubs sont désertés, et ferment tous un par un. Pour survivre, ces derniers n’ont d’autre choix que de diversifier leurs activités. D’ailleurs, aujourd’hui, rares sont les vidéoclubs qui parviennent à vivre pleinement de la seule activité de location de DVD. Concernant les rescapés du déluge technologique, il est fréquent d’observer des cinémas, des cafés qui se servent de la location de DVD comme d’un complément. Est également observable une baisse drastique des tarifs pratiqués dans l’enceinte des magasins. Avant, le cinéphile pouvait acquérir une carte de dix locations, et ce pour un tarif de 25 euros. Désormais, la donne n’est plus la même. Pour augmenter l’accessibilité des DVD, le Lyonnais Clément Seguin permet même à ses clients qui n’en ont pas, la location d’un lecteur DVD pour 3 euros par mois. Cela permet à toute personne avertie de profiter d’une offre large, à bas prix.

La fin des vidéoclubs : un phénomène social

Déjà en 2015, Laurent Bitane, gérant du vidéoclub parisien de la Onzième heure, affirmait que louer un film signifie aussi pouvoir en discuter. Le rôle du vidéoclub est avant tout de placer l’interaction sociale en avant-poste. Le fait de dénigrer ce mode de fonctionnement rend compte d’un phénomène social. Les clients ne veulent plus se déplacer. Par ailleurs, M. Bitane insiste sur la perte de la moitié de sa clientèle, qui se voit démunie face à la perte de leur vidéoclub. Un client témoigne : « Il ne faut pas que des gens qui aient des projets comme ceux-là et qui produisent ce genre de relations soient enterrés vivants ». Une lutte s’est donc lancée afin de sauver les 5 % de vidéoclubs ayant survécu, notamment par le biais de pétitions. Pour la Onzième heure, la pétition a récolté près de 400 signatures. Ce soutien n’a pas suffi.

Les vidéoclubs sont-ils tous condamnés ? N’y a-t-il plus d’échappatoire ? La fermeture des vidéoclubs montre, au-delà d’un désintérêt de la population pour ces magasins, un tournant technologique. Mais le progrès est-il synonyme d’évolution ?

Doryann Lemoine

Sources :

https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/cinema-le-videoclub-une-histoire-des-annees-80-et-une-memoire-a-preserver_4908593.html

https://actu.fr/auvergne-rhone-alpes/lyon_69123/lyon-c-est-l-un-des-derniers-video-clubs-de-france-notre-algorithme-c-est-un-humain_54099156.html

https://www.lemonde.fr/cinema/video/2015/06/20/la-lente-agonie-des-derniers-video-clubs_4658624_3476.html

Couverture : © Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0

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