Fast fashion : un désastre écologique et social (4 / 4)

L’industrie de la mode renferme une réalité peu reluisante : surproduction, surconsommation, travailleurs sous-payés, décharges à ciel ouvert, pollution des sols et des eaux, exploitation des enfants, etc.

Même si le secteur tente tant bien que mal de répondre présent dans la lutte contre le réchauffement climatique et le respect des droits humains, les actions concrètes peinent à voir le jour et les avancées sont lentes, très lentes – peut-être trop lentes ?

L’essor du marché de la seconde main dans la mode ainsi que le récent déclin de la fast fashion sont de bonne augure, mais des mesures concrètes doivent être prises pour mettre fin aux phénomènes qui vont suivre…

Au Chili, des décharges à ciel ouvert polluent le désert d’Antacama

Depuis 40 ans, le Chili s’est spécialisé dans le recyclage et le commerce de vêtements de seconde main. Le port d’Iquique, situé à 1800 kilomètres au nord de Santiago, accueille chaque année 59 000 tonnes de vêtements qui sont triés puis revendus sur place, ou exportés. Seulement, le rythme effréné de l’industrie de la fast fashion qui produit une cinquantaine de collections par an – délaissant les collections printemps/été et automne/hiver traditionnelles – a contribué à multiplier par deux la production de vêtements à bas coût dans le monde – et en particulier en Asie – entre 2000 et 2014. Toujours plus de déchets s’amoncellent et forment d’immenses décharges sauvages à ciel ouvert. A titre d’exemple, plus de 39 000 tonnes de déchets textiles sont entreposés dans des décharges sauvages à Alto Hospice, une commune de la banlieue d’Iquique. 

« Ces vêtements viennent du monde entier », explique à l’AFP Alex Carreno, un ancien ouvrier de la zone d’importation portuaire. « Ce qui n’a pas été vendu à Santiago ou qui n’est pas parti en contrebande vers d’autres pays (comme la Bolivie, le Paraguay et le Pérou) reste ici » (Le Télégramme). « Ici vous avez plusieurs tonnes de vêtements qui sont dangereux, un risque environnemental, un danger pour la santé des gens », précise Pauline Silva, une militante écologiste et avocate (France Info). 

Au Bangladesh : l’effondrement d’une usine de la fast fashion

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L’hécatombe du 24 avril 2013 restera gravée longtemps dans les mémoires, et illustre une fois de plus les dangers de l’industrie de la fast fashion. Ce jour-là, ce ne sont pas moins de 1127 personnes qui ont perdu la vie lors de l’effondrement du Rana Plaza, un immeuble à Savar, dans le faubourg ouest de Dacca, la capitale bangladaise. Cet immeuble de huit étages abritait plusieurs ateliers employant un total de 5000 salariés. Les ateliers de confection travaillaient pour diverses marques de vêtements, dont l’Espagnol Mango et l’irlandais Primark.

Au-delà des conditions indécentes dans lesquelles les ouvriers travaillent, cet incident révèle des formes extrêmes de production. Le journal Le Monde indique que le bâtiment se serait effondré sous l’effet des vibrations des gros générateurs, installés tardivement sur le toit pour pallier les coupures de courant survenues plus tôt dans la matinée. Les négligences des responsables de l’atelier ne manquent pas de faire parler. Des consignes d’évacuation avaient été données la veille, après l’apparition de fissures, mais aucune mesure n’avait été prise. 

Au Ghana, des dunes artificielles formées de vêtements usagés comme paysage

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Une fois leur durée de vie passée, les vêtements arrivent par milliers sous forme de ballots sur les côtes sud-américaines, africaines et asiatiques. Un vêtement sur deux n’est plus réutilisable ni commercialisable sur le marché. En conséquence, ces haillons sont laissés à l’abandon, jonchant les trottoirs des villes, jetés à la mer – faute de place -, incinérés ou encore abandonnés sur les plages, comme sur la photographie ci-contre, prise au large des côtes d’Accra, la capitale ghanéenne. Ils ne forment plus qu’une dune d’habits haute de vingt mètres, et qui ne cesse de s’agrandir depuis quinze ans. « Nous brûlons les vêtements encore et encore, mais il y en a toujours plus. Ça nous rend malades », explique un habitant de la capitale. Les fumées qui se dégagent de la dune sont probablement toxiques, même si aucune étude n’a été réalisée (France Info). 

Chaque jour, le pays reçoit 160 tonnes de vêtements d’occasion dont plus personne ne veut dans les pays occidentaux, ce qui alimente également une importante économie de débrouille. 

« Cela va prendre des années pour que les vêtements se dégradent, et pendant ce temps, des microfibres nocives et toxiques sont libérées dans l’environnement », explique la fondatrice de The Or Foundation (France Info). 

Au fil des générations et des décennies, la fast fashion  aura causé bon nombre de dégâts environnementaux – et même éthiques –  engendrant des formes extrêmes de production pour répondre à la demande assoiffée des consommateurs et des acheteurs compulsifs. Mais depuis les années 2000, un nouveau mode de consommation a émergé dans la société, qui est celle de la seconde main qui se veut durable, éthique et circulaire, avec comme mot d’ordre : acheter – vendre – échanger. Ce marché désigne une nouvelle manière de faire du magasinage, une mode qui a su percer lors de la pandémie de covid et tend à se pérenniser avec les plateformes en ligne comme Ebay ou Vinted, rivalisant avec ténacité contre la fast fashion. Le chiffre d’affaires des grandes sociétés de l’industrie de la mode prévoit une chute de leur profit de 10 à 30% dans les cinq à dix prochaines années, engrangeant  déjà des fermetures administratives pour des marques de milieu de gamme comme Camaieu, Gap, Go Sport, San Marina ou encore Kookaï, subissant simultanément les effets de la pandémie et de l’inflation record. Un changement drastique que le monde n’est pas près d’oublier.

Jessy Lemesle

Couverture : © Image par JamesDeMers de Pixabay

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