Le retour en force de la photographie à l’argentique

Dans la famille “retour du vintage”, la photographie argentique occupe une place prépondérante. Récemment, une énorme pénurie a touché le fabricant de pellicules Kodak qui ne pouvait plus faire face à la demande exponentielle. Alors même que l’entreprise avait quasiment fait faillite en 2010, elle est aujourd’hui obligée de recruter massivement pour répondre aux besoins des consommateurs. La photographie argentique a en effet su trouver un nouveau public, majoritairement jeune, qui y voit une alternative originale et décalée à la photographie instantanée sur smartphone. Alma Mater vous emmène en reportage pour donner la parole à ceux qui participent à cet engouement phénoménal. 

Un phénomène essentiellement jeune

Comme beaucoup de jeunes autour d’elle, Margaux, étudiante vingtenaire en psychologie, s’est lancée il y a moins d’un an dans la photographie argentique. Depuis, elle arpente régulièrement les vide-greniers à la recherche d’appareils photo vintage à chiner. Elle nous explique ce qui l’a conquis dans cette pratique : “Ce que j’aime bien dans l’argentique, c’est le fait qu’on prend ses photos et qu’on ne les voit pas tout de suite. On va les faire développer et on les verra au mieux trois semaines après, sinon peut-être six mois plus tard et donc, on va redécouvrir des moments qu’on avait pu oubliés.”

Du côté du boulevard Saint-Michel, à quelques pas de la Sorbonne, Hassan Komsan nous reçoit dans son petit kiosque à journaux. Il y vend des appareils photographiques argentiques anciens, très demandés. Selon lui, “ Ça fait trois ans maintenant que c’est la mode”. Son public principal ? Les étudiants, qui optent pour des appareils légers et compacts, pratiques pour voyager, et les touristes, venus chercher le charme des appareils vintage. 

L’explosion de la demande dans les laboratoires parisiens

Reportage Image, un laboratoire photographique près de République, est particulièrement représentatif de la demande exponentielle qui touche les laboratoires photographiques parisiens. Là, l’explosion de la demande pour faire développer des pellicules s’est clairement fait ressentir, comme nous l’explique l’un de ses vendeurs : “En termes de chiffres on est passé de 2 000 à 10 000 clients en un an. D’ailleurs, en ce moment, dans les nouveaux shooters, on n’a que des nouveaux clients. Même en ce qui concerne la vente des pellicules, il n’y a plus de stock nul part. Nous, on galère à choper des stocks et dès qu’il y en a, ils partent super vite.”

Le laboratoire est d’ailleurs victime de son succès. Au retour des vacances d’été, les délais pour récupérer sa pellicule peuvent parfois atteindre jusqu’à deux semaines ! Si au départ il s’agissait d’un laboratoire de quartier, qui attirait essentiellement des professionnels de la photographie, aujourd’hui, la fréquentation s’est considérablement rajeunie. Étudiants, lycéens, et même collégiens viennent faire développer leurs pellicules là-bas. 

Le déclencheur des réseaux sociaux

Si le bouche-à-oreille a bien sûr un rôle à jouer, les réseaux sociaux (et notamment Tiktok) ont largement contribué à promouvoir le labo de Reportage Image, et, au-delà, à diffuser l’attrait pour la photographie argentique. Ainsi, une photo postée par Kylie Jenner en 2016 où celle-ci tient un appareil photo AE1 dans les mains, a eu pour conséquence directe une augmentation exponentielle de son prix. Pour le vendeur de Reportage Image, c’est aussi l’accessibilité, financière notamment, qui a permis de faire redécouvrir cette pratique : “Je pense que cette facilité à acquérir de l’argentique – parce qu’au début c’était vraiment pas cher, il y a deux ans les prix c’était pas ça, tous les appareils, on pouvait les avoir sur Le Bon Coin à cinq euros – ça a donné beaucoup d’intérêt aux gens. Ça leur a donné envie de se mettre dans le truc, surtout qu’ils ne voyaient plus que ça sur les réseaux.”

La photo authentique, un prix à payer ? 

Cependant, les prix ne sont plus aussi intéressants aujourd’hui. Faire de la photographie argentique est désormais un petit luxe : il faut en effet comprendre le prix de l’appareil photo, des pellicules, mais aussi le coût du développement. Pour Margaux, notre étudiante récemment convertie à l’argentique, c’est un sacrifice qui vaut le coup, mais dans une certaine limite. Elle nuance : “ Je pense que je ne ferais jamais toutes mes photos à l’argentique… Le numérique a quand même aussi du bon, on ne va pas se mentir !”

Finalement, ce coût que représente la photographie argentique donne une dimension de préciosité à chaque cliché qui est justement recherchée par les adeptes de la photographie argentique comme Margaux : “On fait plus attention quand on prend sa photo plutôt que sur le numérique où on prend une dizaine de photos identiques. Là, à l’argentique, vu le prix des pellicules, on fait plus attention à ce qu’on prend en photo.”

Le recours à la photographie argentique témoigne ainsi peut-être d’une lassitude vis-à-vis des clichés en rafale et des flux d’images que l’on rencontre tous les jours. Au-delà de l’intérêt artistique, faire de la photographie argentique, c’est aussi rechercher une certaine préciosité, le quête du cliché unique et réussi. 

Marjolaine Milon

Image de couverture : © Rudy and Peter Skitterians de Pixabay

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